23/02/2020

The trial and crucifixion of Jesus (Chapman & Schnabel, 2019)


Initialement édité en 2015 à un prix des plus dissuasif, cet ouvrage est paru en version révisée (et abordable) fin 2019 : D. W. Chapman et E. J. Schnabel, The trial and crucifixion of Jesus – Texts and Commentary (Hendrickson Publishers, 2019). Comme son nom l’indique, il s’agit d’un recueil de textes commentés concernant le procès et la crucifixion de Jésus.

The Trial and Crucifixion of Jesus is a comprehensive sourcebook for those looking to gain a more robust understanding of this event through the eyes of ancient writers. Featuring extrabiblical primary texts–along with a new translation and commentary by David W. Chapman and Eckhard J. Schnabel– this work is relevant for understanding Jesus’ last days.

The significance of Jesus’ death is apparent from the space that Matthew, Mark, Luke, and John devote to the Passion narrative, from the emphasis of many speeches in the book of Acts, and from the missionary preaching and the theology of the apostle Paul. Exegetical discussions of Jesus’ trial and death have employed biblical (Old Testament) and extrabiblical texts in order to understand the events during the Passover of AD 30 that led to Jesus’ execution by crucifixion. The purpose of this book is to publish the primary texts that have been cited in the scholarly literature as relevant for understanding Jesus’ trial and crucifixion. The texts in the first part deal with Jesus’ trial and interrogation before the Sanhedrin, and the texts in the second part concern Jesus’ trial before Pilate. The texts in part three represent crucifixion as a method of execution in antiquity. For each document, the authors provide the original text (Hebrew, Aramaic, Greek, or Latin), a translation, and commentary. The commentary describes the literary context and the purpose of each document in context before details are clarified, along with observations on the contribution of these texts to understanding Jesus’ trial and crucifixion.

Comme on peut s’en douter, cet ouvrage vaut son pesant d’or, et j’aurais bien aimé l’avoir en mains quelques années plus tôt ! Il permet, pour chaque thématique intéressant le procès et la crucifixion de Jésus, d’avoir des éléments de contexte : juridiques et historiques essentiellement. Il ne fournit pas le fin-mot de l’histoire, il se contente seulement de mettre à disposition les sources primaires. Il reste donc encore un travail critique important pour rendre compte de ces témoignages antiques : c’est le travail des historiens. En effet les informations sont nombreuses et parfois contradictoires (réellement ou de prime abord) : par exemple, qu’en était-il du jus gladii en Palestine au premier siècle (cf. Jn 18:31, Jn 19:6) ? Quelle était la compétence du sanhédrin, et jusqu’où pouvait-il aller ? Comment interrogeait-on des témoins, et dans quel cadre légal ? Comment étaient prononcées et mises en oeuvre les peines capitales ? Qui était Ponce Pilate, et quel était son pouvoir ? Quelles langues parlait-on à Jérusalem ? Jésus a-t-il blasphémé (en prononçant le nom divin) lors de son procès ? Quelles charges ont été retenues contre lui ? Quel genre de peine était la crucifixion, et comment était-elle mise en oeuvre concrètement ?

C’est à ce genre de questions que cet ouvrage apporte, non pas des réponses (hélas), mais des éléments d’information copieux.

Je n’en suis qu’au premier tiers du volume – et il me faudra sans doute le relire plusieurs fois pour le bien digérer. A ce stade, la partie la plus intéressante est celle de la « Charge of blasphemy » (pp.98-130), qui s’intéresse au motif d’inculpation de Jésus : blasphème, mais lequel ? énonciation du nom divin ? La « conclusion » formulée par les auteurs est que ce n’est probablement pas le cas (énonciation du Nom en tant que tel), mais que le blasphème pouvait être caractérisé sur les prétentions messianiques (Fils de l’homme intronisé à la Droite de « la Puissance », ex. Mt 26:64), ou en raison des propos sur le Temple (Mt 24:2 ; cp Ps 110:1, Dn 7:13) – cf. p.130. En fait de « conclusion », il s’agit de synthèse des textes traduits et commentés, avec des indications bibliographiques et quelques propositions.

Ne vous y méprenez donc pas : il ne s’agit pas de prêt-à-penser. Certes les auteurs semblent bien avoir ratissé la littérature antique pour composer ce florilège thématique, mais leurs conclusions ne sont jamais dogmatiques, et l’abondance des perspectives proposées peut même avoir l’effet inverse : l’impression d’un vaste chantier à creuser, et à mettre en ordre. C’est ainsi dans cette « limite » que réside tout l’intérêt de cet opus : au-delà des ouvrages historiques qui inondent le marché et proposent une version scénarisée de ces sources, sans aspérité ou si peu, il est possible désormais de puiser commodément aux sources, pour non seulement enrichir sa connaissance du contexte historique, mais aussi et surtout favoriser réflexion et critique des sources.

Autres lectures du moment :

  • S. Z. Leiman, The Canonization of Hebrew Scripture (1991) : à quel moment le canon de l’AT a-t-il pris sa forme (quasi-)définitive ? On parle souvent du concile de Jamnia comme d’une époque charnière. L’auteur, en s’appuyant sur une méthode comparable à celle de Chapman et Schnabel, fournit exhaustivement les textes du Talmud et du Midrash qui évoquent la question (en hébreu accompagnés d’une traduction anglaise), puis les analyse, avant de livrer sa conclusion : c’est plutôt au deuxième siècle avant Jésus-Christ (époque maccabéenne) qu’il faut placer la clôture du canon de l’AT (cf. p.135)

  • S.-Cl. Mimouni, Introduction à l’histoire des origines du christianisme (Bayard, 2019) : nouvel opus du prolifique Mimouni, il s’agit-là de méthode historique, d’indications bibliographiques, et d’étude des sources. Il n’est donc pas question (tiens, tiens, ici non plus) de version « scénarisée » de l’histoire, mais plutôt de ce qu’il faut savoir et consulter pour la faire, ou la comprendre. La question du canon y est abordée, à côté de sujets les plus divers : hérésies, liturgie, conciles, virginité, encratisme, docétisme, eschatologie, millénarisme, gnosticisme, trinité… C’est dense et de lecture exigeante. Moins à lire comme un roman, et plutôt comme une référence à consulter au besoin…