11/08/2013

Théophile d’Antioche, Trois livres à Autolycus

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Les apologistes grecs du IIe siècle comme Théophile d’Antioche ont beaucoup à nous apprendre : sur leur compréhension du christianisme, sur l’état du canon à leur époque, sur le milieu dans lequel ils évoluaient. Il était courant de défendre l’Antiquité du christianisme par l’appropriation de l’histoire juive ; de pourfendre l’adoration des idoles ; de laver les chrétiens des soupçons populaires pesant sur eux, etc. Théophile n’y déroge pas.

Dans ses Trois livres à Autolycus (Ad Autolycum, composé après 180 AD), il cite abondamment les Écritures. On sait qu’il le fait d’après la version des Septante en considérant ses chronologies (3.24-28 ; cf. SC 20 : 49 sq). Par exemple Ad. Aut. 3.24 : Ἀδὰμ ἕως οὗ ἐτέκνωσεν ἔζησεν ἔτη σλ´, υἱὸς δὲ τούτου Σὴθ ἔτη σε´, « Adam engendra Seth à l’âge de deux cent trente ans, Seth engendra Enos à l’âge de deux cent cinq ans » (de Genoude). C’est une citation de Genèse 5.3, où le TM porte :  וַיְחִי אָדָם שְׁלֹשִׁים וּמְאַת שָׁנָה וַיֹּולֶד בִּדְמוּתֹו כְּצַלְמֹו וַיִּקְרָא אֶת־שְׁמֹו שֵׁת׃, à savoir 130 ans, tandis que la LXX porte quant à elle : ἔζησεν δὲ Αδαμ διακόσια καὶ τριάκοντα ἔτη καὶ ἐγέννησεν κατὰ τὴν ἰδέαν αὐτοῦ καὶ κατὰ τὴν εἰκόνα αὐτοῦ καὶ ἐπωνόμασεν τὸ ὂνομα αὐτοῦ Σηθ, i.e. 230. Il cite aussi le nouveau testament, soit directement, soit par allusions (cf. SC 20 : 279-282).

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Il cite également des auteurs païens (Homère, Eschyle, Pindare, Euripide, Hérodote, Bérose…) et connaît Josèphe (3.23), mais semble-t-il pas Philon.

Le Dictionnaire Encyclopédique du Christianisme Ancien (P. Nautin, II : 2427 ; voir aussi SC 20 : 139n2) précise qu’il est le premier (dans la littérature chrétienne) à employer le mot « Trinité », en 2.15 : … τύποι εἰσὶν τῆς τριάδος, τοῦ θεοῦ καὶ τοῦ λόγου αὐτοῦ καὶ τῆς σοφίας αὐτοῦ, … sont l’image de la Trinité, Dieu, son Logos et sa Sagesse. De Genoude ici porte « son Esprit » plutôt que « sa Sagesse » – ce qui est fort contestable, et ce, même si la Sagesse renvoie manifestement à l’esprit saint de Dieu chez Théophile.

Le nom « Chrétien » était sujet de moqueries, comme il l’indique à plusieurs reprises : 1.1, 1.12, et s’il a pris la plume, c’est bien que les Chrétiens sont inquiétés de toutes parts (3.4). Cela ne va pas sans rappeler Actes 11.26 où on apprend que c’est précisément à Antioche, évêché de Théophile, que les disciples furent appelés (χρηματίσαι) « chrétiens ». Certains, se fondant sur le sens que peut prendre le verbe χρηματίζω dans d’autres contextes (surtout s’il est précisé par « dans un rêve », Mt 2.12, 22 ; « par un saint ange », Ac 10.22, etc.) rendent ce passage par « furent par une providence divine appelés chrétiens » (TMN). Mais le témoignage de Théophile invite à en douter (pour plus de détails, cf. Fontaine 2007 : 215-216, n.5).

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Comme vous le constatez, Bible Parser (v.491) intègre désormais – en mise à jour gratuite – cet auteur, avec son texte grec (Migne, Patrologie Grecque, vol. 6 col 1023 sq) et sa traduction française (de Genoude, Les Pères de l’Eglise, vol. 2, Paris, 1838, p. 397 sq.) et anglaise (Schaff). Source : Remacle/Albocicade. Depuis l’outil Scribos pouvez donc désormais faire une recherche groupée dans le NT, la LXX, les Pères apostoliques (Justin compris), Flavius Josèphe, les Pseudépigraphes grecs, Philon, Platon, et le Corpus d’Auteurs Grecs composés de Homère, Hésiode, Hérodote, Pausanias, Sophocle, Callimaque, Xénophon, Aristophane, Épictète, Démosthène; Thucydide, Eusèbe de Césarée, Clément d’Alexandrie, Théophile d’Antioche et Irénée de Lyon.

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L’édition des Sources Chrétiennes, n°20, est très commode (texte grec et notes, G. Bardy, traduction J. Sender) et – fait rare – à un prix abordable.