Pour qui s’intéresse aux découvertes archéologiques en lien avec les récits bibliques, l’ouvrage d’Estelle Villeneuve, Sous les pierres, la Bible (Bayard Editions, 2017) pourra s’avérer fort intéressant. Comme y habituent les éditions Bayard, l’ouvrage est d’excellente facture : superbes illustrations, mise en page impeccable. Chaque rubrique se termine par un encart bibliographique pour poursuivre la lecture.
L’introduction (pp.8-27) brosse un tableau des relations entre l’histoire de la Bible et l’archéologie. Des relations tumultueuses, comme celles d’un couple, dirait Villeneuve, qui va de l’idylle au désamour. Après avoir rappelé les premières heures de cette « archéologique biblique » – en cette époque où des savants allaient sur le terrain « une truelle dans une main, la bible dans l’autre » (cf. p.20) – elle en vient aux préoccupations modernes de l’archéologie (qui s’est donc débarrassé de l’encombrant adjectif « biblique »), à savoir la querelle des minimalistes et des maximalistes. Dans cette querelle parfois retorse, on trouve bien sûr la nouvelle archéologie défendue par Israël Finkelstein. Or Villeneuve fait bonne place aux vues de ce dernier.
C’est donc dans un âge d’or mythique aux couleurs de leur quotidien que les rédacteurs judéens auraient projeté les origines de la royauté, quand les deux royaumes du Nord (Israël) et du Sud (Juda) étaient réunis sous la couronne d’un Judéen, David. Façon pour eux d’appuyer les ambitions hégémoniques de Juda sur la Samarie conquise par les Assyriens en 722 av. J.C. (p.22)
Sur la conquête de Canaan, soutient Villeneuve, moins de débats que dans le cas de la royauté :
Les milieux savants étaient préparés et ont accepté, au moins dans les grandes lignes, le principe de l’apparition pacifique des Israélites en Canaan. En revanche, la mise en cause des origines de la monarchie a soulevé une ardente polémique – encore vive aujourd’hui. (pp.22-23)
Villeneuve admet toutefois que les résultats de l’archéologie, comme ceux de l’exégèse, sont par nature subjectifs :
En attendant, à l’heure de la postmodernité, les archéologues d’aujourd’hui prennent davantage conscience que ni les objets ni leurs contextes stratigraphiques, aussi précis soient-ils, ne sont des données objectives, totalement indemnes de leurs présupposés herméneutiques. Et dans le domaine du passé biblique, la charge affective des convictions politiques ou religieuses pèse certainement davantage ici que partout ailleurs. (p.23)
Le grand débat actuel de l’archéologie, qui a conclu dans les grandes lignes au caractère mythologique des patriarches, puis de la conquête de Canaan, est désormais de savoir s’il y a eu au Xe s. av. J.C. (Fer IIA) une monarchie unifiée forte, capable de produire des archives qui auraient par suite servi aux rédacteurs bibliques.
Voilà pour l’introduction, qui on le voit suscite bien des interrogations, voire des objections (cf. Pour en savoir plus infra), mais qui a le grand mérite de faire une synthèse historique commode tout en menant aux débats actuels.
Les reste de l’ouvrage (pp.28-255) est une succession de rubriques introduites chaque fois par une double page : date d’une découverte archéologique afférente à la Bible, localisation et illustration emblématique de la découverte. Puis suivent quelques pages de mise en contexte. Le format chronologique est assurément commode en ce sens qu’il permet de suivre année après année la progression de notre connaissance du Proche-Orient. Du relief de Sheshonq à Karnak aux tablettes d’Ougarit, de la tablette du déluge à Ninive aux évangiles interdits de Nag Hammadi, en passant par les manuscrits de la mer Morte, la geniza du Caire, le cylindre de Cyrus ou encore le tunnel d’Ezéchias à Jérusalem, ce sont pas moins de 38 découvertes qui sont abondamment illustrées et documentées.
Un épilogue (p.256) clôture l’ensemble, suivi par une carte des lieux des découvertes (p.258), et un encart sur l’auteur (p.261).
L’ouvrage vaut largement sa lecture, car malgré l’introduction qui me paraît assez minimaliste, la suite de l’ouvrage montre, page après page, combien les excavations ont livré, parfois de manière directe, parfois en donnant la voix à des témoins tiers, une vibrante confirmation des récits et allégations de la Bible.
Pour en savoir plus : Cline 2015 | Richelle 2011 | Graves 2014 et 2015 | Hoerth & McRay 2009 | Millard 1998 | Kuen 2012 | Sur la monarchie israélite : Gertoux 2015 | Toujours utile, la S21 avec notes d’étude archéologiques et historiques.