18/10/2013

Augustin, les versions latines et la Septante

Supplément aux Cahiers Évangile, 162, 12/2012

Dans le Supplément aux Cahiers Évangile de décembre 2012 rédigé par Martine Dulaey, on trouve un très bon florilège visant à montrer comment Augustin (354 – 430 AD) abordait les Écritures, avec quelle méthode, quelle pensée. La partie la plus intéressante à mon sens est celle qui fait état de la « Bible d’Augustin ». En fait, il n’a pas de Bible au sens moderne, mais des codices en fonction des corpus (Actes, Évangiles, épîtres pauliniennes, etc.) et ce dans des versions latines de médiocre qualité. Ces traductions constituent ce qu’on appelle aujourd’hui la Vetus Latina (cf. p.10), mais sous cette appellation, il faut bien comprendre qu’il y a une multiplicité de traductions particulières et divergentes, dont lui-même se plaignait :

Ceux qui ont traduit les Écritures de l’hébreu en grec peuvent se compter, mais les traducteurs latins en aucune façon; cela tient au fait que, aux premiers temps de la foi, quiconque a eu en mains un exemplaire grec et se figurait posséder tant soi peu les deux langues a pris sur lui de traduire. – La Doctrine chrétienne II, 11, 16

Ailleurs il précise :

Le texte est si différent dans les divers manuscrits que c’est à peine supportable; la version latine est tellement suspecte qu’on craint de trouver dans le grec une autre leçon, si bien qu’on hésite à en tirer une citation ou une preuve. – Épître LXXI, 6

Mais lui-même ne semble pas féru d’hébreu ou de grec (cf. p.9). Il réclame d’ailleurs en Jérôme (en 394-395 AD) une traduction latine de la Septante, car il ne voit pas l’intérêt d’une traduction sur l’hébreu (du moins, dans un premier temps), cf. Épître XVIII et Cité de Dieu XVIII, 43. Pour lui en effet, qui souscrit plus ou moins à la légende véhiculée par la Lettre d’Aristée (cf. La Doctrine chrétienne II, 15, 22), la Septante est authentiquement inspirée, même si d’aventure elle s’éloigne de l’hébreu :

Là où il n’y a pas erreur de copiste, il faut croire, si le sens est conforme à la vérité et proclame la vérité, que, sous l’influence de l’Esprit divin, les Septante, laissant leur rôle de traducteurs et parlant en libres prophètes, ont voulu s’exprimer de manière différente – La Doctrine chrétienne XV, 4, 2

Il dit préférer l’ « Itala » aux autres versions latines, parce qu’elle « serre de plus près les mots tout en rendant clairement la pensée » (La Doctrine chrétienne II, 15, 22). Au final néanmoins, comme le souligne M. Dulaey, « l’autorité de la Bible grecque l’emporte ».

Le Cahier cite de nombreux extraits. On voit qu’Augustin part du sens littéral, auquel il est attentif, à un sens plus spirituel (qui peut paraître parfois arbitraire aux consciences modernes, cf. les remarques finales pp.134-135). Augustin n’est pas incommodé par le fait de commenter le même texte présentant des variantes incompatibles. Il admet une pluralité de sens (cf. p.11, 42). Il n’est pas non plus insensible au sens étymologique des mots hébreux (cf. p.27) dont il parvient à tirer un sens symbolique. Mais du côté symbolique ou allégorique, Augustin est un modéré (cf. p.29).

Je retiens surtout qu’il a considéré la Septante comme une version normative, et que les Vieilles latines (pourtant traduites sur le grec) n’étaient pas du tout homogènes (ni en qualité, ni du fait de leur texte source).