20/09/2019

Nouvelle Français Courant (Bibli’O, 2019)

Les Éditions Bibli’O publient aujourd’hui une révision de la Bible en Français Courant (BFC) sous le nom de Nouvelle Français Courant (NFC).

Depuis plus de trois ans, l’Alliance biblique française s’est lancée dans la révision de la Bible en français courant, avec pour objectif de continuer à transmettre le message de la Bible de façon accessible, pertinente et fiable.

La Bible en français courant avait besoin d’une actualisation approfondie, tant pour rester en lien avec l’évolution de la langue française que pour intégrer les découvertes récentes des spécialistes (découvertes linguistiques venant souvent de recherches archéologiques, qui affinent la connaissance du sens des mots de vocabulaire ou des structures grammaticales).
Il fallait aussi être à l’écoute des différentes Églises chrétiennes, pour que la Bible en français courant accompagne les défis d’aujourd’hui.

C’est pourquoi, le choix des 57 réviseurs respecte un équilibre entre les différentes confessions du christianisme et représente la diversité de la
francophonie avec des réviseurs de Suisse, de Belgique, du Canada, de la République démocratique du Congo et de France. En effet, l’une des forces de la Bible en français courant est d’être interconfessionnelle et diffusée dans l’ensemble de la francophonie.

Parue pour la première fois en 1982, puis révisée en 1997, cette version est donc la seconde révision majeure, avec pour objectif de « continuer à transmettre le message de la Bible de façon accessible, pertinente et fiable » (cf. communiqué infra). Les efforts ont porté sur quatre axes :

  • Moderniser le vocabulaire ou les expressions en français
  • Simplifier des surinterprétations
  • Harmoniser les traductions de mots récurrents
  • Encourager une traduction moins sexiste (langage « épicène« )

Certains mots « théologiques » font leur retour (ex « Christ » au lieu de « Messie » dans certains versets ; « confession » au lieu de « reconnaissance ») tandis que certains choix sont abandonnés (« parler de la part de » redevient « prophétiser »). Les réviseurs ont également tenu à rendre la traduction adaptée à la lecture orale (comme celle de la Liturgie), et ont ré-écrit les introductions (→ NFC – La révision).

Un premier examen de cette traduction montre que son objectif est rempli : elle est plus théologique, et plus traditionnelle. Bon nombre de choix audacieux sont abandonnés pour revenir à plus de sobriété exégétique. Dans l’absolu cette évolution est louable ; dans les faits, cela pose deux problèmes : 1) la méthode d’équivalence fonctionnelle y est « sacrifiée », 2) la traduction offre un texte potentiellement moins intelligible qu’auparavant (les notes deviennent alors plus importantes).

On sent une tension évidente entre la volonté de respecter le texte au plus près d’une part, et le rendre intelligible d’autre part. La BFC s’affranchissait plus librement de cette attitude passablement schizophrénique en assumant ses choix exégétiques. Dans la NFC, retour à une conception plus traditionnelle, plus sobre, de la traduction biblique. Au premier abord cela décontenance. En mettant l’accent sur la rigueur et le respect des textes originaux, la NFC change (un peu) de nature, comparée à la BFC. A mon avis cette tension n’est pas nécessaire : une traduction à équivalence fonctionnelle n’a pas à être particulièrement proche du texte : elle doit (après une interprétation exégétique solide) en rendre avant tout le sens, même si pour cela son texte doit s’éloigner de la forme du texte (sauf bien sûr si la forme a du sens comme dans le cas des jeux de mots). C’est sa nature. Avec la NFC les réviseurs semblent avoir cherché un compromis. C’est dommage car d’autres versions font déjà cela très bien (comme la Semeur 2015 par exemple). Il en résulte un texte hybride : à équivalence fonctionnelle par principe, et qui s’adonne plus souvent à l’équivalence formelle. On peut cependant comprendre une telle démarche, qui vise à « simplifier [ou éviter] des surinterprétations ». En effet la traduction suppose deux étapes principales, à savoir 1) l’interprétation du texte, et 2) sa formulation en français courant. L’interprétation est normale dans la première étape, mais en voulant bien faire, on peut aussi introduire une interprétation lors de la formulation en français, ce qui pose problème : aussi les réviseurs ont-ils lutté contre « la tentation d’ajouter des périphrases censées aider le lecteur mais qui finalement interprètent le texte (et devraient se trouver dans les notes et non dans le texte) » (→ NFC – La révision).

Peut-être la BFC allait-elle parfois trop loin en dépoussiérant voire en supprimant totalement certains concepts théologiques importants (la « distance parfois prise par rapport au vocabulaire théologique ou ecclésial »). Tout dépend en fait de l’usage que l’on faisait de cette version : à titre occasionnel, elle pouvait éclairer le sens d’un texte particulièrement obscur, mais un usage quotidien risquait d’éloigner un peu du message biblique dans son ensemble. La NFC se prête donc mieux que la BFC à un usage quotidien, comme bible principale.

Ces réflexions ont bien entendu un caractère provisoire, puisqu’elles procèdent d’une lecture de quelques versets au hasard ou presque (guidée par les ouvrages d’Auwers et Babut notamment), et se fondent sur la version en ligne, sans ses notes et introductions, ni de possibilité de « vue d’ensemble ».

Pour en savoir plus : Communiqué de presse | NFC, BFC etc en ligne | A l’achat | Sur les traductions : Timothée Minard, Quelle(s) traduction(s) française(s) faut-il préférer ? | Bibliorama | Lectures conseillées : Delforge, La Bible en France et dans la francophonie |  Lortsch, m.a.j. Nicole, Histoire de la Bible française | Auwers et al., La Bible en français – Guide des traductions courantes | Kuen, Une Bible et tant de versions ! | Kuen, Encyclopédie des Questions (particulièrement pp.97-100) | Bogaert, Les Bibles en français – Histoire illustrée du Moyen Âge à nos jours | Babut, Lire la Bible en traduction | Nieuviarts et al., Cahiers Évangile. n° 157, Traduire la Bible en français