27/04/2014

La sorcière d’En-Dor : une ventriloque ?

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Le récit de 1 Samuel 28.3-24 présente un concentré de méfaits imputables au roi Saül qui sont bien connus. Mais quand on regarde le texte de plus près, on découvre des difficultés inattendues. Prenons déjà connaissance in extenso du récit, selon la version de Darby :

3 Samuel était mort, et tout Israël s’était lamenté sur lui, et on l’avait enterré à Rama, dans sa ville. Et Saül avait ôté du pays les évocateurs d’esprits et les diseurs de bonne aventure4 Et les Philistins s’assemblèrent, et ils vinrent, et campèrent à Sunem; et Saül rassembla tout Israël, et ils campèrent à Guiboa. 5 Et Saül vit le camp des Philistins, et il eut peur, et son cœur trembla très-fort. 6 Et Saül interrogea l’Éternel, et l’Éternel ne lui répondit pas, ni par les songes, ni par l’urim, ni par les prophètes7 Et Saül dit à ses serviteurs: Cherchez-moi une femme qui évoque les esprits, et j’irai vers elle, et je la consulterai. Et ses serviteurs lui dirent: Voici, il y a à En-Dor une femme qui évoque les esprits8 Et Saül se déguisa et revêtit d’autres vêtements, et il s’en alla, lui et deux hommes avec lui, et ils vinrent de nuit chez la femme. Et il dit: Devine pour moi, je te prie, par un esprit, et fais-moi monter celui que je te dirai.9 Et la femme lui dit: Voici, tu sais ce que Saül a fait, qu’il a retranché du pays les évocateurs d’esprits et les diseurs de bonne aventure; et pourquoi dresses-tu un piège à mon âme pour me faire mourir? 10 Et Saül lui jura par l’Éternel, disant: L’Éternel est vivant, s’il t’arrive aucun mal pour cette affaire! 11 Et la femme dit: Qui te ferai-je monter? Et il dit: Fais-moi monter Samuel. 12 Et la femme vit Samuel, et elle poussa un grand cri; et la femme parla à Saül, disant: Pourquoi m’as-tu trompé? et tu es Saül! 13 Et le roi lui dit: Ne crains point; mais que vois-tu? Et la femme dit à Saül: Je vois un dieu qui monte de la terre.14 Et il lui dit: Quelle est sa forme? Et elle dit: C’est un vieillard qui monte, et il est enveloppé d’un manteau. Et Saül connut que c’était Samuel; et il se baissa le visage contre terre et se prosterna. 15 Et Samuel dit à Saül: Pourquoi as-tu troublé mon repos en me faisant monter? Et Saül dit: Je suis dans une grande détresse; car les Philistins me font la guerre, et Dieu s’est retiré de moi, et ne me répond plus, ni par les prophètes, ni par les songes; et je t’ai appelé pour me faire savoir ce que j’ai à faire. 16 Et Samuel dit: Et pourquoi m’interroges-tu, quand l’Éternel s’est retiré de toi et qu’il est devenu ton ennemi? 17 Et l’Éternel a fait pour lui-même comme il l’a dit par moi; et l’Éternel a déchiré le royaume d’entre tes mains et l’a donné à ton prochain, à David; 18 parce que tu n’as pas écouté la voix de l’Éternel et que tu n’as pas exécuté l’ardeur de sa colère contre Amalek: à cause de cela, l’Éternel t’a fait ceci aujourd’hui. 19 Et l’Éternel livrera aussi Israël avec toi en la main des Philistins; et demain, toi et tes fils, vous serez avec moi; l’Éternel livrera aussi l’armée d’Israël en la main des Philistins. 20 Et Saül aussitôt tomba à terre de toute sa hauteur, et il fut extrêmement effrayé des paroles de Samuel; même il n’y avait plus de force en lui, car il n’avait pas mangé de pain de tout le jour et de toute la nuit21 Et la femme vint à Saül, et elle vit qu’il était très-troublé, et elle lui dit: Voici, ta servante a écouté ta voix, et j’ai mis ma vie dans ma main, et j’ai écouté les paroles que tu m’as dites; 22 et maintenant, je te prie, écoute, toi aussi, la voix de ta servante, et je mettrai devant toi une bouchée de pain, et mange, et tu auras de la force pour aller ton chemin. 23 Et il refusa et dit: Je ne mangerai point. Et ses serviteurs et la femme aussi le pressèrent; et il écouta leur voix, et se leva de terre et s’assit sur le lit. 24 Et la femme avait dans la maison un veau gras, et elle se hâta de le tuer; et elle prit de la farine et la pétrit, et en cuisit des pains sans levain, 25 qu’elle apporta devant Saül et devant ses serviteurs; et ils mangèrent; et ils se levèrent, et s’en allèrent cette même nuit-là.

Pour certains exégètes, les difficultés rédactionnelles posées par ce récit sont patentes : il y aurait deux récits qu’un rédacteur final aurait combinés, voire juxtaposés, sans grand souci d’exactitude, en tentant seulement de gommer les éléments les plus païens du récit initial (Reinach, RHR 1923 : 46) ; ou encore, le récit ne serait pas en place (il est chronologiquement situé à la veille du combat de Guilboa quand le contexte indique que les Philistins sont loin), et serait plutôt à insérer entre les chapitres 30 et 31 (Caquot 1994 : 333).

Ce qui nous intéresse ici, ce sont les difficultés lexicales. Au verset 3, il est question d’évocateurs d’esprits et diseurs de bonne aventure. Cela recoupe l’expression hébraïque הָאֹבֹות וְאֶת־הַיִּדְּעֹנִים (hā’ōḇwōṯ wə’eṯ-hayyidə‘ōnîm). Quand on consulte les traductions françaises, on ressent un certain embarras : nécromants et devins (BJ), ceux qui invoquent les esprits et spirites (S21), spirites et médiums (NBS), la pratique de la divination (TOB), nécromants et devins (Pléiade, Rabbinat). La version de Samuel Cahen renonce à traduire : oboth et iidonime (et indique nécromanciens et devins en note). La Vulgate porte magos et ariolos. Dans le texte grec des LXX on trouve τοὺς ἐγγαστριμύθους καὶ τοὺς γνώστας (les ventriloques et les connaisseurs ; cf. Bible d’Alexandrie, 1997:394-396, « ventriloques et devins »).

Le terme הַיִּדְּעֹנִים ne semble pas a priori poser de difficulté, puisqu’on y reconnaît d’emblée la racine du verbe savoir, connaître (ידע), d’où connaisseurs, devins. On le rencontre 11 fois, toujours associé à אֹבֹות (Lév 19.31, 20.6, 27, Deut 18.11, 1 Sam 28.3, 9, 2 Rois 21.6, 23.24, 2 Chron 33.6, Esa 8.19, 19.3 ; cf. TLOT 2:510, « spirit of soothsaying », esprit de divination). En revanche, הָאֹבֹות  est plus délicat. On reconnaît tout aussi facilement que pour le précédent mot une racine familière (אב), qui suggère quelque chose comme ancêtre, esprit familier. Mais la déduction du sens par l’étymologie est périlleuse, ici plus qu’ailleurs. Certains suggèrent une racine commune à l’arabe ‘wb (revenir, d’où revenant ; cf. HALOT 1:20).

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Quand on examine les 17 instances (ici, en hébreu) où figure le mot, un passage attire l’attention : Job 32.19.

au dedans de moi, c’est comme du vin sous pression,
comme des outres (כְּאֹבֹות) neuves qui vont éclater. (NBS)

Ainsi, on est étonné de voir que le terme s’emploie presque toujours pour parler de ceux qui font profession d’évoquer les esprits des morts, autrement dit les médiums ou nécromanciens, à l’exception de cette instance où il est question d’un récipient. C’est ce qui fait dire à des lexicographes (Baker/Carpenter, CWSD-OT 2003:23) :

There is no convincing evidence that this particular reference has any occult connotations. Rather, the connection between the two divergent meanings of this Hebrew word is probably that a medium was seen as a « container » for a conjured spirit.

Si dans la grande majorité des cas, le terme אֹבֹות désigne des personnes, quelquefois on peut comprendre qu’il s’agit des objets et instruments employés pour l’évocation. Ainsi en 1 Samuel 28.7, il est question d’une femme, בַּעֲלַת־אֹוב, détentrice d’un ôb. En Lévitique 20.27, la tournure וְאִישׁ אֹו־אִשָּׁה כִּי־יִהְיֶה בָהֶם אֹוב, si un homme ou une femme possède chez lui un ôb (que certains comprennent : si un homme ou une femme a en lui l’esprit d’un mort). En Isaïe 29.4, une voix étouffée, comme sortant de terre, se compare à un ôb. On pense alors moins à un spectre qu’au subterfuge d’un objet, ou du médium lui-même pratiquant la ventriloquie ; ce qui derechef peut se mettre en parallèle avec Isaïe 8.19 où il est question de chuchotement et de murmure. Cela fait dire à Caquot (1994 : 334) :

De ces attestations on peut conclure que le אוב semble être un objet utilisé pour l’évocation des morts, peut-être un instrument à vent comme le biniou, avec lequel on appellerait le spectre ou qui parlerait en son nom.

Cette hypothèse est possible, mais elle reste bien entendu une spéculation : le texte de Lévitique peut s’entendre d’une personne possédée, et ceux d’Isaïe comme une critique de cette pratique illégale (cf. TWOT 17 ; « Isaiah discredits these ‘necromancers’ and implies by his choice of words that the sounds of spirits so raised are nothing more than ventriloquism »).

A de rares exceptions près, אוב  est toujours rendu par « ventriloque » dans la Septante (sauf en 2 Rois 21.6, θελητὴν et  23.24, θελητὰς, où le choix du terme θελητής suggère l’étymologie אבה > אוב, désirer, cf. Muraoka 2009:325). On notera d’ailleurs que Jérôme, en 1 Samuel 28.7, parle d’une mulier habens pythonem, c’est-à-dire d’une femme ayant un esprit de Python.

Cette pratique de la ventriloquie par les nécromants de l’Antiquité fait dire au grand spécialiste A. Bouché-Leclercq (Histoire de la divination dans l’Antiquité, I : 338):

Du reste, ce serait une erreur de croire que les conjurations nécromantiques dussent toujours avoir pour résultat l’apparition visible et presque palpable d’une ombre semblable à la personne invoquée. On se contentait de moins. Souvent, on ne demandait aux morts que de faire entendre leurs voix et les nécromants ventriloques ou engastrimythes arrivaient facilement à produire l’illusion désirée, soit à l’insu du client, soit en se donnant pour les instruments des esprits.

Aucun des moyens légaux pour consulter la divinité évoqués au verset 6, (songe, ourim/thummim, prophètes) ne proposait de manifestation visible. Les procédés interdits par la Loi étaient en revanche nombreux et tout à fait axés sur la vision et l’observation : rhabdomancie, hépatoscopie, teraphim (mentionnés en 1 Samuel 15.23 par ex.), astrologie ou hydromancie (cf. GDB p.436). Les procédés diaboliques auraient, en ce cas, un caractère foncièrement visuel, et trompeur (cf. Genèse 3.6, 2 Corinthiens 5.7, 11.14, 1 Jean 2.16). S’étonnera-t-on donc que la première femme ait été séduite par un Satan faisant usage de ventriloquie ?

De même que le roi Saül trompe, ou essaie de tromper la sorcière en se travestissant au moyen de haillons, de même la sorcière refuse dans un premier temps (verset 9) de révéler sa véritable identité et son métier. Ce qui est cocasse, et même très curieux, c’est que lorsque cette pythonisse se décide à appeler « Samuel » pour le roi, elle pousse un grand cri (verset 12) quand il « monte ». C’est bien qu’elle ne s’y attendait pas, et que peut-être, pour une fois, sa nécromancie n’est pas qu’une simple supercherie (cf. Kuen 2010 : 449).

Mais alors, les difficultés surgissent en nombre. Pourquoi un juste prophète comme Samuel répondrait-il à l’appel d’une sorcière ? Les Israélites croyaient-ils en une survie (même diminuée) après la mort ?

Les commentateurs ont proposé bien des hypothèses : 1) oui, Dieu aurait répondu à la demande de Saül (alors qu’il ne l’a pas fait avant, cf. v.6), en permettant à l’esprit de Samuel de revenir (mais d’où ?), 2) c’est en fait un démon qui a pris les traits de Samuel (mais alors, ce démon a dit la vérité ! et quel intérêt y avait-il à faire une telle prédiction ? ; c’est la position de la TMN qui porte « Samuel » entre guillemets ; mais incorporer cette interprétation dès le texte n’est pas recommandable), 3) ou encore, la sorcière aurait-elle joué sa comédie habituelle ?

Chacune des hypothèses pose ses propres problèmes. Il faudrait d’abord se demander si cette croyance de survie post-mortem (dans le Shéol ?) existait bien à l’époque (sur ce point, cf. Lods, La croyance à la vie future et le culte des morts dans l’antiquité israélite, 1906 ; cf. pp. 248 sq). Il faudrait aussi résoudre les difficultés littéraires (par ex. celle du verset 12 : la sorcière reconnaît Saül lorsque Samuel apparaît : ??? On a proposé d’émender le texte d’après quelques mss. grecs de la LXX qui portent Saül, mais je pense qu’il faut le comprendre dans son état actuel), et analyser les motifs qui, au-delà du texte, attestent de la vraisemblance du récit qui nous est rapporté en fonction de ce qu’on sait ou de ce qu’on peut déduire par ailleurs. Par exemple, le manteau que porte le vieillard qui passe pour Samuel renvoie clairement à l’épisode de 1 Samuel 15.27-28. Mais un spectre en manteau, est-ce bien crédible ? Plus troublant, on trouve en 1 Chroniques 10.13 une divergence assez sensible entre TM et LXX :

TM : וַיָּמָת שָׁאוּל בְּמַעֲלֹו אֲשֶׁר מָעַל בַּיהוָה עַל־דְּבַר יְהוָה אֲשֶׁר לֹא־שָׁמָר וְגַם־לִשְׁאֹול בָּאֹוב לִדְרֹושׁ׃

LXX : καὶ ἀπέθανεν Σαουλ ἐν ταῖς ἀνομίαις αὐτοῦ αἷς ἠνόμησεν τῷ κυρίῳ κατὰ τὸν λόγον κυρίου διότι οὐκ ἐφύλαξεν ὅτι ἐπηρώτησεν Σαουλ ἐν τῷ ἐγγαστριμύθῳ τοῦ ζητῆσαι καὶ ἀπεκρίνατο αὐτῷ Σαμουηλ ὁ προφήτης

Dans le Texte Massorétique, il est question de la consultation seule de l’esprit du mort (avec deux verbes : interroger et chercher [à savoir]). La tournure לִדְרֹושׁ paraît d’ailleurs terminer la proposition un peu abruptement (litt. …pour chercher ; qal infinitif construit). Dans la Septante au contraire, toute une précision vient s’ajouter à ce qui précède : καὶ ἀπεκρίνατο αὐτῷ Σαμουηλ ὁ προφήτης, et le prophète Samuel lui répondit. Il n’y a donc pas d’ambiguïté, puisque le texte authentifie clairement la réponse par Samuel lui-même.

D’autres textes, comme l’Ecclésiastique 46.13,20 laissent entendre qu’on pensait à une réelle apparition de Samuel :

Samuel fut le bien–aimé de son Seigneur; prophète du Seigneur, il établit la royauté et donna l’onction aux chefs établis sur son peuple. (…) Après s’être endormi il prophétisa encore et annonça au roi sa fin; du sein de la terre il éleva la voix pour prophétiser, pour effacer l’iniquité du peuple.

Dans le Livre des Antiquités Bibliques (ch. 64) de même, l’apparition est retranscrite (plus longuement que dans le texte biblique), et laisse supposer une vision réelle. En l’occurrence, le récit sert surtout à atténuer certaines difficultés, comme pourquoi la sorcière (qui, dit-on, a souvent vu Saül) ne reconnaît pas Saül (son aspect est changé à cause de la perte de la « gloire de son règne », 64.4), pourquoi Samuel un juste répond à une sorcière (Dieu avait en fait confié un message à Samuel de son vivant, 64.7), et surtout pourquoi la sorcière pousse un grand cri (elle voit Samuel monter accompagné de Saül, 64.5…).

Mais on ne peut tirer grand-chose de ces enjolivements. Et quand on revient au récit initial, on perçoit quand même plusieurs points d’importance. D’abord, « faire monter » un esprit est de prime abord incompatible avec la ventriloquie, à moins de considérer que la sorcière devenait alors, après cette montée, possédée de cet esprit revenant. En tout cas, l’expression est consacrée et se retrouve dans d’autres textes de civilisations antiques (cf. Dhorme, Choix de textes, p. 338 l.19).

Ensuite, il y a bien le verbe voir au verset 12 (וַתֵּרֶא הָאִשָּׁה אֶת־שְׁמוּאֵל). Mais c’est la sorcière qui voit. Et non Saül, qui demande : « que vois-tu ? » (verset 13), « quelle est sa forme ? » (verset 14). S’ensuit (v. 15 sq.) une conversation entre Samuel et Saül, mais qu’il faut comprendre par l’intermédiaire de la pythonisse. De toute façon, le récit présente des curiosités (v. 14 Saül se prosterne à terre ; v. 20, il tombe de nouveau à terre) qui en démontrent le caractère elliptique, suggestif et très inhabituel. Il semble que Saül soit dans un état de détresse avancée (v.15) qui est accentuée par son état à jeun (v.20) et cette expérience nocturne (v.8). Ces éléments ont d’ailleurs été relevés par quelques exégètes pour caractériser les antiques repas rituels païens (cf. Caquot, p.337, et Reinach, p.49 ; Reinach d’ailleurs s’offusque de ce repas copieux dont le déroulé chronologique de nuit lui paraît difficile). Signalons au passage que ce récit contient une expression idiomatique au v.21 (« mettre sa vie dans sa main ») que peu de versions traduisent, et qui signifie s’exposer au danger.

Encore plus inhabituel, le verset 13 emploie le terme אֱלֹהִים  (dieu/dieux/Dieu) pour qualifier le spectre (cf. note de la NBS ad loc.). On remarque que le verbe qui dépend de אֱלֹהִים  est עֹלִים, et qu’il est conjugué au pluriel contrairement à l’usage plus courant : on pourrait donc traduire אֱלֹהִים רָאִיתִי עֹלִים מִן־הָאָרֶץ׃, je vois des dieux monter de la terre. Mais si plusieurs esprits montent, du moins la description qui suit, au verset 14, ne parle que d’un seul homme, un vieillard, muni d’un manteau, et en lequel Saül reconnaît Samuel. On ne peut donc rien tirer non plus de cette instance, unique, du vocable אֱלֹהִים  pour désigner l’esprit d’un mort. A moins de voir dans ce « dieu » un démon trompeur, ce que peut conforter le fait que Dieu n’est plus avec Saül, mais avec David (1 Samuel 18.12 ; 28.16-17). Mais on retombe sur les difficultés suivantes : pourquoi l’oracle est-il véridique ? pourquoi 1 Chroniques 13.10 attribue-t-il l’apparition à Samuel ?

Il est bien certain qu’un tel récit interdit toute conclusion. J’ai tendance à penser que cette sorcière usait ordinairement de ventriloquie (avec ou non usage d’imposture), comme l’indique le texte grec des Septante. Et rien de ce que dit le texte massorétique ne s’y oppose. On peut cependant s’interroger sur les multiples difficultés entourant cette unique évocation d’une pratique pourtant largement dénoncée (Deutéronome 18.11, Lévitique 19.31, 20.6,20.27, 2 Rois 23.24). L’évocation de l’esprit des morts était-elle répandue dans l’Israël antique ? Croyait-on en une survie après la mort ? Au final, que peut-on tirer positivement du récit de 1 Samuel 28.3-24 au regard de l’état des morts ?

Ces questions épineuses restent ouvertes. L’histoire de la sorcière d’En-Dor montre déjà que ces croyances existaient bel et bien, et qu’elles sont parvenues jusqu’à nous dans un récit non exempt d’aspérités.