Ἰαώ, θεός, κύριος ? Le Nom dans la LXX « originale »…

4QLXXLevb (détail)
4QLXXLevb (détail)

L’histoire du texte de la LXX est extrêmement compliquée. J’ai relu récemment un grand nombre d’ouvrages (en diagonales ou pas) sur ce point, ceux de Barthélémy, Pietersma et CoxTalmon & Cross, Cross, Tov 1234, Shaw, Trobisch, McKendrick et O’Sullivan, les très nombreuses introductions à la Septante (anglaises principalement, comme celles de Swete, Harl et al., Jobes et Silva, Marcos, McLay, Kraus, Cook, Voitila, …), les articles de dictionnaires (DBSup, tome XII et IX notamment, mais aussi ABD, ZEB, NIBD, DEB, GDB, etc.), et bien sûr les articles ou monographies infiniment nombreux sur le sujet (Pietersma, Rösel, Skehan, KraftDelcor, Siegal, LustStroumsa, Goshein-Gottstein, Joosten, Hong, Gallagher, Mercati, Royse, BaumgartenWaddell, De Troyer, Ben-Dov, NagelFitzmyer, Howard, Wolters, HarlMcDonoughNodet 123, Mazzaferro, GertouxVasileiadis…) On n’en finit jamais. Cela fait plusieurs semaines que je compulse et compulse encore ces sujets (aux fins de mettre à jour mon « P52« ), et cela m’a incité à faire la précision qui suit.

Comme le rappelle Gilles Dorival dans le tout récent Manuel de critique textuelle du Nouveau Testament (Safran, 2014, p.195) :

Souvent, les spécialistes du texte du Nouveau Testament parlent de la LXX, alors qu’il existe en fait plusieurs formes textuelles de cette dernière : la vielle LXX, la LXX réalignée sur l’hébreu avant l’ère chrétienne et au début de celle-ci, la LXX origéenne, la LXX lucianique, la LXX byzantine. Il existe aussi des révisions juives de la LXX entreprises au court du tournant de l’ère chrétienne : le groupe kaigé, dont D. Barthélémy a publié en 1963 la traduction des XII Petits Prophètes découverte dans le désert de Juda, et Théodotion, qui est étroitement lié à ce groupe. Enfin, au IIe siècle de notre ère, des traductions grecques sur nouveaux frais sont entreprises : Aquila et Symmaque.

Tout cela devrait inciter à la plus grande modestie, à la plus extrême prudence. En fait, plus je lis de grands experts, plus je me rends compte qu’on ne sait pas grand-chose. Les hypothèses sont permises, et ce n’est pas irraisonnable d’en formuler, bien au contraire. Mais il faut alors veiller à ne pas les ériger en doxa.

Sur le nom divin dans la LXX « originale », les opinions diffèrent (sur le résumé qui suit, je m’inspire partiellement de P. Vasileiadis, « The Greek Renderings of the sacred Tetragrammaton : A historical-morphological investigation » – European Association of Biblical Studies, Sixth Graduate Symposium, 11-13 avril 2014 ; article non publié, pp.11-12). Je dis bien les opinions. Certains pensent que ִἸαώ figurait primitivement (Stegemann 1969, Tov 2003), d’autres que c’était le tétragramme (Howard 1977/1992), ou une combinaison (Skehan 1980 : Ἰαώ > tétragramme >κύριος, ), ou bien κύριος dès le départ (Pietersma 1984 ; cette thèse est l’opinio communis, ex. DBSup XII, 662, Rösel 2007), ou encore θεός (De Troyer 2008). Le simple fait que des conclusions puissent être aussi différentes, en partant pourtant des mêmes indices, impose absolument la réserve.

Comme je l’ai déjà signalé dans un précédent post, on oppose à l’hypothèse du nom divin (du tétragramme) dans le NT le point suivant : il n’y aucune preuve manuscrite !

Or, présenter cette thèse ainsi, c’est en méconnaître un aspect : cette thèse soutient, toujours en raison des mêmes faits (les procédés scribaux à l’oeuvre dans les témoins manuscrits de la Septante précédant le IIe siècle de notre ère, et la multitude de variantes autour des termes kyrios et theos à partir de cette période, notamment) qu‘un changement de pratique a eu lieu vers le Ier siècle. Pour en évaluer la pertinence manuscrite, il faut donc se reporter aux témoins manuscrits de cette période. Or, ces témoins ne contredisent en rien l’hypothèse ! Au contraire, ils l’appuient.

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C’est ce que montre le tableau ci-dessus (Mazzaferro, The Lord and Tetragrammaton, 20104, p.86 ; voir aussi Fontaine 2007 : 53-54, 249-252). Au Ier siècle, les témoins manuscrits de la LXX font état de la pratique consistant à conserver le nom divin dans le texte grec, en hébreu. Pour le NT, il n’y pas de témoin manuscrit de cette période. Le P52 (≈ 125 AD) auquel on pense naturellement ne préserve pas un passage où le nom divin figurait – et comme je l’ai montré (Fontaine 2012), il faut se résoudre à le dater du IIe siècle, sans plus. On discute seulement, sur la base de la longueur des lignes (donnée bien précaire), s’il contenait ou non un nomen sacrum pour Jésus. Il n’y a donc pas de témoin manuscrit du NT pour le Ier siècle. Ce point n’est pas opposable à la thèse du nom divin dans le NT. Bien plus, la LXX appuie une pratique de sacralisation du Nom.

Il s’ensuit :

1. que les manuscrits n’infirment pas la thèse du tétragramme dans le NT,

2. qu’au contraire, la coutume juive de sacraliser le Nom est bien attestée dans les manuscrits bibliques de l’époque (recension ou non), nonobstant son emploi à l’oral,

3. et que les auteurs juifs du NT n’avaient pas a priori de raison d’agir autrement,

4. sauf si une donnée nouvelle (une théologie christocentrique, une volonté de se démarquer, etc.) est venue bouleverser cette pratique (mais si l’on soutient ce type d’explication, il faut alors veiller à la chronologie, pour voir si ce n’est pas, précisément, le retrait du Nom qui l’a fait émerger…).

A contrario :

1. Les manuscrits de la LXX, en l’état, infirment la thèse du kyrios originel,

2. favorisent plutôt la forme ׁἸαώ, forme la plus antique (ainsi Stegemann, SkehanTov),

3. sont en nombre suffisant pour fonder les propos d’Origène et de Jérôme,

4. mais ne permettent sans doute pas de trancher définitivement la question de l’emploi originel du Nom.

Pour résumer, la thèse du tétragramme dans le NT est étayée indirectement par les manuscrits, tandis que la thèse du kyrios originel est infirmée directement par ces mêmes témoins.

Comment se fait-il donc qu’on oppose les témoins manuscrits à la première thèse tandis qu’on les oblitère pour la seconde ?

C’est tout à fait paradoxal.

Ainsi, à la question des indices glanés par G. Howard sur les variantes kyrios/theos (qui s’expliqueraient parfaitement dans le cadre de la présence initiale du tétragramme dans le NT), L. Hurtado répond :

Well, maybe so. But his theory doesn’t take adequate account of all the data, including the data that “kyrios” was used as a/the vocal substitute for YHWH among Greek-speaking Jews. There’s no indication that the Hebrew YHWH ever appeared in any NT text.

Ce à quoi il faut objecter :

1. même si kyrios était utilisé à l’oral par les Juifs hellénophones (ce qui est très loin d’être acquis, cf. Shaw 2002), la pratique écrite pouvait être différente (ainsi qu’en attestent les manuscrits de Qumrân où l’on trouve des corrections de יהוה à אדני ou vice-versa – ce qui prouve que même si יהוה était bel et bien « prononcé’ אדוני, on n’inscrivait pas nécessairement אדוני ; cf. Is 3.17 et 3.18 dans le 1QIsaa et Tov 1998 : 214),

2. remarquez le deuxième argument : pas de preuve textuelle. Ce qui est fâcheux, c’est que Pietersma soutient une thèse qui non seulement n’a pas de preuve textuelle, mais surtout est infirmée par les preuves textuelles.

Pourquoi donc Hurtado accepte-t-il la thèse de Pietersma ? Il le dit lui-même :

But that doesn’t engage all the relevant data such as reviewed by Pietersma and now also Rösel.

Quand on connaît l’article de Pietersma, on se demande ce à quoi il pense quand il parle de « relevant data ».

J’ai pris la peine de formuler mes objections à Pietersma dans le document suivant. Cela prend dix pages, et fera l’objet de précisions au fur et à mesure de mes investigations. Mais déjà en l’état je peux soutenir sans ciller que pas un seul des arguments formulés par Pietersma n’est absolument convaincant. Ceux qui parlent de « compelling evidence », ou de « well-reasoned article » me paraissent loin du compte. Le style même de Pietersma (dont j’épargne au lecteur le détail ; cependant, lisez attentivement son article pour apprécier le nombre de modulos qu’il met, à tout bout de champ, à ses considérations parfois tirées par les cheveux) ne plaide pas pour sa thèse.

 Pietersma_Review

Si vous avez lu ce qui précède avec l’article de Pietersma sous les yeux, vous avez sans doute déjà moins confiance en ses arguments. En fait, je soutiens absolument que ses arguments ne sont pas fondés.

Il faudrait faire la même approche avec l’article de Rösel, ce que je ferai si l’occasion se présente (mais avant, je réviserai sans doute la review qui précède pour la préciser).

Ceci étant dit, la précision qui me tenait à cœur est la suivante : dans un précédent post, je déclarais au sujet de la thèse du kyrios originel :

Le problème avec cette thèse, c’est qu’elle est fausse. Tous les témoins du texte que nous possédons à ce jour indiquent le contraire : un emploi précoce et généralisé. Pas de « correction hébraïsante », comme le soutiennent certains (…).

C’est un peu sec. Et cela mérite d’être bien compris, et précisé.

1. Les thèses tétragramme/NT et kyrios originel dans la LXX ne sont pas comparables. La seconde est contredite par les faits manuscrits. Pour être comparables, il faudrait par exemple trouver dans des manuscrits du NT du Ier siècle (disons, datés sans trop de doute de la période 40-80 AD) des nomina sacra. Continuer à soutenir la première thèse équivaudrait à ignorer les manuscrits (et ce même si leur témoignage peut se considérer comme anecdotique, non représentatif, etc.), ce que précisément fait la seconde thèse. Avec de tels témoins, la première thèse ne serait vraiment plus crédible (je ne la soutiendrais plus), ou en tout cas bien désavouée. Eh bien, c’est le cas de la thèse du « kyrios originel ».

2. Pas de « correction hébraïsante ». C’est exagéré, je le reconnais. Rétablir le tétragramme dans les copies de la LXX n’est pas une correction hébraïsante, c’est une fidélité au texte d’origine. Pour prouver que c’est « hébraïsant », il faudrait prouver que les premiers traducteurs ont fait preuve de liberté sur ce point précis. Ce qui n’est pas prouvé, au contraire.

3. Notre connaissance de l’état textuel de la Bible au premier siècle est vraiment parcellaire. Une grande diversité a dû prévaloir, puisque déjà dans la Lettre d’Aristée on apprend que la traduction d’Alexandrie a été entreprise pour palier aux insuffisances constatées dans les tentatives déjà existantes (Ar. 1.314 ; des targums? de véritables traductions? des extraits « à la demande »?). Malgré l’ingéniosité des propositions qui prévalent aujourd’hui, il est plus sage de patienter avant toute conclusion ferme, en attendant d’être en possession de plus de témoins. Le jargon des spécialistes témoignent de l’ambiguité de nos connaissances, tout comme leurs désaccords : Aquila, Symmaque, Lucien, Théodotion, proto-Théodotion, divers autres devanciers… En fait, on peut soutenir à peu près n’importe quoi. Subtilement et avec grand talent. Mais en partant de pas grand-chose. Enfin, tel est mon sentiment après toutes mes lectures : il y a plus de questions ouvertes que de réponses assurées, et l’heure de la synthèse n’est pas venue. De surcroît, on se fonde souvent sur une bibliothèque fragmentaire, sectaire, et localisée (ce que par chance on a trouvé à Qumrân et alentours). Mais quid des copies autorisées du Temple de Jérusalem ?

Au vu des éléments connus ce jour, j’ai tendance à envisager le scénario suivant :

– les premiers traducteurs de la LXX ont utilisé ִἸαώ, c’est-à-dire qu’ils ont transcrit le tétragramme comme n’importe quel autre prénom,

– puis l’affaiblissement de l’emploi du Nom a conduit à des révisions, ainsi certains passages ont fait l’objet de retouches (ex. Lévitique 24.16),

– ce qu’on appelle aujourd’hui « recensions hébraïsantes » recoupe un phénomène bien réel : la diversité, difficile à qualifier, des entreprises de traduction, de reprise ou d’édition, du texte grec de la « LXX » vers le tournant de notre ère, en réaction ou non avec l’usage chrétien des Écritures juives,

– mais les arguments avancés, certes brillants, voire impressionnants par leur subtilité, et souvent très sophistiqués, ne restituent pas, je pense, la pleine lumière sur cette époque. On ne sait pas grand-chose, et on monte en épingle le moindre détail.

Il faut plus de données !

23 réactions sur “ Ἰαώ, θεός, κύριος ? Le Nom dans la LXX « originale »… ”

  1. Dupré Réponse

    Bonjour, j’aimerai vous poser une question, a partir de quand commence a apparaitre les Nomen sacrum sans la LXX? As t-on des manuscrits ? A quand sont il daté?
    Merci d’avance

  2. Dupré Réponse

    Tout d’abord un grand MERCI pour ta réponse, c’est un vrai trésor pour moi. Mais voilà, ce que je n’arrive pas à comprendre (désolé pour mes fautes d’orthographes et parfois de grammaire car je ne suis de langue Française).

    Je pense que sur certains point, j’ai probablement fait fausse route, car je pensais que les nomen sacrum on était introduit par les chrétiens hellénistes et non pas par les judéo-chrétiens.

    Quels sont les motifs qui m’ont porté à cela? Je m’explique, au II siècle selon le témoignage d’Irénée et de Justin pourtant représentatif d’une élite intellectuelle, ceux-ci confondaient le tétragramme avec un seigneur archaïque, imagine donc pour les copistes et le peuple helléniste. Ensuite Jérôme va dans le même sens en disant clairement que le tétragramme était incompréhensible au point que les copistes le confondait avec PIPI.

    Il est évident que ce contexte culturel, philosophique et religieux était complètement différent qu’en Palestine, ou l’on vénérait et considéré le grand Nom comme étant saint et sacré.

    Selon mes critères en Palestine, ils ne pouvaient y avoir aucune confusion concernant le tétragramme, c’est simplement après la disparition des judéo-chrétiens en l’an 70 et surtout en l’an 132 et sur la base de cette confusion avec « seigneur » que les chrétiens hellénistes, sans parler nécessairement d’un complot on substituait les téragrammes avec KS. Ce que jamais n’aurait fait les judéo-chrétiens car le tétragramme était parfaitement identifié.

    Quels sont les points qui m’échappe? Merci d’avance

    • areopage Auteur ArticleRéponse

      C’est un sujet complexe qu’on ne peut pas résumer en quelques mots. L’objet de mon ouvrage sur le nom divin dans le Nouveau Testament est précisément de montrer que le christianisme a rapidement évolué d’un contexte judéo-chrétien vers un contexte plus hellénisé (cf. chapitres 6 et 7). Des témoignages indiquent que les chrétiens de la première génération possédaient des livres contenant le nom divin (les sifrei ha-minilm), probablement les évangiles. Entre c. 55 – 80 AD donc, il est possible que les autographes, voire les premières copies privées des récits évangéliques, aient comporté le nom divin en hébreu au sein du texte grec.

      Mais il faut se rendre à l’évidence : les plus anciens manuscrits du NT qui nous sont parvenus, mettons ceux antérieurs à 150 AD (P52, P4/64/67, P23, P29, P30, P32, P38, P45, P46, P66, P75, P77/103, P90, P104, P108, P109), portent tous, sans exception, les nomina sacra. Seul le P52, c. 125-150 AD, pose problème puisqu’il ne préserve pas de passage permettant de trancher. Mais j’ai montré dans mon travail (Fontaine 2012) la forte probabilité de l’usage des nomina sacra dans ce document.

      Il faut donc envisager le scénario suivant : la première génération de chrétiens connaissait le nom divin. Mais très vite, dès l’époque de Paul, la confusion s’installe. On le voit notamment 1) dans l’ensemble des variantes textuelles concernant l’identité de Jésus (flottement entre Dieu/Jésus/Seigneur, cf. Fontaine 2007 : 258-263), et 2) dans la christologie « haute » de Paul fondée sur un midrash bien particulier de l’AT, qui met Jésus au centre de tout (ex. Capes 1992).

      Cela ne veut pas dire que les premiers chrétiens confondaient Jésus avec Dieu. A vrai dire, à l’époque on lisait peu. On écoutait surtout. Seule une minorité de la population – scribes, lecteurs – était au fait de ce procédé scribal propre aux chrétiens. On peut même dire que les nomina sacra sont apparus, non comme une confusion entre Jésus/Dieu, mais comme une révérence pour le nom divin (puisqu’on ne parlait plus l’hébreu), qu’on mettait en exergue – un peu comme nos MAJUSCULES. C’est le mimétisme dont je parle : les copistes chrétiens ont imité le curieux procédé juif de préserver le nom divin en caractères hébreux archaïques.

      Par ailleurs, et pour compliquer le tout, à l’époque Dieu s’appelait couramment Seigneur à l’oral (Adonay chez les Juifs). Or Christ était Seigneur lui aussi (cf. Philippiens 2.9-11). Il n’y a donc eu aucun malaise à remplacer un mot hébreu qu’on ne comprenait plus par un symbole fort posant les bases de l’identité et du symbolisme chrétiens : le procédé des nomina sacra.

      • Dupré Réponse

        Super, un grand merci encore, j’aimerai néanmoins avoir d’autres information.

        1 – Tu dis à un certain moment que les plus anciens manuscrits du NT qui nous sont parvenus sont antérieurs à 150 et tu établis une liste.
        As t-on idem, des manuscrits de la LXX antérieurs à 150 avec les nomen sacrum, à quand daterai le plus ancien, as tu une liste concernant ceux qui précède cette date?

        2 – Concernant la LXX d’origine d’Alexandrie, Howard dit que celle-ci contiendrait le tétragramme, y a t-il d’autre expert qui on soutenu cette même thèse qui va à l’en contre de Pietersma ou Rosel?

        3 – Tu parles des « minim » étant identifié comme les chrétiens, et que leurs écrits contiendraient le tétragramme;
        Jaffé soutient cette même thèse, y a t-il d’autres experts de renom qui la soutienne?

        4 – Comment se fait t-il que lorsque le tétragramme à été substitué par les nomen sacrum, cela n’a pas provoqué de débat dans l’histoire du christianisme.

        Merci d’avance pour tous ces trésors, je t’en suis reconnaissant.

        • areopage Auteur ArticleRéponse

          1. Non, il n’y a pas de manuscrit de la LXX antérieur à 150 AD avec les nomina sacra. J’ai donné la liste (quasi exhaustive) dans mon dernier post, auquel je te renvoie : http://areopage.net/blog/2015/06/28/nomina-sacra-et-septante-qui-et-quand/. Il y a une bonne raison : les nomina sacra ont été inventés vers 80 – 115 AD, avec l’apparition d’une nouvelle école de copistes : celle des chrétiens. Sur ce point, cf. par ex. Trobisch 2000. Par contre, tous les manuscrits de la LXX postérieurs à 150 AD contiennent les nomina sacra, ce qui est normal puisque ce sont les chrétiens qui désormais copiaient ce corpus.
          2. La présence du tétragramme dans la Septante des premiers temps n’est pas une « thèse » qu’un spécialiste aurait à défendre. C’est un fait observable. Ceci étant dit, les interprétations divergent, et à l’encontre des témoins manuscrits Pietersma et Rösel pensent que la LXX contenait initialement κύριος. Mais d’autres spécialistes pensent différemment. Ainsi Howard ou Kahle pensent que le tétragramme figurait primitivement. Stegemann ou Tov de leur côté pensent que ִἸαώ est la forme initiale. Skehan pense de même (ִἸαώ, puis tétragramme). Enfin, De Troyer estime que θεός figurait en premier lieu. Comme tu peux voir, c’est un peu la pagaille chez les spécialistes.
          3. Oui : Simon-Claude Mimouni, cf. 2004 : 98-102.
          4. Cette question m’a taraudé des années. Cf. Fontaine 2007 : 301.
          Il y a trois problèmes dans cette question.
          1) L’affirmation discutable qu’il n’y a pas eu de débat. L’anti-chrétien Celse signale qu’il est de notoriété publique qu’à son époque, au IIe s., les textes ont été retouchés trois voire quatre fois (Discours vrai, cf. p.55). De même Justin dans son Dialogue avec Tryphon prouve qu’à son époque la tension entre Juifs et Chrétiens portait également sur l’intégrité du texte. On trouve d’autres chinoiseries du même genre, et de la même époque, dans le Dialogue entre Timothée et Aquila, ou un peu plus tard dans le Dialogue entre Athanase et Zachée.
          2) La supposition que ce type de « changement » devrait susciter un débat. Non, pas forcément. Les Juifs et les Samaritains se sont querellés sur des points centraux de la judaïté, et cela se voit dans les variantes du Pentateuque samaritain (exactement comme les variantes dont je parlais tantôt). Par contre on n’a pas de témoignages de leurs « débats » – qui auraient dû être enflammés ! On ne sait même pas dater avec certitude la date de leur rupture (-500 ?). Le Talmud fait quelques rares allusions aux « Cuthéens », sans s’étaler sur… l’essentiel. Bizarre ?
          3) La supposition que si ce type de débats avaient eu lieu, il en resterait des traces. Là-encore, peut-être. Mais pas nécessairement. Les vainqueurs écrivent l’histoire. Ainsi, l’anti-chrétien Celse n’est connu que par Origène son détracteur. Marcion, ce Marcion qui a su enflammer les populations, et fonder une Église prospère jusqu’au Ve s., n’est contenu principalement que par son détracteur Tertullien. Les courants proches de sa doctrine – la gnose dans son ensemble – étant ceux qui firent un usage immodéré du nom divin. Dans ces conditions, il peut arriver qu’une situation doive être rétablie à partir d’indices indirects uniquement. Enfin et surtout, et c’est le point le plus difficile à expliquer (je te renvoie encore à mon ouvrage de 2007, chapitres 6 et 7), les tous premiers chrétiens firent peut être usage du nom divin, dans les évangiles (sans doute pas chez Paul). Mais dès que le NT a commencé a être copié (dans les grands centres comme Alexandrie, Antioche ou Césarée), le christianisme était déjà différent. En moins d’une génération, on est passé d’un judéo-christianisme (christologie basse) à un pagano-christianisme (christologie haute), qui, pour compenser « l’échec » de la croix (dissonance cognitive) a surenchéri : Christ a été divinisé. Les autres chrétiens qui auraient pu témoigner d’un christianisme plus pur étaient minoritaires, et ils ont fait les frais de la seconde révolte juive. Ils sont doublement marginalisés : par les Juifs puisqu’ils sont hérétiques (ajout à cette époque de la birkat ha-minim, c.80-100 AD), et par leurs coreligionnaires chrétiens parce qu’ils sont « trop Juifs » (cf. Fontaine 2007 : 186). Ils n’ont donc pas laissé de traces, ou très peu (celles-là même qu’étudient Mimouni ou Jaffé). En revanche l’Église proto-orthodoxe (c’est-à-dire celle qui va réussir à imposer ses vues), est structurée autour d’une figure centrale, Christ, qui occulte largement le dieu Juif YHWH, Jéhovah, dont le nom fait trop particulier, trop tribal, et pas assez catholique/universel. En moins d’une génération, le terreau où Jésus avait semé a changé de nature. Les « lunettes », les paradigmes sont totalement différents. Pas de polémique. Le nom est devenu un non-sujet. Très exactement comme aujourd’hui (le Nom ce n’est pas important, comment connaître la vocalisation, Jésus disait « Abba », « Père », etc.). Ce qui fait penser une telle chose, c’est notamment l’examen des Pères apostoliques. Leur mentalité révèle une Église différente de celle « fondée » par le Christ. Ce n’est pas qu’il y a eu un changement, ou un « complot ». C’est simplement qu’ils ont été les premiers à prendre la plume, et à défendre un christianisme que leurs paradigmes païens ont dénaturé.

  3. Dupré Réponse

    Super, je te remercies infiniment, peux-tu me répondre également, je pense qu’il s’agit de mes toutes dernières questions.

    1 – Lorsqu’on lit Jaffé, celui-ci semble indiqué que le consensus affirme que les minims sont chrétiens et que ceux-ci contenaient des écrits avec le grand nom. Est -tu d’accords que le consensus semble approuver cela? hormis Jaffé, Mimouni et toi-même y a-t-il d’autres spécialistes?

    2- Concernant les nomen sacrum, tout semble indiqué que les textes qui ont subi d’abord cette modification sont le NT et seulement par la suite pour homogénéiser les textes sacrés, les nomen sacrum on était appliqué à la LXX chrétienne. Certains pensent que les nomen sacrum on était introduit dès le départ sur le NT d’origine et ensuite se sont répercutés sur la LXX. Qu’en penses-tu?

    3 -Concernant les mss II P. Chest. Beatty V et le P. Oxy 656 certains semblent les dater bien plus tard que le II siècle, aurais tu des sources qui les dates au II siècle?

    4 -La question déterminante de ceux qui s’oppose au nom divin dans le NT ce sont les 5000 ou 7000 mss qui contienne Kurios. Quel sont les arguments phares selon toi (très synthétisé) pour répondre à cette question?

    Merci encore pour ton aide

    • areopage Auteur ArticleRéponse

      1. Minim désigne les hérétiques. Parfois on peut prouver que ces hérétiques sont des judéo-chrétiens (cf. Schiffman 1985 : 64-67). Parfois c’est moins évident, voire à exclure. On est très loin du consensus (cf. Miller 1993) ! D’autres spécialistes pensent comme Jaffé et Mimouni. Par ex. L. Schiffman déjà cité, ou encore Hirschberg, Simon, Honeyman, Herford, etc. A vrai dire, peu importe le consensus. puisqu’il n’y en a pas. Comme on dirait en critique textuelle : ce n’est pas la quantité, mais la qualité (non numerantur, sed ponderuntur).
      2. « Tout » indique ? C’est très exactement l’inverse. Rien indique que les manuscrits du NT contenaient le nom divin (du moins au premier abord), puisque les premiers témoins (ex. P46, P66, P90…) contiennent les nomina sacra. A l’inverse, tous les manuscrits de la Septante antérieurs à 200 AD contiennent le tétragramme. C’est bien que l’usage du tétragramme est une pratique juive, et celle des nomina sacra, une pratique chrétienne. Comme les premiers chrétiens étaient d’origine juive, qu’ils étaient des « judéo-chrétiens », on peu supposer qu’ils aient fait un usage, modéré et respectueux, du nom divin dans leurs toutes premières copies (les sifrei ha-minim contenant le Nom au témoignage du Talmud). Puis (rapidement) quand les chrétiens furent majoritairement issus de la gentilité (et aussi lorsque le besoin de fixer les traditions orales se fit sentir, sur le tard en fait), on inventa le procédé nouveau des nomina sacra, qui « contamina » également les manuscrits de la Septante. Et pour preuve : après l’apparition du christianisme, on ne trouve pratiquement plus de manuscrit de la LXX avec le tétragramme.
      3. Le P. Oxy. 656 est daté de II/III par le grand spécialiste R. Kraft (2003 : 60). De même pour les premiers éditeurs, Grenfell et Hunt qui proposent II/III avec une préférence pour le IIe s. (cf. The Oxyrhunchus Papyri, vol. IV, p.29). Voir aussi ici. Idem Hurtado 2006 : 210. Montevecchi le date du IIIe, mais en précisant son incertitude (1991 : 296). Voir également LDAB 3094. Pour le P. Chester Beatty V, cf. Hurtado 2003 : 210. Mais il est vrai que d’autres opinent pour le IIIe s. (cf. LDAB 3109).
      4. C’est vrai que cela peut paraître impressionnant, tant de manuscrits (5745 en 2007) qui martèlent un même fait : la présence des nomina sacra. Cependant comme j’ai tenté de le montrer dans mon ouvrage, cet argument du nombre des manuscrits est absurde. On sait que des recensions ont eu lieu au IIIe. s. Le principe même de la recension, c’est de déterminer un archétype, et de ne copier que celui-là. Ainsi disparaissent les leçons divergentes. Nous étions dans un cas exactement similaire pour le texte massorétique avant les découvertes à Qumrân. On ne possédait le texte hébreu que par des manuscrits des Xe et XIe s., voire du IXe pour les manuscrits de la Genizah du Caire. Mais on était très étonné des divergences entre LXX et TM, parfois substantielle (en plus, ou en moins). On supposait que les traducteurs de la LXX avaient pris des libertés, ce qui est sans doute vrai çà et là, mais cela s’avérait insuffisant pour expliquer les anomalies. Alors on supposait une Vorlage différente. Or rien ne le prouvait. Cette supposition s’est cependant avérée fondée lorsqu’à Qumrân on a retrouvé des documents attestant une variété textuelle inattendue. En fait, seulement 48% des textes en hébreu se conformaient au TM. 11% avaient plutôt des affinités avec le Pentateuque samaritain, 2% à la LXX, et 39% étaient dits « non alignés ». Ces textes dataient du -III jusqu’au Ier s. Or, d’autres manuscrits trouvés à Massada et Muraba’at présentaient quant à eux une conformation pratiquement totale avec notre TM. Or eux étaient datés entre -80 et 135 AD.
      Quand on y réfléchit, ces faits répondent à ceux qui s’opposent au nom divin dans le NT : il est possible qu’une stabilisation du texte ait pu prendre place, et ne laisser qu’une seule sorte de texte. Pour le texte hébreu, cette stabilisation a eu lieu vers le Ier s. comme le prouvent les documents trouvés dans le désert de Juda. De même, dans les premiers temps du christianisme, une certaine diversité textuelle a prévalu (cf. l’excellent Amphoux et al.2014 : 282, 288 et Vaganay-Amphoux 1986 : 155). Puis des recensions ont eu lieu, qui ont favorisé çà et là tels et tels types de texte (occidental, alexandrin, « césaréen », byzantin). Un procédé cependant fit unanimité (à cause des paradigmes nouveaux dont j’ai parlé) : les nomina sacra. De fait, si le tétragramme figurait auparavant, et qu’il a été « supprimé » (non gardé, en fait) durant cette période, le fait de le voir dans les milliers de manuscrits copiés par la suite n’a rien d’étonnant : « On peut recopier une faute autant de fois qu’on le voudra, on n’en fera jamais une bonne leçon » (Collomp 1931 : 35). On peut même aller plus loin. La majorité des manuscrits sont postérieurs au IVe s. Étant donné les recensions, ils sont donc à exclure de l’enquête sur le Nom dans le NT. Il n’y a que 20 manuscrits antérieurs au IVe s., et parmi ces 20, seuls 2 datent entre 100 et 200 AD : P52 et P90. On ne peut rien conclure de l’examen de deux manuscrits seulement, manuscrits qui reflètent la situation… en Égypte. Il faut considérer attentivement ce tableau. Il montre que l’on ne possède pas de manuscrits du NT datant, disons entre 55 et 99 AD. Par contre on en possède de la LXX, qui contiennent le Nom ! La pratique juive consistait à inclure le Nom dans le texte, et les premiers chrétiens, les judéo-chrétiens, n’avaient pas de raison de faire autrement – du moins tant que le christianisme n’a pas été dénaturé par une série d’événements qu’on peut tracer historiquement (cf. chapitres 4 et 6 de mon ouvrage).

  4. Dupré Réponse

    Formidable, je ne sais que te dire, encore deux petites questions.

    1 – Nous savons que Howard, Tov, kayle, stegemann, skehan ne partage pas la thèse de Pietersma. Y a-t-il d’autres spécialistes qui s’opposent à cette thèse?

    2 – On sait que le NT a utilisé la LXX.
    La LXX incarnait-elle pour les écrivains du NT la parole de Dieu?
    Avait-elle la même autorité pour les chrétiens que l’AT hébreux?
    Je parle surtout du contexte Palestinien.

    Est-ce juste si je dis que les auteurs du NT on presque exclusivement utilisé la LXX au détriment du TM?

    Peut-on dire qu’il considéré la LXX inspirée par Dieu au même titre que l’AT, ou est elle simplement considéré un outil de communication pour faire connaitre le message de notre seigneur au gentil?

    Merci

    • areopage Auteur ArticleRéponse

      1. Je ne comprends pas ce listing de spécialistes… Oui, il y a aussi Furuli (1999 : 166-167).
      2. La LXX était la Bible des chrétiens, pour l’essentiel (cf. L. Venard, « Citations de l’AT dans le NT », Supplément au Dictionnaire de la Bible, 1934, vol. II. p.32). C’est du moins ce que les citations de l’AT dans le NT laissent supposer. Mais la situation varie énormément d’un livre du NT à l’autre. Par exemple, sur les 26 citations de Luc, 21 se conforment au sens du Texte Massorétique (TM). Sur les 7 citations de Zacharie dans le NT, 6 se conforment au sens du TM. Les citations d’Isaïe ne se conforment à la LXX que dans 33% des cas… De manière générale, les évangiles sont plus proches du TM, et Paul, beaucoup plus proche de la LXX (cf. Grant 2000 : 38-41). On peut néanmoins considérer que la LXX faisait autorité, et qu’elle était considérée comme inspirée (cf. Lettre d’Aristée). Augustin (IVe s.) témoigne sans doute d’une tendance beaucoup plus ancienne, quand il réclame à Jérôme une traduction latine de la Septante (plutôt que du texte hébreu). Voir ici.
      Il faut aussi préciser que le TM n’étant pas encore tout à fait stabilisé, les auteurs du NT ont pu citer un texte hébreu conforme à la Vorlage de la LXX telle qu’éditée aujourd’hui. Une fois traduites, leurs citations donnent l’impression de se conformer à la « LXX ». Mais elles peuvent très bien avoir pour origine un texte hébreu pré-recensionnel.

  5. Dupré Réponse

    Un grand MERCI pour ce dialogue et cet enseignement, il est peut-être possible que je revienne à toi pour d’autres questions.
    Encore MERCI.

  6. Dupré Réponse

    Bonjour, comme promis me voilà de nouveau. Quelques petites questions sur la prononciation du nom. Au temps de Jésus il y avait coutume de ne plus le prononcer.

    1- cela concernait-il tous les courants de la communauté juive ?

    2 – Cela concernait-il toutes les situations et circonstances quotidiennes?

    3- Jésus certainement a fait usage du nom en privé avec ses disciples, mais la question est la suivante : quand Jésus à lu le livre d’Isaïe aurait-il suivi une tradition humaine de ne pas prononcer le nom ? Je ne pense pas, mais comment se fait-il qu’il y a eu aucune réaction parmi ses auditeurs si la coutume était de ne plus le prononcer ? Peut-on affirmer qu’il y avait tradition de ne pas le prononcer pendant la lecture des textes ?

    Merci d’avance

  7. areopage Auteur ArticleRéponse

    1. La coutume de prononcer Adonay en lieu et place du nom divin était déjà fréquente à l’époque de Jésus. Mais sans doute pas dans toutes les couches de la population. Je pense que les milieux proches du Temple devaient avoir un scrupule plus marqué que les petites gens du milieu rural. Dans le Talmud on trouve des indices qui indiquent que le Nom a encore été longtemps en usage, même si on tendait à le dissuader (ex. y.Nedarim XI,1 ; cf. http://areopage.net/blog/2013/10/17/prendre-le-nom-en-vain-exode-20-7/)
    2. A l’occasion des serments spécialement (חַי־יְהוָה), ou dans certains cercles pour la magie (cf. http://areopage.net/blog/2014/06/01/cas-dexorcismes-par-le-nom-a-qumran-4q560-11q11/) le Nom était employé. Sans doute figurait-il aussi dans les salutations (Ruth 2.4).
    3. Divers témoignages directs (Talmud) ou indirects (variantes textuelles à Qumrân) prouvent qu’on évitait de prononcer le Nom. Lors de son procès, Jésus n’a pas utilisé le Nom, mais des euphémismes (ex. « la puissance » en Mt 26.64). En effet selon la « tradition humaine », un prévenu employant le Nom était de facto passible de mort. Or Jésus n’était pas suicidaire. En plusieurs occasions, il s’est dérobé aux mains de ses assaillants. On peut en déduire que, même s’il pouvait lui arriver de provoquer le scandale, il n’exposait pas sa vie inutilement. Concernant l’usage du Nom dans la synagogue, je n’ai aucune certitude. Tout simplement par ce que je ne suis déjà pas certain que l’usage du Nom était proscrit totalement à la synagogue.

  8. Dupré Réponse

    Merci encore, pour tes réponses.

    Quand tu dis

    « De même Justin dans son Dialogue avec Tryphon prouve qu’à son époque la tension entre Juifs et Chrétiens portait également sur l’intégrité du texte. On trouve d’autres chinoiseries du même genre, et de la même époque, dans le Dialogue entre Timothée et Aquila, ou un peu plus tard dans le Dialogue entre Athanase et Zachée ».

    Ne parle t-on pas uniquement de l’AT?

    • areopage Auteur ArticleRéponse

      Cet exemple porte sur l’AT en effet qui, pour l’essentiel, était « l’Écriture » de l’époque. L’exemple de Celse porte sur le NT.

  9. Dupré Réponse

    Bonjour, peux tu m’éclairer sur le point suivant.

    D’un coté, tu dis en citant plusieurs mss

    « les plus anciens manuscrits du NT qui nous sont parvenus, mettons ceux antérieurs à 150 AD (P52, P4/64/67, P23, P29, P30, P32, P38, P45, P46, P66, P75, P77/103, P90, P104, P108, P109), portent tous, sans exception, les nomina sacra ».

    D’un autre coté tu affirme

    « seuls 2 datent entre 100 et 200 AD : P52 et P90. On ne peut rien conclure de l’examen de deux manuscrits seulement, manuscrits qui reflètent la situation… en Égypte ».

    Peux-tu m’éclaircir sur le point suivant, car certainement il y a des donnés qui m’échappe.

    Merci pour ta patience

  10. areopage Auteur ArticleRéponse

    Il faut lire ATTENTIVEMENT. J’ai cité un certain nombre de papyri antérieurs à 150 AD. Il y en a plus de deux, évidemment…. Mais je parlais de l’enquête sur le Nom, et du procédé des nomina sacra. Un exemple pour que tu comprennes : on peut avoir 100 000 manuscrits du NT : s’ils sont TOUS détériorés à l’endroit où pouvait figurer le nom divin en hébreu au sein du texte grec, ces 100 000 manuscrits ne servent à RIEN.

    De la même façon, on a 5000 manuscrits. Mais sur ces 5000 l’immense majorité est postérieure au IVe s. Or au III-IVe, voire même au IIe s., il y a eu des recensions. Donc ces documents sont INUTILES.

    Avant ces recensions, on en a une vingtaine environ. Mais la majorité sont trop fragmentaires et on ne sait pas s’ils contenaient le nom divin ou pas. Donc ils ne servent à RIEN.

    Et enfin dans la vingtaine, il n’y en a que 2 qui peuvent raisonnablement servir à quelque chose. Et encore. Le P52 est fragmentaire et d’après moi il contenait un nomen sacrum (mais ce n’est pas certain !). Et puis le P90 qui contient l’unique abréviation IHS (Jésus). Donc il ne dit RIEN du nom divin. Ensuite vers 200 AD, il y a le P46 et le P66, qui attestent les nomina sacra.

    Donc, réellement, il n’y a que 2 manuscrits – ET PAS 5000 – qui peuvent nous renseigner sur le nom divin dans le NT. Ces 2 ne suffisent pas. L’un est fragmentaire, l’autre peu probant.

    Pire, on sait – quand on regarde ce qui s’est passé avec la Septante – que QUELQUE CHOSE s’est passé – EXACTEMENT A CETTE ÉPOQUE au Ier s. vers 80-115 AD. Ce quelque chose, c’est que avant il y avait le Nom, et après les nomina sacra. On est donc certain qu’il est inutile de regarder après…

    On ne peut donc pas dire : il y a 5000 manuscrits du NT qui ne contiennent pas le Nom pour prouver que le Nom ne figurait pas AVANT 150 AD.

    Si on veut prouver ce qui se passait AVANT 150 AD (pour le NT), il faut regarder les papyri (pour le NT) AVANT 150 AD. Il y en a 2, et pas 5000.

    J’aurai du mal à dire cela plus simplement. Cf. Fontaine 2007 : 249-252.

  11. Dupré Réponse

    Super, j’aimerai néanmoins poursuivre mon dialogue sur quelques questions.

    1 – Certains disent que concernant le rouleau de la Mer Morte d’Esaïe qui contenait le Tétragramme, ce dernier étant parfois remplacé par Adonaï.

    Comment expliqué cela?

    2 – Si je dis que Jahvé ou Yahweh est une forme francisé est-ce juste?

    3 – Le trouve t-on dans les dictionnaires français?

    4 – Jéhovah ces dernières année est-elle une forme moins utilisé dans le monde littéraire ou les cours d’histoire au profit de Yahweh?

    Merci

  12. areopage Auteur ArticleRéponse

    1. On observe dans 1QIsaa les deux phénomènes : tétragramme changé en Adonay, et inversement – sous forme de corrections supralinéaires. C’est très simple à expliquer : comme le texte était dicté, et que le tétragramme se prononçait Adonay (depuis longtemps déjà), souvent le tétragramme était remplacé par Adonay. D’un autre côté, le scribe faisait quand même l’effort de ne pas se tromper dans tous les cas…
    2. La question est mal formulée. Et tout dépend ce qu’on veut dire par « franciser ». De mon côté, j’estime que Yahweh est une TRANSCRIPTION.
    3. Bien sûr. Le vocable Yahweh (ou Yahvé) est de plus en plus courant.
    4. Jéhovah est sans aucun doute une forme de moins en moins utilisée. Par rapport à Yahweh, il est difficile de dire quelle forme est la plus courante. En tout cas, la forme Jéhovah a fortement reculé.

  13. Dupré Réponse

    Encore merci, Je vais essayer de m’explique un peu mieux:

    1- En Italie , détracteur ou pas, tous reconnaissent que dans le monde académique religieux dans les années 60 ou 70 fait son apparition « Jahvé » pour ensuite être délaissé au profit de « Yahweh » et maintenant depuis plus de 20 ans cette forme est délaissé également au profit du tétragramme YHWH non vocalisé, mais non adapté pour la liturgie.

    La situation est elle comparable en France?

    2 – Quand je parle de francisé, je fais allusion à « Jehovah », et non francisé à « Yahweh ».
    Je te fais un exemple en Italie la forme italianisé est « Geova », concernant la forme « Yahweh » on indique que cette forme n’est ni italienne ( car c’est une hypothétique reconstruction hébraïque) et ni hébreux (car ce nom n’existe pas dans les dictionnaire de langue hébraïque).

    Alors en France « Yahweh » au même titre que l’exemple ci dessus est-il francisé? Ou peut-on dire que « Jéhovah » est l’unique forme francisé?

    3 – Toujours en Italie « Geova » se trouve dans tous les dictionnaires, par contre Yahweh ne se trouve en aucun cas dans la majorité des dictionnaires. Est-ce idem pour la France?

    4 – Si le NT comporte effectivement le Nom divin, dans les écritures grecque chrétienne, tout laisse à croire qu’il serait reporter en Hébreux et non pas en grecque.

    Somme nous autorisé à le vocaliser en français dans le NT ou devrions nous l’écrire en lettres hébraïques ?

  14. Dupré Réponse

    Une toute dernière petite question

    « le P Fouad 266 aurait subi une modification dans le sens qu’on a remplacé un mot kurios désignant Dieu par le Tétragramme.

    Que repeindrait tu as une tel objection?

    Merci

    • areopage Auteur ArticleRéponse

      C’est absurde. Comme je l’ai montré dans mon post « Nomina sacra et Septante – qui et quand ? », il n’y a pas UN SEUL cas où le nom divin n’est pas rendu par le tétragramme (ou Iaô) avant le IIe s. On ne peut donc pas dire : Dieu aurait été remplacé par le tétragramme. C’est exactement L’INVERSE : c’est le tétragramme qui a été REMPLACE par divers substituts, au premier rang desquels Seigneur et le système des nomina sacra.
      Dans le cas des différents fragments du P.266 le fragment b, le P266b indique que le tétragramme a été ajouté, vraisemblablement, par une seconde main (cf. Kraft, Early Jewish LXX/OG Papyri and Fragments, in: McKendrick et al. éd., The Bible as Book (Oak Knoll Press, 2003, p.57).
      Cela indique que la première main ne savait pas écrire l’hébreu. S’il avait voulu mettre le nom Seigneur en entier (KYRIOS), ou en abrégé (KS, ou KY) pourquoi ne l’aurait-pas fait, puisque cela restait du grec ?
      Il faut donc être logique : si un espace plus grand a été laissé pour qu’une seconde main vienne insérer le Nom, c’est bien que la première main, écrivant le grec, ne pouvait pas le faire…
      Un autre manuscrit témoigne de cette pratique, c’est le P. Berlin 17213 (le blanc n’a pas été comblé). A l’inverse, le P. Oxy. VIII 1075 aurait dû être dans le même cas, mais une seconde main a comblé l’espace de 3/4 lettres par des nomina sacra.
      L’affirmation que le nom Dieu ou Seigneur aurait été remplacé assez tardivement par le tétragramme relève de la thèse de A. Pietersma. J’ai déjà évoqué à plusieurs reprises cette thèse qui va à l’encontre des faits. Dernièrement, le travail doctoral révisé de F. Shaw a fini de démolir cette ineptie (cf. Shaw 2014)

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