08/11/2020

A Biblical Hebrew & Aramaic Lexicon (Matheus, 2020)

   Comme il n’y a pas tant de dictionnaires d’hébreu biblique sur le marché, la sortie d’un nouvel ouvrage suscite toujours une certaine curiosité. En l’occurrence l’éditeur GlossaHouse vient de faire paraître l’ouvrage de Frank Matheus, A Biblical & Aramaic Lexicon (GlossaHouse, 2020), qui est la traduction de l’ouvrage allemand PONS Kompaktwörterbuch Althebräisch-Deutsch (Pons GmbH, 2015). J’ai déjà présenté un des titres de cette maison d’édition spécialisée dans les langues bibliques, à savoir le petit manuel de vocabulaire visuel According to their kinds, et j’avais évoqué leur série sur les livres bibliques illustrés que je n’ai pas eu l’occasion de présenter formellement, mais qui est d’un réel intérêt (aussi bien ludique que pédagogique). C’est ce même éditeur qui propose le Koine Greek Grammar de F. Long, que j’ai également signalé dans un précédent billet.

Frank Matheus’s A Biblical Hebrew and Aramaic Lexicon (BHAL) is a comprehensive dictionary based upon his PONS Kompaktwörterbuch Althebräisch-DeutschBHAL utilizes modern lexical approaches, is extremely clear, and offers efficient access to the information that users need. With nearly 10,000 entries, BHAL covers the entire biblical vocabulary, including the Aramaic portions. Moreover, it offers numerous forms that help the user to find the word she or he is looking for quickly in its specific grammatical form.

   Ce nouveau dictionnaire hébreu/araméen – anglais est destiné à une consultation rapide et prétend avoir bénéficié d’une approche lexicale moderne. Les sources utilisées incluent effectivement les références lexicographiques du moment (cf. p.viii), où cependant, curieusement, les ouvrages de Clines manquent à l’appel (DCH, CDCH). L’objectif annoncé est de fournir de manière exhaustive mais simple l’ensemble des termes figurant dans l’Ancien Testament (hébreu et araméen), soit un peu moins de 10 000 mots. Sont également fournies les différentes formes d’un mot, surtout les verbes, mais aussi les noms suffixés, en vue d’aider le lecteur à retrouver le mot recherché. Mais cet objectif est étonnant dans la mesure où les formes ne sont pas ventilées au fil du lexique, mais sous la rubrique seule du lemme ; si bien que les formes ne se consultent qu’une fois la racine trouvée. Ces formes ne servent donc pas à retrouver une racine, mais plutôt à informer sur les différentes flexions et leur nature.

   La présentation est claire et aérée. La police de caractère utilisée n’est pas la plus gracieuse qu’on connaisse mais reste parfaitement lisble. L’ouvrage ne présente en fait pas de grande originalité, son but premier semble être la praticité pour les apprentis hébraïsants (i.e. trouver rapidement une glose relativement fiable). Quelques entrées discutent les difficultés de traduction, les difficultés textuelles, ou fournissent des données à caractère encyclopédique (notice précédée d’un <i>) – et ce sera là, à mon avis, la seule particularité de ce manuel.

   Pour vous donner une idée, je le compare avec le DHAB de Ph. Reymond, et le CHAL de W.L. Holladay.

Sens : BHAL – DHAB – CHAL

ברא

ידע

   

חסד

תנה

   Comme on peut le constater, le BHAL est plus concis que les deux autres, mais on y trouve l’essentiel. Difficile de dire, sans l’avoir pratiqué longuement, quelle sera la place de ce nouveau dictionnaire. Personnellement je lui préfère largement le CHAL et le DCH, plus complets et tout aussi maniables. Il se rapproche du DHAB, mais ce dernier semble un peu complet là-encore. Cet outil vaudra donc pour une consultation simple et rapide.

   On aura remarqué que pour le vocable חסד, cet outil perpétue, discrètement mais quand même, le transfert de totalité illégitime consistant à proposer, parmi les différentes gloses, celle de « fidélité ». Or la lexicographie « moderne » (qui n’a de surcroît rien découvert par rapport à la tradition lexicographique antérieure) a montré que cette méprise procède d’une erreur méthodologique : le sens de fidélité est importé de l’expression חסד ואמת (cf. χάρις καὶ ἀλήθεια), « grâce et vérité » (= bonté fidèle, en quelque sorte). Mais le vocable חסד seul n’implique en aucun cas de la « fidélité », il désigne plutôt la « grâce », la « bonté », la « faveur », la « bienveillance » ou encore l’ « amour » (voir Romerowski 2011 : 253-265 et 1990 : 89-103). Pour le terme חסד, et sans doute pour beaucoup d’autres, le BHAL hérite donc d’une tradition récente et parfois contestable. Cette bévue rappelle, s’il le fallait, que les dictionnaires linguistiques sont – presque toujours – le produit de la tradition bien plus que d’un travail ab ovo (sur ce point, voir la passionnante étude de Lee, A History of New Testament Lexicography 2003 sur la lexicographie néotestamentaire, qui vaut aussi pour l’AT).