15/09/2019

εἴπατε τῇ ἀλώπεκι ταύτῃ… (Luc 13.32)

καὶ εἶπεν αὐτοῖς· πορευθέντες εἴπατε τῇ ἀλώπεκι ταύτῃ· ἰδοὺ ἐκβάλλω δαιμόνια καὶ ἰάσεις ἀποτελῶ σήμερον καὶ αὔριον καὶ τῇ τρίτῃ τελειοῦμαι.

Il leur dit : Allez dire à ce renard : Je chasse des démons et j’accomplis des guérisons aujourd’hui et demain ; le troisième jour, j’en aurai fini.

Luk 13.32

Pour ceux qui connaissent les Fables de la Fontaine – et tout le monde les connaît – , le renard est un animal rusé. En était-il ainsi au premier siècle pour un locuteur grec ? Il semble que oui, d’une certaine manière.

La note de la NBS indique à ce passage :

ce renard : cf. Ez 13.4 ; dans le monde grec ce qualificatif évoquait la ruse, à peu près comme le français ; certains, s’appuyant sur des parallèles dans la littérature juive postérieure, pensent que l’image suggère un personnage agressif mais peu dangereux (par opposition au lion).

D’autres indices ont été relevés par Lagrange, Évangile de Luc (1921) p.393 :

Le premier texte cité par Lagrange peut se consulter dans le Talmud de Babylone, Berakhot 61b:7 (« parabole du renard et du poisson ») :

Les lexiques et dictionnaires sont prudents et se contentent d’indiquer que le terme est appliqué à Hérode Antipas (ex. Danker, CL p.18) mais sans préciser le sens. Parmi ceux qui avancent une explication on peut mentionner Louw et Nida : « a wicked person, probably with the implication of being cunning and treacherous » (personne méchante, avec l’implication probable de ruse et de perfidie) [LN 88.120] qu’ils précisent ainsi dans un autre ouvrage : « unreliable and clever rascal » (vaurien peu fiable et rusé) (1992, 71). Dans son brillant ouvrage consacré à la sémantique du NT, Louw (1982, 55) déjà avait abordé ce sujet une décennie auparavant, en soulignant avec justesse :

« (…) To go back to the fox as an animal will not be of much help because it depends on which charateristics of the fox was abstracted. In English the focus is on cunning characteristics of the fox, yet with the ancients it referred to something broader. The fox was a symbol of a base and wicked person – a raskal. The catena on Luke 13:32 (Cremer 1967: 110) explained Jesus’ description of Herod as a fox as γὰρ τὸ ζῶον ἀεὶ πανοῦργον καὶ δύστροπον « for the animal is always unscrupulous (or, ready for all crimes) and wayward. » Therefore the English ‘rogue, rascal‘ will be closer to the Greek than our figurative meaning, namely, cunning. »

En français, le bon dictionnaire de Carrez ne fait pas de zèle en la matière (DGNT p.24), non plus que celui de Ingelaere-Maraval-Prigent (DGF p.7 ; dérivé de Newman, CGD p.8, idem). Seul le dictionnaire de Cochrane – le seul d’ailleurs à donner des définitions plutôt que des gloses – donne deux sens, dont : « [fig] personne rusée (Luc 13.32) » (CDGF p.9).

Déterminer le sens : précisions méthodologiques

   Le premier réflexe consiste à se dire que Jésus parlait une langue sémitique, et que derrière le vocable ἀλώπηξ, il faut sans doute entendre שׁוּעָל. Dans ce cas un examen de l’emploi de שׁוּעָל dans l’Ancien Testament peut éventuellement aiguiller sur les « connotations » associées au vocable. Plusieurs réserves doivent être cependant émises :

  • l’usage du terme étant plus ou moins accidentel (c’est-à-dire qu’il se rencontre au hasard du propos sans jamais constituer un traité sur le renard), son usage peut ne pas être représentatif : en fait, notre connaissance de la langue est déficiente dans de nombreux domaines,

  • l’identification des espèces animales mentionnées dans la Bible est sujet à caution (renard, chacal, chien sauvage, voire hyène ne sont pas très clairement distingués ; ou s’ils le sont sans qu’on puisse le savoir en raison de notre méconnaissance de la langue, c’est que leur usage populaire a pu être assez lâche,

  • considérer qu’il faut lire un texte hébreu ou araméen par-delà le texte grec de l’Évangile, pour en comprendre la teneur, c’est admettre que le texte grec, soit 1) n’a pas de sens en l’état, soit 2) donne un sens inexact ou induit en erreur, auquel cas Luc aurait mal traduit le propos de Jésus ; pour le décrypter, il conviendrait alors d’analyser la connotation d’un vocable sémitique qu’il faut alors supposer (שׁוּעָל, mais pourquoi pas l’araméen תַּעֲלָא ? → CAL pour « fox »Black 1998, 233) ; une position alternative consiste à recevoir le texte grec tel quel, en acceptant son sens et ses connotations obvies,

  • Luc a sans doute rédigé son évangile en grec, tout en consultant diverses sources en grec et en hébreu/araméen ; il n’hésitait pas à donner du sens ou adapter sa source si nécessaire (comparer Luc 16.16 εὐαγγελίζεται vs Mt 11.12 βιάζεται ; de tels exemples sont nombreux → Pernot 1927Cadbury 1920) ; il est donc hasardeux de supposer que l’expression εἴπατε τῇ ἀλώπεκι ταύτῃ figurant sous sa plume n’ait pas de sens, ou n’ait pas le sens désiré.

Ces réserves étant posées, deux méthodes sont susceptibles d’apporter un éclairage au sens de « renard » rencontré en Luk 13.32 : 1) la symbolique associé au mot « renard » dans l’AT, et 2) le sens de « renard » en grec.

1. שׁוּעָל : symbolisme dans l’Ancien Testament

L’équivalent de ἀλώπηξ en hébreu est שׁוּעָל, et un examen cursif de son emploi dans les six livres bibliques où il figure indique à l’évidence un usage assez lâche : le terme semble désigner parfois le renard, parfois le chacal (→ Hope 2005, 64-68Goodfellow 2018, 86, Corswant 1956, 260). En grec, chacal se dit θώς ou θωός et l’hébreu semble connaître un vocable consacré, à savoir אִיִּים (Isa 13.22, Jer 50.39), et peut-être תַּן (Lam 4.3, Mal 1.3, Job 30.29) voire תַּנִּין (Mic 1.8). Au premier abord, cette confusion dans l’identification du renard, puisque c’est bien d’un renard dont il s’agit en Luk 13.32, invite à une certaine prudence.

Dans l’Ancien Testament, שׁוּעָל figure 7 fois dans 6 livres bibliques : Jdg 15.4, Neh 4.3, Psa 63.10, Sol 2.15 (2x), Lam 5.18 et Ez 13.4. On remarque d’emblée que chacal peut convenir dans presque tous les contextes, sauf peut-être Neh 4.3 et Sol 2.15. Ce qui paraît le plus associé aux chacals a trait aux lieux désertiques, et à la désolation des ruines (des êtres intrigants, donc). Quand le renard est en vue, l’accent porte alors sur l’insignifiance, qui n’exclut pas la nuisance.

   En Eze 13.4 des prophètes sont comparés à des renards au milieu de ruines. Le contexte montre qu’ils abreuvent le peuple de Dieu de paroles mensongères (Eze 13.6, Eze 13.7, Eze 13.9), qu’ils « parlent de paix, quand il n’y a pas de paix » (2x Eze 13.10, Eze 13.16) : ces prophètes se croient rusés mais sont désavoués par Dieu (הֹלְכִים אַחַר רוּחָם « ils suivent leur propre esprit » mais sont נְּבָלִים « insensés », Ez 13.3). Ils sont  stupides, et pire ils sont fourbes, car leurs mensonges sont proférés en toute connaissance de cause : ils trompent et ils égarent (Eze 13.10, Eze 13.19). Faut-il en conclure que renards ou chacals symbolisent la stupidité ? Ce n’est pas l’objet de la métaphore. En fait le contexte souligne la vanité des prophètes en question, leurs mensonges, leur fourberie. Le terme שָׁוְא « vain » est 4 fois répété (Eze 13.6, Eze 13.7, Eze 13.8, Eze 13.9). Cette vanité mensongère, ce désert de vérité, est voué à la désolation : la muraille qu’ils bâtissent et qu’ils couvrent de plâtre (une ruse visant à la rendre belle et d’apparence solide) s’écroulera et ils tomberont (נָפַל x4, Eze 13.11, Eze 13.12, Eze 13.14 ; « elle touchera terre » et sera « mise à nu » : Eze 13.14 ; il n’y aura plus de mur, v.15 ; וְאֵין x4) tandis que les éléments se déchaîneront : tempête, x2 pluie violente, 2x ; grêle de pierres, 2x). Ainsi ces prophètes sont comparés à des chacals, non parce parce que les chacals sont stupides, mais parce que, stupides et tombés sous le coup du jugement divin, ces prophètes rejoindront ces bêtes errantes dans les ruines, les lieux désertiques et désolés où elles nichent.

   Dans le Cantique des cantiques (Sol 2.15), on voit des renards « ravager » (חָבַל) des vignes. Il est vrai que chacals et renards ont un certain goût pour le raisin, dont les vignerons devaient se méfier grandement (les renards n’hésitant pas à creuser sous les murs de protection entourant les vignes pour accéder à leur pitance → IDB 55). Faut-il pour autant voir en ces prédateurs opportunistes des ravageurs ? Ce serait, à mon avis, sur-interpréter le texte en question : 1) le verbe utilisé signifie effectivement (au piel) détruire, ruiner (→ DHAB 117-118, CDCH 105-106, ST 163-164) ; mais il ne faut peut-être pas prendre ce terme tout à fait au pied de la lettre car l’auteur peut avoir choisi ce mot plutôt qu’un autre à la faveur d’un jeu de mots et de sens sur les homonymes de חבל (dont : חבל-1 agir avec méchanceté, חבל-2 prendre en gage, חבל-3, donner naissance ; être enceinte, être en travail) – en effet ce même terme revient un peu plus loin en Sol 8.5 avec le sens d’enfanter, concevoir ; en Sol 2.15 les renards contrarient donc les rencontres amoureuses à l’ombre des vignes et l’ambivalence détruire/concevoir n’est en ce cas pas innocente (→ NBS 854 ; SDBH s.v. חבל, DCH III, 149-150) ; 2) On peut comprendre le verbe dans un sens atténué, i.e. causer du tort, nuire (Neh 1.7) car l’accent porte moins sur le côté destructeur des renards – de « petits renards » (שׁוּעָלִים קְטַנִּים) – que sur leur ruse et leur caractère opportuniste : ils s’attaquent à la vigne quand elle bourgeonne, « quand elle est en fleur ». 3) D’ailleurs l’autre mention du renard faite par Jésus concerne la tanière des renards (Mat 8.20, Luk 9.58), ce qui appelle une précision : « Foxes also settle in holes and burrows, often those abandoned by other animals » (→ IDB 55).

   En résumé, שׁוּעָל signifie renard. En pratique, le terme désigne un chacal ou un renard. Peut-être le texte biblique parle-t-il plus souvent du chacal. Quand il s’agit du chacal, c’est un charognard et il se déplace en meute. Quand il s’agit du renard, il est seul, insignifiant et opportuniste. Dans les deux cas, la vision de ces animaux est négative : ils errent dans les ruines, se repaissent des cultures et hurlent lugubrement. Ils sont nuisibles sans être dangereux.

   A ce stade on soulignera (pour ceux qui douteraient de l’intérêt de son apport) la continuité de la pensée rabbinique avec le symbolisme biblique : s’agissant du renard, on lui retrouve la qualité d’insignifiance (→ expression ארי בן שועל, « son of a fox, a distinguished man, son of an inconspicuous father », Jastrow 1903, 1538 ; « an insignificant or base person », Hoehner 1972, 347 ; « slyness and inconsequentiality » NIDNTT I, 118T ; « small-fry », Buth 1993), en plus de celle de ruse (Berakhot 61b:7).

2. ̓Αλώπηξ en grec

« Renard » dans le DCLF

En grec ancien, le terme ἀλώπηξ désigne un « renard », et de manière figurée, « un homme rusé » (Bailly p.91 ; Pessonneaux p.58). Les nombreux dérivés en témoignent, parmi ceux-ci ἀλωπεκίζω, faire le renard ; user de ruse [Hesychius : <ἀλωπεκίζειν>· ἀπατᾶν (i.e. être fourbe, trompeur)]  ; ἀλωπεκίας, semblable au renard ; fourbe, rusé ; ἀλωπός, fourbe comme un renard etc. Cette ruse, cette fourberie était proverbiale et a laissé quelques sentences bien senties :

  • Ἀλώπηξ τὸν βοῦν ἐλαύνει, le renard pousse le bœuf = une personne insignifiante mais habile s’impose à une autre (Tosi 2010, n°1886, p.1374-1375)

  • Ἀλωπεκίζειν πρὸς ἑτέραν ἀλώπεκα, se comporter comme un renard avec un autre renard = un escroc qui tente d’abuser un autre escroc (Tosi 2010, n°2243, p.1606-1607)

Les fameuses fables d’Ésope (un recueil hétéroclite de fables de divers auteurs et de haute antiquité ; sans doute connus des tannaïm → JE I, 221-22 : « AEsop’s Fables among the Jews ») font la part belle au renard : une quarantaine au moins lui sont consacrées. Ces fables illustrent bon nombre de défauts humains, en des variations nombreuses, insolites et divertissantes. Pour le renard, on devine sans peine quels traits de caractère étaient associés à cet animal : Le Renard et le Chien (fourbe/voleur), Le Renard et la Panthère (ruse/esprit), Le Renard et le Singe élu roi (fourberie/ruse), Le Renard et le Singe disputant de leur noblesse (mensonge), Zeus et le Renard (esprit/opportunisme), L’Homme et le Renard (nuisible/ »ravageur »), Le Renard et le Bouc (ruse/esprit/mensonge), Le Renard écourté (fourberie/opportunisme), Le Renard et le Masque (esprit), Le Corbeau et le Renard (ruse). Dans Le Lièvre et le Renard, le lièvre piégé s’exclame : « J’apprends pour mon malheur, mais enfin j’apprends d’où te vient ton nom : ce n’est pas de tes gains, mais de tes ruses ».

Lorsqu’on lit en Luk 13.32 « allez dire à ce renard », il est ainsi difficile de ne point songer à cet arrière-plan culturel, puisque c’est bien un texte grec qui se donne à lire. Or en grec il n’est point question d’ambiguïté sur l’identification de l’animal, ἀλώπηξ – le renard. En grec donc le renard désigne manifestement un homme rusé, de manière négative. Cette ruse confine à la fourberie.

Jésus a-t-il qualifié Hérode Antipas de rusé, de fourbe ?

Il faut déjà remarquer qu’il est probable que la sentence énigmatique de Mat 11.7, Mat 11.8, se réfère à Hérode Antipas : qualifié (de manière cryptée) de « roseau agité par le vent » (aimant les habits luxueux et les palais ; inconstant) l’expression pourrait désigner un être fragile (politiquement), de peu d’importance et insignifiant – comme le renard dans la pensée biblique (nuisible sans être foncièrement dangereux). Hérode Antipas n’était pas stupide mais ce n’était pas non plus un génie : son divorce peu avisé d’avec Phasaélis lui occasionna une lourde défaite militaire et ses intrigues avec sa seconde femme Hérodiade se soldèrent par sa déposition et son exil en Gaule (→ Tidiman 2006, 389-390 ; Wikipédia, « Hérode Antipas »). Flavius Josèphe indique que l’emprisonnement du Baptiste fut consécutif à sa crainte de troubles politiques (Josèphe, AJ 18.116-119). Le tétrarque veillait donc scrupuleusement, par toutes sortes de ruses et d’intrigues, à asseoir son pouvoir, et même à devenir roi ; il n’avait cependant rien de redoutable car en plus d’avoir fait deux mariages peu avisés, il subit une cuisante défaite militaire

31 Ce même jour, quelques pharisiens vinrent lui dire : Va-t’en, pars d’ici, car Hérode veut te tuer. 32 Il leur répondit : Allez, et dites à ce renard : Voici, je chasse les démons et je fais des guérisons aujourd’hui et demain, et le troisième jour j’aurai fini.

Quand on relit le contexte immédiat, on voit que des pharisiens informent Jésus qu’Hérode a l’intention de le tuer. Vraiment ?

« Hérode… renard », il s’agit d’Hérode Antipas (3,1 et la note). Jésus est sur ses terres, c’est-à-dire en Pérée, puisqu’il fait route vers Jérusalem (5,1 ; 13,22). Il ne semble pas qu’Hérode ait eu le dessein de « tuer » Jésus. Peut-être a-t-il voulu, par ce faux bruit habilement répandu, se débarrasser de Jésus : c’est à cette manœuvre de roué que ferait allusion l’épithète de renard. (La Bible Osty p.2229)

Ce n’est pas à dire que Hérode Antipas n’ait jamais inquiété Jésus (Mat 16.13, Mar 6.29, Mar 6.30, Mar 6.45, Mar 7.24 → Jensen 1973, Tyson 1960). Le maître mit d’ailleurs ses disciples en garde contre le « levain d’Hérode » (Mar 8.15), à savoir son hypocrisie, sa fourberie (Luk 12.1 ; cp. Mat 16.6, Mat 16.11, Mat 16.12). Il fallait donc s’en méfier, et d’ailleurs les Actes le tiennent pour responsable de la mort de Jésus au même titre que Pilate (Act 4.27). Hérode cherchait à gagner le peuple juif (par ses constructions à Tibériade et Séphoris notamment → Paul 1981, 50, 202-204, par ses monnaies aniconiques → Jensen 2006), mais sa duplicité était connue de tous (il vivait en païen sans respecter la Loi → Hoehner 1972, Schürer 1908, Jensen 1973), et le Baptiste la dénonça au péril de sa vie (Mar 6.17, Mar 6.18, Luk 9.9). On savait que, tout comme son père, il voulait être « l’ami des Romains », mais qu’il brillait par son peu d’envergure (constructions modestes comparées à son père, influence politique marginale → ex. Jensen 1973) : en ce sens, c’était un « renard » (insignifiant, intrigant, parfois nuisible). Cette connotation d’insignifiance, qui certes remonte à l’AT, est en fait présente en grec, puisque le renard est sans cesse opposé au lion dans l’imaginaire culturel (cf. Ésope) ; quant à la ruse, elle est consubstantielle au terme ἀλώπηξ. En ce sens, Luk 13.32 peut se comprendre de manière autonome.

De surcroît, quand il eut effectivement l’occasion d’exécuter Jésus, Antipas, ravi (Luk 23.8), l’interrogea (Luk 23.9), le traita avec mépris, puis le relâcha (Luk 23.11). Point d’exécution. Autrement dit il n’avait jamais vraiment cherché à le tuer, mais plutôt à se débarrasser du « brûlot » (en manipulant les pharisiens, les « hérodiens », Mat 22.16, Mar 3.6, Mar 12.13). Cette rumeur peut avoir été en droite ligne avec le trouble d’Hérode (διαπορέω) consécutif à la disparition du Baptiste et l’avènement simultané du Christ (Luk 9.7, Luk 9.9).

Résumé des hypothèses Blight 2008

En somme la réplique du Christ est une (nouvelle) fulgurance : devinant la manœuvre d’Hérode, Jésus ignore ce nuisible sans importance, ce rusé mais tant – avant de mettre l’accent sur les bienfaits d’un vrai Royaume. Le contexte étant limpide, il n’est pas utile de supposer un terme hébreu en filigrane, et par-delà, une symbolique vétérotestamentaire. Hérode Antipas est un renard : il se croit rusé. Mais il aura bientôt à faire à un lion : César (→ DBI 30) – ce qui n’est pas sans rappeler, quelque part, la fable Le Renard qui n’avait jamais vu le lion, dans laquelle un renard cesse (à tort) de craindre le lion…

Pour en savoir plus : H. W. Hoehner, Herod Antipas, Cambridge University Press, 1972 : monographie de référence sur le tétrarque ; l’appendice 11, « The Meaning of Fox » (pp.343-347) fait le point sur la question dans les littératures latine, grecque et juive : « a person who is designed a fox is an insignificant or base person. He lacks real power and dignity, using cunning deceit to achieve his aims » (p.347 ; une analyse très intéressante, mais qui n’est pas loin du « transfert de totalité illégitime » ; elle tente moins de résoudre le sens grec de Luk 13.32 que d’agréger toutes les connotations documentées sur l’animal) [en ligne ici] | Buth, « That Small-fry Herod Antipas, or When a Fox Is Not a Fox » (propose « menu-fretin ») | JensenHerod Antipas in Galilee: The Literary and Archaeological Sources on the Reign of Herod Antipas and Its Socio-economic Impact on Galilee (2006) : point documentaire sur ce qu’on sait du tétrarque (monnaies, sources littéraires, témoignages archéologiques) | Schwentzel, Rois et reines de Judée – IIe s. av.-Ier s. apr. J.-C. : ouvrage de synthèse commode sur les souverains de Judée ; sur Antipas, cf. pp.61-63 | E. Schürer, A History of the Jewish People in the time of Jesus Christ, T & T Clark, 1908, vol. II/1, pp.17-37 ; p. 18 : « In point of character, Antipas was a genuine son of old Herod,—sly, ambitious, and luxurious, only not so able as his father. In regard to his slyness we have unmistakable evidence from the life of Jesus, who, on a memorable occasion, attached to him the designation of “that fox.”| Jensen, « Antipas – The Herod Jesus Knew » (BAR 2012) (petite mise au point historique illustrant l’envergure insignifiante d’Antipas) |  Hérode Antipas (Wikipédia) | Daube, The New Testament and Rabbinc Judaism (Arno Press, 1973) | Tyser, « Jesus and Herod Antipas » (JBL 1960, 79/3, pp.239-246) | Westphal, DEB II, 549-550 évoque « l’hostilité sournoise » d’Hérode | CBSB 1777 : « Foxes were considered cunning, shrewd, and often treacherous and deceitful; most importantly here, they were destructive and were a threat to small domestic livestock (v.34) » | Sur les affinités entre littérature rabbinique et Nouveau Testament, voir par ex. Un roseau agité par le vent ? note 2 ou la liste conséquente de références fournies par Bonsirven 1955, 791-801 : « Passages du Nouveau Testament qu’on peut rapprocher de sentences rabbiniques » | ASB 1510-1511 : « cunning or deceitful behavior » / « smaller, second-tier predator » | IDB 55: « When hunted, they are cunning and devious, misleading their pursuers. Jesus compared Herod, the Roman tetarch of Galilee and Perea, to a fox, because of his crafty, devious nature » | IDCB 441 : « He [Herod Antipas] inherited his father’s political cunning, which may have been why Jesus referred to him as ‘a fox’ (Luke 13.32) ». |  Sur les mentions du renard dans le Talmud : המפתח – HaMafteach, Retter 2014, p.238, SB II, 200-202 | Berakhot 61b:7 →  Bible Parser Web App, TBE puis T01 61b:7 | Blight 2008 | Dhorme 1926, 408 | Condamin 1905, 103 | Hoonacker 1908, 358