18/02/2018

The Greek New Testament (Tyndale House, 2017)

L’édition du texte grec du Nouveau Testament est une entreprise majeure. Jusqu’à présent les éditions les plus courantes étaient le GNT5, le NA28 et le SBLGNT. A ces éditions vient désormais s’ajouter un texte assez prometteur (THGNT), paru il y a quelques mois chez Crossway.

Sous l’égide du Dr Dirk Jongkind et du Dr Peter Williams, une équipe de biblistes s’est ainsi attelée, pendant une dizaine d’années, à la production d’un nouveau texte. Cette équipe n’est certes pas partie tout à fait de zéro : elle a adapté le texte du Nestle-Aland/GNT pour le conformer en tous points à l’édition imprimée de l’édition de Tregelles. Ponctuation, accentuation, orthographe, ou divisions en paragraphes, tout a été revu.

Ce qui fait toutefois l’intérêt de cette édition, c’est son côté « documentaire ». Ainsi que s’en expliquent les éditeurs :

(…) we have not felt it our job as editors to go back behind the witnesses that survive. Rather, in this edition we seek to constrain editorial choice to what is found in Greek manuscripts, not only in these matters, but also in other ones such as paragraph divisions, spelling, breathings, and accents. THGNT, 505.

Le texte est donc « documentaire » en ce sens que les éditeurs n’ont pas cherché à reconstruire un texte hypothétique, aussi plausible que puisse être la conjecture, mais s’en sont tenus à un principe assez simple : n’éditer un texte qu’à la condition qu’il soit attesté par deux manuscrits grecs ou plus, dont un au moins dans un manuscrit antérieur au Ve siècle (THGNT, 506).

Avec une telle « contrainte » (allégée dans le cas de la Révélation) le texte présente en effet des différences sensibles avec les éditions précédentes, dont les éditeurs ont prévu de s’expliquer dans un commentaire textuel à paraître. Ce sera d’autant plus nécessaire que l’apparat est volontairement très réduit, et vise moins à illustrer le témoignage des manuscrits, que le processus de décision des éditeurs, l’objectif étant, rappellent-ils :

our aim has been to produce a text with a high degree of directly verified antiquity so that users of this edition will have the benefit of knowing that any reading printed in this text rests on early testimony. (THGNT, 507)

Il a donc fallu se priver des versions et des citations patristiques, ce dont ils s’expliquent en indiquant que si un document plus récent peut effectivement présenter une leçon très ancienne, leur objectif a surtout été de produire un texte effectivement attesté dans des manuscrits grecs (autant que possible).

De nombreuses décisions ont ainsi dû être prises : inclure ou non les nomina sacra, capitaliser ou non le terme χρίστος, se conformer à certaines conventions éditoriales (comme le iota simple pour le epsilon-iota qu’on rencontre volontiers dans les manuscrits, cf. 508-511), etc.

Une des particularités un peu étonnante pour le lecteur moderne sera certainement l’ordre des livres : Évangiles – Actes – Épîtres catholiques – Corpus paulinien – Révélation. On trouve donc l’épître de Jacques après le livre des Actes.

Enfin l’apparat critique, réduit on l’a dit, présente un triple objectif (THGNT, 515) : 1. indiquer les variantes qui ont suscité les choix les plus difficiles, et qui auraient pu intégrer le corps du texte, 2. indiquer les variantes les plus importantes pour l’exégèse, et 3. indiquer les variantes pour illustrer les pratiques scribales.

J’avoue que lorsque j’ai pris en main ce volume, j’ai été un peu déçu par l’apparat. Il faut cependant en comprendre l’objectif, qui diffère notoirement des éditions courantes. De surcroît les éditeurs déclarent avec un certain optimisme :

Other New Testament editions have a much fuller apparatus, but we believe that this edition’s chief significance, like that of Westcott and Hort, lies not in its apparatus but in the text itself. (THGNT, 507)

Pourquoi pas. Après tout c’est bel et bien le texte qui est au centre, et comme ici les versions et les citations des Pères ont été ignorées, et le texte fondé sur des témoins toujours anciens et grecs, il y a en effet moins d’intérêt à soupeser telle ou telle leçon – le THGNT constituant lui-même, en quelque sorte, un témoin, ou un état du texte.

Quelques remarques plus générales : il n’y a aucune mention des citations scripturaires. Elles ne sont pas indiquées dans le corps du texte, ni signalées en marge. Le péricope de la femme adultère est placé dans l’apparat critique (195-196). La finale longue de Marc est intégrée au corps du texte, mais signalée par une notice (THGNT, 107), tandis que la finale courte est mentionnée dans l’apparat. Le choix de ne pas capitaliser le terme « Christ », est surprenant, voire regrettable, bien qu’ils encouragent à ne rien en conclure (cf. THGNT, 511). Enfin l’apparat a valeur indicative, et ne justifie pas à lui seul tous les choix qui ont été effectués (d’où l’intérêt du commentaire textuel à venir).

A ce stade je n’ai pas encore arpenté suffisamment le texte pour rendre compte de ses innovations, d’autant qu’une édition électronique commode n’est pas encore disponible. Voici toutefois un mini échantillon susceptible de vous donner une idée des différences entre le NA28 et le THGNT :

Référence NA28 THGNT
Jean 1.18 Θεὸν οὐδεὶς ἑώρακεν πώποτε ·  μονογενὴς θεὸς ὁ ὢν εἰς τὸν κόλπον τοῦ πατρὸς ἐκεῖνος ἐξηγήσατο. Θεὸν οὐδεὶς ἑώρακεν πώποτε ·  ὁ μονογενὴς υἱὸς ὁ ὢν εἰς τὸν κόλπον τοῦ πατρὸς, ἐκεῖνος ἐξηγήσατο.
Jude 1.5 Ὑπομνῆσαι δὲ ὑμᾶς βούλομαι, εἰδότας [ὑμᾶς] πάντα ὅτι [ὁ] κύριος ἅπαξ λαὸν ἐκ γῆς Αἰγύπτου σώσας τὸ δεύτερον τοὺς μὴ πιστεύσαντας ἀπώλεσεν, Ὑπομνῆσαι δὲ ὑμᾶς βούλομαι, εἰδότας ἅπαξ πάντα, ὅτι Ἰησοῦς λαὸν ἐκ γῆς Αἰγύπτου σώσας τὸ δεύτερον τοὺς μὴ πιστεύσαντας ἀπώλεσεν.
Colossiens 2.2 ἳνα παρακληθῶσιν αἱ καρδιάι αὐτῶν συμβιβασθέντες ἐν ἀγάπῃ καὶ εἰς πᾶν πλοῦτος τῆς πληροφοριάς τῆς συνέσεως, εἰς ἐπίγνωσιν τοῦ μυστηρίου τοῦ θεοῦ, Χριστοῦ, ἵνα παρακληθῶσιν αἱ καρδίαι αὐτῶν συμβιβασθέντες ἐν ἀγάπῃ καὶ εἰς πᾶν πλοῦτος τῆς πληροφορίας τῆς συνέσεως εἰς ἐπίγνωσιν τοῦ μυστηρίου τοῦ θεοῦ πάτρος τοῦ χριστοῦ,
Éphésiens 1.1 Παῦλος ἀπόστολος Χριστοῦ Ἰησοῦ διὰ θελήματος θεοῦ τοῖς ἁγίοις τοῖς οὖσιν [ἐν Ἐφέσῳ] καὶ πιστοῖς ἐν Χριστῷ Ἰησοῦ, Παῦλος ἀπόστολος Ἰησοῦ χριστοῦ διὰ θελήματος θεοῦ τοῖς ἁγίοις τοῖς οὖσιν ἐν Ἐφέσῳ καὶ πιστοῖς ἐν χριστῷ Ἰησοῦ·

En attendant l’intégration de ce texte dans les logiciels bibliques, vous en trouverez le texte sur STEP Bible et ESV.org.

En savoir plus : Site officiel | ETC | Échantillon : Marc | Review sur Exegetical ToolsReview de Brice C. Jones | theLAB : interview avec les éditeurs | Quelques réflexions de Daniel B. Wallace

Liens mis à jour : Corpus en grec