02/03/2019

Grammaire du grec du Nouveau Testament (Robertson, 1911)

   Aujourd’hui encore, la grammaire grecque du Nouveau Testament d’A.T. Robertson, A Grammar of the Greek New Testament in light of historical research, parue en 1914, reste abondamment citée et commentée. C’est qu’elle marquait un tournant assez majeur en introduisant dans le genre un peu de linguistique, de philologie, et de méthode comparée (à la suite des travaux de A. Deissmann ou J. H. Moulton notamment). On commençait à s’intéresser de près au papyri, aux inscriptions, au rapport avec les Septante… En version anglaise j’utilise couramment l’édition de 1934, un gros volume de 1454 pages assez intimidant… et je n’ai de cesse d’y faire des trouvailles. Quand il s’agit d’ailleurs d’approfondir un sujet, la case Robertson est systématique, et ce malgré la profusion d’ouvrages plus récents (MHT, Wallace, Blass-Debrunner, Porter, ZerwickCarrez pour n’en citer que quelques-uns ; voir aussi → Grec biblique : quelques outils & Grammaires du Grec Biblique).

   Mais avant de publier son magnus opus, Robertson avait débuté avec une grammaire de plus petite envergure (près de 300 pages tout de même), publiée en 1908, et qui a eu de multiples éditions : A Short Grammar of New Testament Greek. C’est l’édition française de cette « brève grammaire » que je vous propose ici : A.T. Robertson, Grammaire du grec du Nouveau Testament (trad. E. Montet, Lib. Paul Geuthner, Paris, 1911 ; ou en PDF sur ce site).

Le traducteur commente cette ‘concision’ ainsi (p. viii) :

L’auteur a intitulé sa grammaire, en anglais : « A Short Grammar… » (Brève grammaire). Ce titre est trop modeste. Sans doute, la grammaire est abrégée et réduite pour les étudiants auxquels elle est destinée ; mais en fait, elle est très complète sous sa rédaction concise. Ses qualités essentielles sont : la précision, la clarté (malgré quelques obscurités résultant de la concision), et surtout la valeur scientifique. (…) On voit, par ce simple exposé du contenu de la « Short Grammar », que nous avons affaire à un ouvrage de première valeur sur le grec du Nouveau Testament.

J’utilise cet « abrégé » depuis quelques temps déjà, et je ne puis que confirmer le sentiment du traducteur. L’ouvrage est concis, mais complet. Il faut d’ailleurs parfois décrypter le sens de certaines phrases, pour en mesurer toute la valeur et la profondeur ; ou encore, il ne faut pas s’imaginer qu’un exemple soit donné « au petit bonheur » : Robertson maîtrise son sujet, à l’évidence. Par exemple en Eph 5.33 Paul utilise tantôt un verbe à l’impératif pour donner un ordre, tantôt une construction ἵνα + subjonctif. Cette dernière construction, en tant que telle, n’est pas rare (ex. ἵνα + subjonctif présent) et sert souvent à exprimer un but : on parle alors de proposition finale (cf. Létourneau 2010 : 186, Wallace 2015 : 528 sq). On connait encore bien d’autres usages à cette tournure ἵνα + subjonctif, et l’un de ceux-ci, rare et peu connu pour le coup, se rencontre justement en Eph 5.33, il s’agit de sa force impérative (cf. Létouneau 2010 : 188, Wallace 2015 : 534 sq ; voir Robertson 1934 : 942 ; ce même verset est encore étudié en d’autres occasions : 330, 746, 766, 769, 933, 994, 1187 ; d’autres cas se rencontrent en Mat 20.33, Mar 10.51, 1Co 7.29, 2Co 8.7, Gal 2.10, Rev 14.13, cf. Wallace 2015 : 534). Or le Robertson abrégé, sur un point aussi rare et particulier, est sur le coup (p. 177) :

Au lieu de l’impératif nous avons quelques fois ἵνα (Eph. V, 33)

Cette simple mention, en apparence anodine, montre à quel point cette Grammaire du grec du Nouveau Testament mérite d’être étudiée attentivement, avec le texte biblique en regard. Certes elle ne surclasse pas l’incontournable Abel, Grammaire du grec biblique (1927) qui, pour le verset donné en exemple, nous en dit un peu plus (§36g, 59e78o et surtout 80j). Mais le peu qui est dit est précis et opportun.

Robertson formule ainsi son intention en préface  (p.iv) :

Mon travail n’aura pas été vain, si, par cet ouvrage, les étudiants parviennent à une connaissance plus entière et plus profonde des richesse du Christ. Ταῦτα μέλετα, ἐν τούτοις ἴσθι (1Ti 4.15).

C’est le vœu qu’on formule à sa suite.

PS : cette grammaire sera prochainement indexée à Bible Parser Web App, et peut-être aussi celles de Botte et de Mayer, tout comme le sont déjà celles d’Abel (4397 versets indexés) et de Touzard (1162 versets indexés).