Les genizot (du verbe araméen גנז, cacher ; גניזה, archive, remise), chez les Juifs, étaient des réfectoires dans les synagogues où l’on entreposait de vieux manuscrits devenus inutiles du fait de leur usure, et que l’on ne pouvait détruire à cause de la présence du nom divin (on appelle d’ailleurs ces documents les Shemot, les « Noms », cf ZEB 2: 738-739). Les documents étaient donc remisés jusqu’au moment où une cérémonie procéderait officiellement à leur destruction (Würthwein 1995 : 11). Dans la synagogue Ben Ezra du Vieux Caire cependant (qui avait été auparavant l’église de St Michael), cette remise fut murée, puis oubliée pendant des siècles. On ne la redécouvrit qu’au XIXe s. et ce fut essentiellement Solomon Schechter qui porta cette découverte à l’attention du public (on lui doit notamment l’édition en hébreu du Siracide, et celle de l’Ecrit de Damas ou Document sadocite).
S. Schechter étudiant les fragments de la geniza (c. 1895)
La découverte de ces fragments suscita de grands espoirs parmi les biblistes : car, parmi les 200 000 fragments environ que contenait la remise (cf. Kahle 1959 : 13, Würthwein 1995 : 33, Wegner 2006 : 155), parmi toutes sortes de documents (lettres privées, contrats, pages du Talmud, des Targums, cf. Kahle 1959 : 12), figuraient aussi des portions de la Bible hébraïque. On pourrait donc comparer le texte et découvrir, le cas échéant, les évolutions et variantes du texte consonantique. Mais les espoirs furent de courte durée : la geniza du Caire au contraire apporta la preuve que le texte n’avait pas bougé. Mais puisque certains documents bibliques remontaient au Ve siècle, avant donc l’essor des Massorètes de Tibériade, on avait là un témoignage sur la manière dont le système de vocalisation avait évolué (Würthwein 1995 : 35). Cette découverte fut aussi l’occasion de confirmer ce que l’on soupçonnait depuis longtemps : que le Siracide avait été rédigé premièrement en hébreu, quand on en possédait jusqu’à alors que des copies grecques (Fontaine 2007 : 301).
On découvrit aussi un document étonnant, l’Ecrit de Damas (cf. ABD 2 : 8), dont on apprendrait subséquemment, avec la découverte des manuscrits de la Mer Morte, la proche parenté avec la Règle de la Communauté ou Manuel de Discipline (1QS).
Il est désormais possible d’accéder gratuitement en ligne à une grande partie de ces manuscrits (notez qu’il faut butiner, puisque les fragments ont été dispersés çà et là dans diverses bibliothèques) :
– The Friedberg Genizah Project : créez un compte gratuit, et accédez à une immense base de données, consultable par index, ou par mot-clé (hébreu ou anglais). Egalement disponible sur iOS. Le site n’est pas toujours facile d’utilisation (le Java est un peu long à restituer les images après une recherche), mais le résultat vaut en général la peine d’attendre.
– The Cambridge Digital Library : The Cairo Geniza : parcourez les deux collections principales (Taylor-Schechter et Mosseri).
Site rapide et efficace, mais la recherche (en hébreu ou en anglais) ne concerne que les titres et descriptions des catalogues. Apparemment pas de transcription.
– The Princeton Geniza Project : contient environ 2300 transcriptions.
Ex. יהוה. Vous pouvez ainsi prendre connaissance de cette lettre faisant état de transactions commerciales. Le nom divin y figure à plusieurs reprises, ainsi l.4 : dans la loi de Jéhovah jour et nuit. Ligne 1 : Heureux qui craint Jéhovah et marche dans ses voies.