21/03/2020

Ancient Greek Grammar for the Study of the New Testament (von Siebenthal, 2019)

Si comme moi vous ne lisez pas la « langue biblique » qu’est l’allemand, vous serez sûrement ravi d’apprendre que la grammaire grecque du NT de von Siebenthal, Griechische Grammatik zum Neuen Testament (1985-2011) vient d’être traduite en anglais : Heinrich von Siebenthal, Ancient Greek Grammar for the Study of the New Testament (Peter Lang, 2019).

The Ancient Greek Grammar for the Study of the New Testament is a tool for theologians and others interested in interpreting the Greek New Testament. It is a reference grammar that systematically covers all areas relevant to well-founded text interpretation including textgrammar. Combining accuracy with accessibility was one of the main objectives in producing the book. The information it provides is based on the best of traditional and more recent research in the study of Ancient Greek and linguistic communication. Differences between classical and non-classical usage are regularly indicated. The mode of presentation is largely shaped by the needs of prospective users, who are typically unacquainted with the details of linguistic research. Aiming at both a professional quality of content and user-friendly presentation, a tool was produced that aims to be of service to novices and more experienced exegetes alike.

Ce gros volume (738 pages) a pour ambition de remplacer le classique, et jusqu’alors incontournable, BDF qui a un peu vieilli et qui n’est pas toujours de lecture très aisée en raison de son langage technique et son extrême concision. Objectif ambitieux, pourrait-on dire, mais quand on prend en mains ce volume, on est aussitôt convaincu :

1. Maniabilité : même si la police de caractère est assez petite (il y a d’ailleurs deux tailles, dont une plus petite encore), la présentation de l’ouvrage permet une lecture et une navigation aisées : police de caractère sobre, mise en exergue des points discutés, système de numérotation efficace, copieux indexes des mots grecs et des références scripturaires.

2. Technicité : l’ouvrage ayant vocation à guider l’exégète dans l’analyse linguistique, les exemples sont nombreux, très nombreux, et toujours traduits. Mieux, l’ouvrage bénéficie, globalement, des toutes dernières avancées linguistiques. Les points abordés sont classiques : phonologie, morphologie, syntaxe. Mais cela va plus loin : des rubriques sont consacrées à l’analyse du discours, aux figures de rhétorique, et même aux différences entre la koinè et le grec classique (appendice 1) ou la formation des mots (ce qui est très utile dans la mémorisation du vocabulaire ; appendice 2). On appréciera aussi la bibliographie « sélective » qui présente de manière ordonnée : les textes et leurs édition, les concordances, les grammaires et ouvrages de linguistique, de sémantique ou d’analyse du discours, etc.

 

Ce petit bijou viendra compléter d’autres outils très utiles, comme Wallace, Létourneau, Köstenberger-Merkle-Plummer, Matthewson-Emig, Porter, Whitacre, et tant d’autres, et peut-être même les supplanter !

Mais von Siebenthal ne sévit pas qu’en grec : il enseigne aussi l’hébreu biblique et a rédigé une copieuse grammaire, en collaboration avec Lettinga (lequel est l’auteur d’une grammaire en néerlandais, traduite en français et  quasi introuvable) : Grammatik des Biblischen Hebraïsch (2017), qui a l’air de même facture, et dont on ne peut qu’espérer une traduction !

A consulter : reviews de cet ouvrage par Niedergall | Heilig | et pour l’édition allemande Schnabel

Quelques autres suggestions de lecture

  • Sabine R. Huebner, Papyri and the Social World of the New Testament (2019) : à partir des dernières découvertes papyrologiques, l’auteur interroge des sujets intéressant le « monde » du Nouveau Testament : recensement / chronologie, nomina sacra, pratique de la lecture, christianisation de l’Égypte, métier de « charpentier », présence féminine dans le clergé, commerce et voyages, etc. Au départ cela m’a fait penser à l’ouvrage de Burnet (L’Égypte ancienne à travers les papyrus) mais c’est en fait très différent (et moins passionnant) : les textes ne sont pas reproduits, mais plutôt livrés « post-digestion ». Par contre les thématiques abordés concernent directement le NT, ce qui est moins vrai de l’ouvrage de Burnet. En somme cet ouvrage, qui dispose d’abondantes illustrations couleur, est un petit opus utile pour creuser quelques points du « monde » du NT.

  • Boas, Rijksbaron, Huitink et de Bakker, The Cambridge Grammar of Classical Greek (2019) : récemment parue, cette somme sur le grec ancien est impressionnante, intimidante. Elle ressemble fort à l’AGG de Siebenthal que je présente dans ce billet : exemples nombreux, exposé bien informé des dernières avancées (ou parfois, modes et tendances) linguistiques, bibliographie abondante (où j’ai eu l’émotion de voir cité un de mes anciens professeurs de grec, ça fait tout drôle dans un ouvrage in English…).

  • Benjamin J. Noonan, Advances in the Study of Biblical Hebrew and Aramaic (2020) : pendant pour l’hébreu biblique de l’ouvrage de Campbell (2015) pour le grec biblique, ce volume fait état de l’état de la recherche : théories linguistiques du moment (avec la linguistique cognitive qui gagne du terrain), bref historique de la recherche, problèmes rencontrés dans la lexicologie et la lexicographie (partie la plus intéressante pour moi), système verbal, temps/aspects/modes, analyse du discours (avec présentation des dernières publications pratico-pratiques sur le sujet), ordre des mots, registre/dialectes, datation des corpus (tableau synthétique commode en p.228), enseignement et apprentissage de l’hébreu/araméen bibliques (méthodologie, ouvrages pédagogiques, outils numériques et leurs limites, avec une tendance : l’apprentissage comme une langue vivante, de nombreuses publications récentes étant signalées ; je reviendrai peut-être sur ce point concernant la série « GlossaHouse Illustrated Biblical Texts » qui s’inscrit exactement dans ce cadre ; elle n’est pas citée, mais cf. p.266-270). Bref un volume assez technique, extrêmement intéressant si vous vous intéressez à la linguistique et la sémantique, appliquées à l’étude de l’hébreu biblique, et qui rappelle le non moins important ouvrage de Mangum et Westbury, Linguistics & Biblical Exegesis (2017).

  • Hardy II, Exegetical Gems From Biblical Hebrew (2019) et Merkle, Exegetical Gems From Biblical Greek (2019) : la question qui taraude les étudiants de langues bibliques, mais aussi leurs professeurs, est la suivante : comme ne pas perdre ses acquis au fil des mois et des années ? La réponse est simple mais assez difficile : il faut lire, et lire encore. Une autre bonne méthode consiste à comprendre comment une bonne analyse grammaticale permet une exégèse appropriée. C’est l’objet de ces deux ouvrages : une trentaine de passages y sont respectivement analysés à la lumière d’un point grammatical particulier (ex. grec : article, 1 Timothée 3.2, règle de Granville Sharp, Tite 2.13, indicatif présent, 1 Jean 3.6,  impératif, Matthieu 6.11, figure de rhétorique, Matthieu 5.13, erreurs exégétiques (exegetical fallacies), Jean 21.15-17 ; hébreu : critique textuelle, Genèse 22.13, qatal/wayyiqtol, Exode 16.34-35, jussifs, Ruth 1.8b, he de direction, Exode 13.21, particule כי, Deutéronome 14.24). Les sujets sont nombreux et bien traités dans l’ensemble, et font de ces deux ouvrages d’utiles outils pour se rafraîchir la mémoire, réviser la méthode, voire creuser certains points méconnus ou confus.

  • Kline, Keep Up Your Biblical Greek in two minutes a day (vol. 1, 2017) et Kline, Keep Up Your Biblical Hebrew in two minutes a day (vol. 1, 2017) : de format commode (comme un NT type GNT/Aland), ces deux ouvrages (qui ont chacun un volume 2 ; une édition pour l’araméen, ou même pour les Proverbes) poursuivent le même objectif que les deux précédents, mais pour le vocabulaire : pour chaque jour de l’année, un mot de vocabulaire est proposé, illustré, avec texte grec/hébreu et traduction, plus un mot-à-mot. C’est utile aussi bien pour réviser la langue que pour se mettre en tête en passage biblique chaque matin (pour ceux qui font cela avec le café). Objectif modeste mais efficace : je m’y suis mis, pour le premier volume de chaque méthode, depuis quelques mois, et cela est tout à fait faisable, même quand on manque cruellement de temps ; il suffit de placer les ouvrages dans des endroits stratégiques… Chaque jour est numéroté (haut de page) comme suit : DAY 80 – WEEK 12 – MAR 21. Vous pouvez aisément sauter à un jour en particulier si vous avez oublié de consulter l’ouvrage un jour ou deux. Pour aujourd’hui par exemple, les deux mots à apprendre ou réviser : מצרים (révision de אדון et אחר), et νόμος (révision de ὑπό et θέλω). Belle mise en jambe avant d’affronter un monde souvent difficile, n’est-ce pas !