La relecture du Timée et du Critias (Critias – L’Atlantide, Les Belles Lettres, 2002), où Platon évoque le mythe de l’Atlantide est pour moi l’occasion d’un constat. On connaît la postérité exceptionnelle de ce mythe, qui a attiré historiens, philosophes, et plus encore, amateurs de mystères. J’en ai fait les délices de ma jeunesse – car il y a tant à lire, et c’est si divertissant.
Aujourd’hui cependant, ce récit m’apparaît sous un jour nouveau : Platon a grand soin de présenter son utopie comme un αληθινον λογον, un discours vrai, un récit authentique, avec force détails : politique, géographie, architecture, techniques, moeurs. Toutes ces informations ont permis aux plus hardis de tenter de retrouver, ou identifier, cette singulière civilisation atlante. Les points de contact avec la réalité historique ont fait penser aux Minoens, ou à la catastrophe du Santorin. Mais la chronologie ne colle pas…
Le danger avec ces points de contact, ces pointillés, c’est qu’ils peuvent mener trop loin. Car Platon, rappelle d’autres mythes, comme celui de Deucalion (récit grec du déluge) – moins mythique pour le coup. Or le danger, c’est l’amalgame. On dit qu’il y a toujours une part de vrai dans le mythe. À voir ! Mais quand c’est le cas, le vrai peut se réduire à la morale, à la chute.
Comme les paraboles de Jésus. Nous y trouvons force détails, avec une exactitude propre à pousser les plus hardis à… aller trop loin. Le bon samaritain existe-t-il ? Oui, mais pas celui de la parabole. Les dix vierges ? L’intendant fidèle ?
Des siècles de lectures ont produit des monceaux de littérature fabuleuse. Le danger des paraboles de Jésus, tout comme le danger de l’utopie platonicienne, c’est de sortir du contexte, de tirer le texte à soi pour lui donner une consistance qu’il n’a pas forcément.
Les premières fables connues, celles d’Ésope, avaient fait le choix, avisé et prudent, de décrire les vices de l’homme sous les traits de l’animal. La forme importait moins que le fond, bien que la forme fût suffisamment appréciable pour enrichir le fond.
Apprenons donc d’Ésope et de Platon à préférer le fond à la forme.