23/07/2013

Quand Dieu parlait grec

Il vient de sortir et je l’ai aussitôt commandé. Le dernier ouvrage de T.M. Law, When God spoke Greek me paraît tout à fait intéressant (voir une présentation ici). En effet, on oublie facilement que la première bible des chrétiens fut la bible grecque, la Septante. Au moins trois quart des citations bibliques de l’AT dans le NT se conforment à la Septante plutôt qu’au texte hébreu massorétique (cf. R. Grant Jones, Notes on the Septuagint). Or, tous deux ne sont pas parfaitement identiques, et ce, même compte tenu du processus de traduction. On sait maintenant avec certitude que la Vorlage, ou texte source de la LXX, ne coïncide pas avec notre texte hébreu actuel. Mieux, certaines leçons retrouvées à Qumran se conforment à la LXX (voire au texte samaritain) contre le texte massorétique. C’est bien qu’il s’est passé quelque chose. Eh bien, ce quelque chose, c’est, je pense, la standardisation du texte hébreu à Jamnia (vers 90-100 AD). Pas sa canonisation, sa standardisation : on a rassemblé les textes, recensé les variantes, et harmonisé, pour ne retenir qu’un seul texte, celui qui ferait autorité et qui a par la suite été copié fidèlement par les Massorètes.

La réalité est en fait très complexe, et ce résumé ne lui fait certes pas justice : par exemple, on trouve aussi à Qumran ses textes conformes au TM contre la LXX. Mais il n’empêche : avant sa standardisation, le texte hébreu était sensiblement différent à celui que nous connaissons aujourd’hui, et, bien qu’il faille en user au cas par cas et avec grande prudence, des témoins comme la Septante, le texte samaritain ou la Vieille latine peuvent permettre de tendre vers des leçons plus authentiques.

Des thèses paraissent régulièrement sur ce sujet d’importance. J’essaierai de les mentionner au fil de l’eau. Quoi qu’il en soit, l’ouvrage de Law me semble souligner cet aspect de la LXX : les variantes grecques de la LXX ne sont pas toutes à mettre sur le compte de la fantaisie des traducteurs alexandrins. Livre par livre, il faut apprécier les variantes : à cet égard, la revue BIOSC a publié au fil des années des articles extrêmement suggestifs.

De ce même T.M. Law, j’ajoute à ma liste de lecture un autre ouvrage qui me paraît incontournable : Greek Scripture and the Rabbis (voir aussi ici et ). Le sujet a été peu étudié : comment les rabbins du premier siècle ont-ils considéré leur Écriture en grec ? On tient pour acquis que la Septante a été rejetée à mesure que progressait le christianisme, et que, passé le temps éphémère d’une LXX acceptée (et même peut-être considérée comme inspirée), on l’avait rejetée en bloc. Pourtant, des faits contraires poussent à un réexamen de la question : car si la Septante a été mise à l’écart, que dire des traductions d’Aquila, Symmaque, Théodotion, et des autres ? On trouve des citations çà et là, surtout d’Aquila. L’ouvrage de Law, recueil d’articles d’une conférence, fait le point sur ce sujet.

Voir à ce propos Tov. The Evaluation of the Greek Scripture translations in rabbininc sources.