Dans un article qui reprend en grande partie le chapitre 4 de son ouvrage Le Talmud et les origines juives du christianisme (2007, pp.109-120), D. Jaffé aborde la question de la langue originale de l’évangile de Matthieu.
Cet article de 2009 s’intitule « Les Sages du Talmud et l’Évangile selon Matthieu » (Revue de l’histoire des religions 4/2009, Tome 226, p. 583-611 ; ou ici).
Jaffé y examine le problème des mentions ou allusions aux évangiles contenues dans le Talmud de Babylone, particulièrement dans le Sabbbath 116a-b.
On sait que les écrits des minim (hérétiques) y sont appelés « blancs » ou « marges » (גיליונים), voire « rouleau de mensonge » et « rouleau de transgression », אוון גליון(aven guilayon) et עוון גליון (avon guilayon) – ces minim que l’on peut identifier aux judéo-chrétiens.
Plusieurs passages invitent à ne pas épargner des flammes les écrits des minim en cas d’incendie (ou éboulement, ou autre), ces écrits ainsi que les mentions du Nom divin qu’ils contiennent.
Si les écrits des minim (סיפרי מינים) sont bien des évangiles, comment le montrent Jaffé ou Mimouni, alors la thèse de la présence du nom divin sous forme de tétragramme dans le NT (du moins dans les portions écrites, semble-t-il, en hébreu plutôt qu’en araméen) est grandement confortée.
Dans son article, Jaffé soutient que le passage de Sabbath 116a-b contient un référence, sous forme de dérision et de jeu de mot, à Matthieu 5.17. Cette thèse me paraît d’autant plus recevable que les autres mentions des évangiles se font toujours pas dérision (« blancs ») et jeu de mot (ex. aven gilyon/évangélionn).
En l’occurrence, Matthieu 5.17 fait état d’un boisseau (hébreu homer, חומר), or le passage de Sabbath reprend ce mot en y introduisant le mot âne (hébreu hamor חמור, araméen חמרא).
Tout cela me semble parfaitement cohérent : conformément au témoignage unanime des Pères, Matthieu fut rédigé en hébreu et contenait le tétragramme.