16/10/2014

Comparatif des quatre meilleurs logiciels bibliques pour l’exégèse (RHPR 2014, 94/3, 303-318)

Sur son site Bible & Co, Timothée Minard vient de mettre en ligne un comparatif des quatre meilleurs logiciels bibliques pour l’exégèse biblique. Ce comparatif fait suite à la publication dans la Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuses (2014, 94/3, pp.303-318 ; sous presse) d’un article intitulé « Quatre logiciels pour l’exégèse biblique : Accordance, Bible Parser, BibleWorks et Logos », article complété par une copieuse annexe en ligne, assorti de vidéos détaillées.

Dans ce qui suit, je ne résume pas nécessairement l’article de Minard : je livre plutôt mes impressions à sa lecture.

Le premier point abordé par Minard est le problème de la bibliothèque numérique (pp.305-307). S’il a été possible jadis de mener des recherches exégétiques sans recours au numérique, il est de nos jours beaucoup plus difficile de s’en passer : non seulement la productivité est décuplée par le recours aux concordances informatiques, mais certains ouvrages importants sont désormais publiés directement au format électronique. La grande question est donc : faut-il investir dans le numérique ? C’est d’autant plus épineux que, bien souvent, les ouvrages sont relativement coûteux (moins que leur version papier, mais pas significativement à mon goût), et pire, les logiciels étant conçus différemment, il est bien souvent nécessaire d’investir dans plusieurs logiciels, et donc d’acheter plusieurs fois les mêmes modules…

Pour le domaine de la critique textuelle spécialement (pp.307-309), Minard souligne que bien des contraintes peuvent être levées : les sigles et abréviations des apparats critiques sont élucidés dynamiquement au sein des logiciels, et des recherches complexes, voire inédites, deviennent envisageables en quelques secondes. De même, plus besoin de naviguer vers les listes de manuscrits pour connaître leur date, provenance ou contenu. Sur ce point, je dirais que les apparats critiques au sein de Logos (NA27, BHS, BHQ, LXX, Vulgate notamment) m’ont rendu bien des services, même si certains ne sont pas à la hauteur de leur réputation. Ainsi, je pense que, chez Logos, les éditions de la Göttingen Septuagint  et du CNTTS mériteraient mieux : pour la Göttingen, légendes en anglais plutôt qu’en allemand, recherche par manuscrits, non segmentation des apparats et pour le CNTTS, meilleure lisibilité, et possibilité de recherches plus élaborées.

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Côté traduction biblique (pp.310-311), il est bien certain que les logiciels permettent un travail beaucoup plus précis qu’auparavant : comparer de très nombreuses versions instantanément, consulter les manuels (dictionnaires, grammaires, encyclopédies, atlas) directement à la bonne page, etc. Les possibilités sont vertigineuses. Minard ne l’évoque pas, mais Paratext aurait sans aucun doute pu faire partie de sa liste : très bien équipé du point de vue des versions tant anciennes que modernes, le logiciel est aussi un assistant de publication (d’édition de la bible, d’interlinéaires), et accompagne les traducteurs tout au long d’un projet (cohérence de la traduction, realia, commentaires spécialisés, etc.).

Dans sa rubrique consacrée à la philologie (pp.311-313), Minard rappelle ce qui est demandé spécialement aux logiciels : des recherches (graphiques) élaborées. Sur ce point, il épingle Bible Parser qui ne permet pas, à l’instar de Logos, Accordance ou BibleWorks, de faire des recherches (très) complexes. Mais les choses sont en train d’évoluer. Ainsi, p.311 il évoque une fonctionnalité de BibleWorks permettant de rechercher tous les mots d’un domaine sémantique. J’avoue qu’après quelques manipulations, je n’y suis pas parvenu. En revanche, c’est très simple avec Logos.

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Et encore plus simple avec Bible Parser 2015 :

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La facilité d’utilisation est donc au cœur de l’intérêt d’un logiciel. Même si l’on sait qu’un logiciel sait faire telle chose, on n’ira pas forcément vers lui si l’on sait qu’il n’est pas intuitif. Ainsi, pour les recherches graphiques, je vais pour ma part vers Accordance – sans aucune hésitation ! Pour les grammaires, vers BibleWorks puis Logos. Pour les références aux Pères, vers BibleWorks. Pour les variantes de la Mer Morte, vers Accordance. Etc. Chaque logiciel a ses atouts.

Minard souligne d’ailleurs que la recherche par domaine sémantique dans Logos distingue la polysémie (p.312). Intéressant ! Mais j’ignore comment. Car distinguer les différents sens d’un mot selon son contexte, c’est beaucoup demander d’un logiciel. Cependant, c’est possible. Il « suffit » de taguer tout le corpus biblique pour distinguer chaque sens de chaque mot. Cela a d’ailleurs été fait dans le module Westminster Hebrew Morphology qui distingue, pour chaque mot, son entrée (et donc, son sens) dans le HALOT. Du coup, il est possible d’effectuer des recherches selon le sens – et cette fonctionnalité sera vraisemblablement implémentée rapidement dans Bible Parser 2015. Mais cela n’existe pas à ma connaissance pour les modules en grec. Avis aux tagueurs !

Je profite d’ailleurs de l’occasion pour indiquer que Bible Parser 2015 permettra, en outre, de rechercher par dérivés, de consulter des statistiques sur les équivalents hébreux, et même de rechercher les synonymes (non illustré) :

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Puis Minard aborde l’intertextualité (pp.314-315). Il relève que Accordance, BibleWorks et Logos possèdent une fonction synopse sans relever celle de Bible Parser. Il évoque aussi l’outil Related Verse Tool de BibleWorks permettant une recherche d’intertextualité (en prenant Isaïe 53 pour exemple), mais ne relève pas que Bible Parser possède un modeste outil assez comparable : la recherche combinée (Verse Finder). La version 2015 poussera le concept beaucoup plus loin, mais déjà il est possible, à partir d’un verset du NT, de découvrir dans la Septante des versets potentiellement « source ». L’option « Ajouter un mot » permet d’ajouter un synonyme, et donc, d’étendre les découvertes d’allusions. C’est là où BP 2015 pourra faire un peu mieux qu’actuellement.

 

Minard conclut avec une brève section sur l’accès à la littérature secondaire (pp.315-316) et donne ses remarques finales. Sur Bible Parser, il soutient :

Bible Parser est un excellent pis-aller pour les petits budgets. Même pour celui qui pourrait s’offrir un des trois autres logiciels, il peut s’avérer un complément utile. En effet, s’il est particulièrement limité dans son usage comme outil actif, il est excellent comme outil passif. Bible Parser regroupe en un même lieu les meilleurs ouvrages exégétiques libres de droits en anglais et en français. De même, il permet de consulter facilement les traductions françaises. Enfin, en matière de critique textuelle, il propose de nombreux apparats et donne accès à un grand nombre de versions anciennes.

J’ignore ce qu’il faut entendre précisément par outil actif ou passif car à mon sens, tous les logiciels bibliques examinés par Minard sont passifs. Doté d’une bonne base de données (par exemple, analyse syntaxique), un logiciel peut simplement donner l’impression de faire des recherches « actives ». Cependant il requiert la participation active de l’utilisateur (bonne connaissance du logiciel) – ce qui est très passif en fait ! C’est ce qui m’a incité à réfléchir à un nouvel outil « Informations Contextuelles » pour BP 2015 qui lui sera réellement actif (déjà ébauché dans le CTX de BP 2013, mais trop limité) …

La critique est cependant pertinente. Bible Parser a été conçu, non pour se substituer aux trois autres logiciels, mais pour leur apporter un complément utile : interface et ressources françaises, bases de données et fonctions inédites. Et surtout, accès aux corpus et analyse de ces derniers. Tout cela à prix modique.

L’article de Minard paru dans la revue RHPR me paraît tout à fait pertinent, sans concession et objectif. Mais il est trop succinct pour donner une idée précise des quatre logiciels. Il est donc impératif de se reporter à l’annexe en ligne, que je préfère de loin, car elle est précise et quasi exhaustive.

L’analyse de Minard a permis de souligner les insuffisances suivantes pour Bible Parser :

– complexité de l’installation,

– interface archaïque,

– fluidité insuffisante.

Parmi les points positifs :

– richesse des apparats,

– multiplicité des corpus, même spécialisés,

– fonctions inédites,

– prix.

Toutes ces considérations sont en fait à l’origine de la réécriture totale de Bible Parser.  Elles m’ont incité à prendre mon courage à deux mains, et recommander à zéro. Car je sais que je peux faire mieux. Beaucoup mieux. Je n’atteindrai sans doute jamais le niveau professionnel des logiciels commerciaux (notamment pour ce qui concerne l’élaboration de bases de données spécialisées, de trop vaste envergure à mon échelle), mais Bible Parser a encore un bel avenir, et ses prochaines mises à jour réservent quelques agréables surprises. Merci donc à Timothée Minard pour sa critique !

Ce post est une première ébauche. Il y a en fait énormément à dire, tant sur la critique de Bible Parser, que sur celle des autres logiciels. Ce post sera donc mis à jour au fil de mes impressions ultérieures.