En général, les auteurs du Nouveau Testament citent l’Ancien Testament d’après le texte de la Septante (LXX), du moins autant qu’on puisse en juger aujourd’hui : ils peuvent aussi avoir cité, parfois, un texte hébreu que nous ne possédons plus, conforme à la Vorlage de la LXX, et qui ne nous est pas parvenu en raison de la standardisation et la canonisation du texte hébreu par les rabbins au IIe s. Quoi qu’il en soit, il est toujours intéressant de savoir si une citation de l’AT dans le NT est faite d’après la LXX ou d’après le TM (Texte Massorétique). Ou bien si le texte de la LXX ne coïncide pas avec le TM mais se trouve représenté dans un texte hébreu de Qumran. C’est désormais possible avec la version 493 (cf. MAJ) de BP qui sort aujourd’hui. Bien évidemment, et pour rebondir sur des réactions à ce post, l’outil a surtout pour vocation de vous interpeller, d’attirer votre attention sur un « problème » potentiel : la vérification des textes et de leurs témoins manuscrits est l’étape suivante.
1) Citations du Nouveau Testament faites conformément au texte de la Septante contre le Texte Massorétique (= LXX ≠ TM). 271 instances.
2) Citations du Nouveau Testament faites conformément au Texte Massorétique et contre le sens de la Septante (= TM ≠ LXX). Instances d’autant plus intéressantes qu’elles sont rares (9 instances).
3) Citations du Nouveau Testament conformément au texte de la Septante, contre le Texte Massorétique, avec témoin hébreu des Manuscrits de la Mer Morte (DSS = LXX ≠ TM). DSS pour Dead Sea Scrolls. 439 instances.
Sachez que Bible Parser vous indique également les variantes des Manuscrits de la Mer Morte – qui concernent surtout la vocalisation, mais pas toujours. Par exemple, en Deutéronome 34.6 le texte hébreu retrouvé à Qumran rejoint le texte de la Septante. Le TM porte « il [Dieu] ensevelit » tandis que la Sepante et 4QDeutl portent « ils ensevelirent ».
Ces listes ont été établies d’après R. Grant Jones, Notes on the Septuagint (qui se fonde lui-même sur F. Abegg et E. Ulrich, The Dead Sea Scrolls Bible, HarperCollins, 1999). Je les ai vérifiées, du moins pour la partie = LXX ≠ TM, d’après le GNT4 et le NA27 : elles paraissent complètes. Dans certains cas, Grant Jones n’est pas d’accord avec GNT4/NA27 et s’en explique (ex. Eph 4.26 n’est pas topé = LXX Ps 4.4). J’ai rétabli les instances en question (ce sera disponible dans BP v.494). Un excellent point de départ concernant les citations ou allusions du NT se trouve dans C.A. Evans, Ancient Texts for New Testament Studies (Hendrickson Publishers, 2005), pp.342-409 (en ligne sur Scribd, cf. p.378 de fichier) puisque Evans relève les parallèles dans de nombreux corpus : apocryphes, pseudépigraphes, manuscrits de la Mer Morte, auteurs païens, littérature rabbinique, etc. Bien sûr il indique aussi – par le sigle « LXX » si une citation se conforme plutôt à la Septante. D’ailleurs les introductions à la Septante comme Swete, An Introduction to the Old Testament in Greek ou Harl-Dorival-Munnich (1988 : 274-280, cf. bibliographie) peuvent contenir d’utiles chapitres consacrés aux citations. Un exposé minutieux, quoique un peu daté, se trouvent dans SDB, vol. II : 23-51 . Pour ce qui concerne Paul spécifiquement, on se référera utilement à M. Silva, in : IVP DPL, art. « Old Testament in Paul », pp.630-642 (spécialement la liste p.631 où il fait les distinguos suivants : 1. Paul = LXX = MT, 2. Paul = MT ≠ LXX, 3. Paul = LXX ≠ MT, 4. Paul ≠ LXX ≠ MT et 5. Instances débattues). Toujours sur Paul, on peut se reporter à la monographie de Porter et al., As It Is Written – Studying Paul’s Use of Scripture. Plus généraliste, l’ouvrage de Carson, It Is Written, Scripture citing Scripture est une compilation d’articles de fond, mais qui traite aussi des corpus les uns après les autres. Dans la même série IVP évoquée plus haut, voir aussi C. Evans, in : IVP DJG, art. « Old Testament in the Gospels », pp.579-590 (pas de liste mais une analyse détaillée). Et pour les autres corpus, cf. IVP DLN : « Old Testament in Acts » (pp.823-826), « Old Testament in Apostolic Fathers » (pp.826-834), « Old Testament in General Epistles » (pp.834-841), « Old Testament in Hebrews » (pp.841-850, avec un tableau particulièrement pratique pp.846-849) et enfin « Old Testament in Revelation » (pp.850-855). Un autre recueil fort utile est celui de D.L. Washburn, A Catalogue of Biblical Passages in the Dead Sea Scrolls (en ligne sur Scribd, cf. p.22 du fichier). Du même intérêt est l’ouvrage de E. Ulrich, The Biblical Qumran Scrolls (en ligne sur Scribd). L’autre ouvrage incontournable est celui de G.L. Archer et G. Chirichigno, Old Testament Quotations in the New Testament (Wipf & Stock, 2005). Enfin n’oubliez pas la Bibliothèque de Bible Parser, qui comporte d’excellents manuels (Gough, Toy, Turpie, etc.). Une autre manière d’aborder les citations AT/NT, et ce faisant de comparer le texte massorétique avec la Septante, est d’utiliser le module Tov, The Parallel-Aligned BHS/LXX :
Notez que la v.493 ajoute aussi gratuitement de nombreux textes, et non des moindres :
– Athénagore d’Alexandrie, Défense des Chrétiens (texte grec et traduction française, concordance)
– Théophile d’Antioche, Sur la résurrection des morts (texte grec et traduction française, concordance)
– Évangile de Nicodème (Actes de Pilate) – texte grec, concordance
– Évangile de Thomas l’Israélite – texte grec, concordance
– Évangile de Pierre – texte grec, concordance
– Protévangile de Jacques – texte grec, concordance
– Basile de Césarée, Aux jeunes gens, comment tirer profit de la littérature grecque (texte grec, concordance).
J’ai particulièrement travaillé sur l’intégration des textes grecs apocryphes, d’après Tischendorf, dont j’ai réalisé une compilation des Évangiles, Actes et Apocalypses apocryphes (textes en grec et latin). En ce sens, n’hésitez pas à me signaler tout texte grec libre de droits, et surtout qui aurait déjà été saisi/numérisé.
Quelle est la version la plus complète à acheter de la bible Parser.?
Bonjour
C’est celle sur clé USB 32 Go
Cordialement
DF
Bonjour,
J’ai cité vos chiffres sur les citations de la LXX dans le NT à plusieurs « spécialistes » de la Bible, qui m’ont répondu que ces chiffres étaient fantaisistes. Ces personnes affirment mordicus que le TM est plus fiable que la LXX, et surtout que les citations de la LXX dans le NT sont minoritaires.
Que répondez-vous à cela ? (je trouve en ce qui me concerne que votre article est sans appel, mais vos sources ne convainquent pas les « spécialistes »…)
Merci
La confiance dogmatique de certains spécialistes dans le TM se fissure au fil des études. Certes le TM est fiable. Mais en bien des endroits, la LXX lui est supérieure. Il n’est pas possible de privilégier un témoin au détriment systématique de l’autre, car la situation est inégale en fonction des livres bibliques, et rendue complexe par le passage d’une langue à l’autre.
Si le dogmatisme n’est pas de mise, on peut cependant avancer avec sérénité que les citations sont essentiellement faites d’après la LXX. L’étude de Grant n’est pas académique, j’en conviens, mais elle a le mérite d’exister. Ses conclusions rejoignent les conclusions des spécialistes que je cite dans le présent post (et d’autres).
Quant au décompte des affinités entre LXX / TM / DSS, c’est un exercice délicat. Le présent post n’est pas une monographie sur le sujet (qui n’y suffirait pas !). C’est une indication de la typologie des cas : la plupart des citations se conforment à la LXX avec le TM ; certaines citations se conforment à la LXX contre le TM (parfois avec support des DSS) ; enfin certaines citations se conforment au TM contre la LXX (cas plus rares). Je serais bien curieux de savoir quels spécialistes nient ce constat…
Sur le présent blog, j’ai publié quelques articles « LXX vs TM » pour donner des exemples concrets. Vous y trouverez d’autres sources sérieuses.
N’en concluez pas que je suis un aficionado invétéré de la LXX. Il s’agit d’une traduction. Sa Vorlage peut remonter plus haut que l’édition du TM telle que nous la connaissons (p.ê. -I/I), mais elle présente les inconvénients d’obliger à la reconstruction hypothétique du texte hébreu sous-jacent, exercice périlleux mais nécessaire (cf. Tov, The Text-Critical Use of the Septuagint in Biblical Research, Eisenbrauns, 2015).
Enfin, notez que mon logiciel Bible Parser, désormais en ligne, dispose d’un outil de comparaison beaucoup plus abouti que précédemment, sur lequel je reviendrai prochainement : comme une image vaut mille mots, vous aurez tout le loisir de constater par vous-même combien LXX et NT présentent un texte comparable.
Merci pour ces indications.
Mon approche est la suivante :
– Concernant le texte massorétique, le fait même qu’il ait été fixé par les successeurs des pharisiens – persécuteurs de Jésus et de Paul – à une époque où les chrétiens essayaient de convaincre à l’aide de la LXX que Jésus était le Messie, a suffi à me convaincre que le TM n’est pas si fiable que ça.
– A mes yeux le fait que l’Esprit saint a choisi la LXX pour citer l’AT dans le NT (citations majoritaires selon la majorité des sources consultées, mais dans des proportions différentes, les vôtres étant les plus en faveur de la LXX) suffit à valider la Septante comme fiable, ainsi que le fait qu’elle était la Bible des premiers chrétiens et des premiers Pères de l’Église.
Ma position peut paraître trop catégorique, mais les vues de certains théologiens niant l’importance de la LXX le sont plus encore – ce qui explique peut-être que je cherche à défendre l’importance de la LXX.
J’ai posé à plusieurs la question: « Du moment que la Septante/LXX est la version utilisée le plus souvent pour citer l’AT dans le NT, pourquoi traduit-on nos AT à partir du texte massorétique/TM ? » et suite à des réponses souvent succinctes et surtout mal documentées à mes yeux, j’ai donné des chiffres (les vôtres) et des exemples. Voici un résumé des réactions:
– on répond sans tenir compte des exemples et/ou des chiffres, et quand des précisions sont demandées on n’a souvent aucun chiffre ou contre-exemple probant en retour
– ou on répond, au sujet des exemples TM/LXX: oui, et qu’est-ce que cela prouve ?
– et au sujet des chiffres (les vôtres): ils sont faux… ou douteux…
– on confond TM et texte hébraïque originel (= celui utilisé pour traduire la LXX) – on confond même la LXX avec la Vulgate (si si…)
– on affirme que dire que c’est l’Esprit saint qui a cité l’AT dans le NT d’après la LXX n’est pas correct (c’est nouveau: le NT ne serait pas inspiré par l’Esprit saint…)
– on parle de l’inerrance comme d’un argument irrévocable pour justifier les différences (alors que cela devrait être le contraire: les citations de l’AT dans le NT n’étant pas celles de l’AT originel, on devrait se poser la question de l’inerrance et traduire l’AT d’après les textes anciens et non pas à partir du TM…)
– on affirme que seuls les versets de la LXX cités dans le NT sont corrects, mais que le reste de la LXX est mauvais (donc seuls les chats que j’ai entendus miaulent… les autres aboient…!)
– on affirme péremptoirement: la LXX n’existe pas (si si…)
– on me fait dire ce que je n’ai pas dit
– on m’attaque directement (et non pas mes idées)
– on me fait comprendre que mes arguments sont des croyances (fidéisme), alors que ce sont des faits (exemples bibliques et chiffres)
– on me ferme la porte au nez
Un exemple de dialogue (où pas tous les points cités ci-dessus s’appliquent) où j’ai eu de la peine à me faire comprendre: http://leboncombat.fr/texte-massoretique-septante/