24/01/2022

« Dieu » ou « comme Dieu » ? Enquête philologique sur ἁρπαγμός en Philippiens 2.6 (Fontaine, 2022)

   J’ai le plaisir de vous annoncer la parution, aux éditions l’Harmattan, de mon dernier ouvrage : Didier Fontaine, « Dieu » ou « comme Dieu » ? Enquête philologique sur ἁρπαγμός en Philippiens 2.6 (L’Harmattan, 2022).

Dès les premiers temps de l’Église, les chrétiens l’avaient remarqué : les écrits de l’apôtre Paul contiennent « des choses difficiles à comprendre » dont on peut « tordre le sens » (2 Pierre 3.15-16). L’hymne christologique de Philippiens 2.6-11 est de ces passages. Trop souvent interprété à la lumière des Pères de l’Église des IVe et Ve siècles, lesquels étaient enlisés dans des controverses et arguties doctrinales, son sens paraît plus limpide lorsqu’il est remis dans son contexte historique : celui de la communauté chrétienne de Philippes, une colonie romaine du Ier siècle. Au pays des merveilles, les mots signifient ce qu’on décide qu’ils signifient, et il semblerait bien que certaines traductions de Philippiens 2.6 aient été réalisées au-delà du miroir. Au gré de ses traductions aussi originales qu’incompatibles, le terme harpagmos y prend à peu près n’importe quel sens – à l’exception du plus évident. Comment est-ce possible ? Par quel miracle et par quelle autorité peut-on attribuer à un mot un sens inédit ? Date de publication : 19 janvier 2022 • Broché – format : 15,5 x 24 cm • 206 pages • ISBN : 978-2-343-24938-4 • EAN13 : 9782343249384

Pourquoi une nouvelle étude sur Philippiens 2.6, après celle de 2010 (L’égalité avec Dieu en Philippiens 2.6) ? Et surtout, après toutes celles qui ont déjà été consacrées à l’hymne christologique, qui se comptent par milliers ?

   En 2010, mon étude cherchait à déterminer, d’un point de vue sémantique et syntaxique, s’il était possible de considérer les deux expressions « forme de Dieu » et « égalité avec Dieu » comme des énoncés plus ou moins interchangeables (synonymie partielle). La réponse à cette question jetait une première lumière sur la signification du verset au sein de l’hymne. Pour des raisons matérielles (cadre de l’exercice), je n’avais pas tenté une approche frontale du point le plus important : l’analyse sémantique de ἁρπαγμός. Je formulais seulement une critique succincte de la thèse la plus communément avancée sur le sens de ἀρπαγμός (2010,144-149). Il restait donc beaucoup à faire.

   Dans cette nouvelle étude j’aborde le problème frontalement, en passant en revue tous les textes et toutes les études majeures parues sur le sujet (+ de 650 ouvrages consultés !). Je procède à une analyse sémantique détaillée de ἁρπαγμός, avant de décortiquer la thèse de Roy W. Hoover (1971). D’après cette thèse, en Philippiens 2.6, ἁρπαγμός s’inscrit dans une expression idiomatique (ἁργπαγμὸν τι ἡγεῖσθαι) qui lui fait perdre son sens connu et bien attesté (action de s’emparer vivement/de force de qqch) au profit d’un sens exocentrique : quelque chose dont tirer avantage (« something to take advantage of », 1971, 105). Ce sens a été largement adopté par les théologiens, mais on peut démontrer qu’il repose sur une double méprise dans l’analyse des textes avancés comme support : le transfert de totalité illégitime (Plutarque) et l’analyse anachronique et biaisée (Héliodore d’Émesse, Eusèbe de Césarée, Isidore de Péluse, Cyrille d’Alexandrie notamment).

   Quoique la littérature consacrée à l’hymne christologique soit immense – essentiellement théologique, sociologique et rhétorique – les approches philologiques sont rarissimes. J’ai tenté dans mon étude de pallier à cette lacune par l’analyse sémantique, syntaxique, littéraire et historique. Au-delà de l’aspect linguistique, Philippiens 2.6-11 doit en effet être replacé

  1. dans son contexte d’énonciation,
  2. dans son environnement idéologique.

C’est donc une approche globale de l’hymne qui est proposée, et dans son contexte le plus évident : la colonie romaine de Philippes au Ier s. De très bonnes études s’étaient déjà intéressées à ce contexte (Hellerman, Oakes, Cassidy, Verhoef, etc.) mais il restait à mettre en musique ce contexte avec une analyse plus solide, et vraiment philologique, du terme ἁρπαγμός : j’espère avoir œuvré en ce sens.