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Sous les pierres, la Bible (Villeneuve, 2017)

by areopage on mai 14th, 2017

Pour qui s’intéresse aux découvertes archéologiques en lien avec les récits bibliques, l’ouvrage d’Estelle Villeneuve, Sous les pierres, la Bible (Bayard Editions, 2017) pourra s’avérer fort intéressant. Comme y habituent les éditions Bayard, l’ouvrage est d’excellente facture : superbes illustrations, mise en page impeccable. Chaque rubrique se termine par un encart bibliographique pour poursuivre la lecture.

 

  

L’introduction (pp.8-27) brosse un tableau des relations entre l’histoire de la Bible et l’archéologie. Des relations tumultueuses, comme celles d’un couple, dirait Villeneuve, qui va de l’idylle au désamour. Après avoir rappelé les premières heures de cette « archéologique biblique » – en cette époque où des savants allaient sur le terrain « une truelle dans une main, la bible dans l’autre » (cf. p.20) – elle en vient aux préoccupations modernes de l’archéologie (qui s’est donc débarrassé de l’encombrant adjectif « biblique »), à savoir la querelle des minimalistes et des maximalistes. Dans cette querelle parfois retorse, on trouve bien sûr la nouvelle archéologie défendue par Israël Finkelstein. Or Villeneuve fait bonne place aux vues de ce dernier.

C’est donc dans un âge d’or mythique aux couleurs de leur quotidien que les rédacteurs judéens auraient projeté les origines de la royauté, quand les deux royaumes du Nord (Israël) et du Sud (Juda) étaient réunis sous la couronne d’un Judéen, David. Façon pour eux d’appuyer les ambitions hégémoniques de Juda sur la Samarie conquise par les Assyriens en 722 av. J.C. (p.22)

Sur la conquête de Canaan, soutient Villeneuve, moins de débats que dans le cas de la royauté :

Les milieux savants étaient préparés et ont accepté, au moins dans les grandes lignes, le principe de l’apparition pacifique des Israélites en Canaan. En revanche, la mise en cause des origines de la monarchie a soulevé une ardente polémique – encore vive aujourd’hui. (pp.22-23)

Villeneuve admet toutefois que les résultats de l’archéologie, comme ceux de l’exégèse, sont par nature subjectifs :

En attendant, à l’heure de la postmodernité, les archéologues d’aujourd’hui prennent davantage conscience que ni les objets ni leurs contextes stratigraphiques, aussi précis soient-ils, ne sont des données objectives, totalement indemnes de leurs présupposés herméneutiques. Et dans le domaine du passé biblique, la charge affective des convictions politiques ou religieuses pèse certainement davantage ici que partout ailleurs. (p.23)

Le grand débat actuel de l’archéologie, qui a conclu dans les grandes lignes au caractère mythologique des patriarches, puis de la conquête de Canaan, est désormais de savoir s’il y a eu au Xe s. av. J.C. (Fer IIA) une monarchie unifiée forte, capable de produire des archives qui auraient par suite servi aux rédacteurs bibliques.

Voilà pour l’introduction, qui on le voit suscite bien des interrogations, voire des objections (cf. Pour en savoir plus infra), mais qui a le grand mérite de faire une synthèse historique commode tout en menant aux débats actuels.

Les reste de l’ouvrage (pp.28-255) est une succession de rubriques introduites chaque fois par une double page : date d’une découverte archéologique afférente à la Bible, localisation et illustration emblématique de la découverte. Puis suivent quelques pages de mise en contexte. Le format chronologique est assurément commode en ce sens qu’il permet de suivre année après année la progression de notre connaissance du Proche-Orient. Du relief de Sheshonq à Karnak aux tablettes d’Ougarit, de la tablette du déluge à Ninive aux évangiles interdits de Nag Hammadi, en passant par les manuscrits de la mer Morte,  la geniza du Caire, le cylindre de Cyrus ou encore le tunnel d’Ezéchias à Jérusalem, ce sont pas moins de 38 découvertes qui sont abondamment illustrées et documentées.

Un épilogue (p.256) clôture l’ensemble, suivi par une carte des lieux des découvertes (p.258), et un encart sur l’auteur (p.261).

L’ouvrage vaut largement sa lecture, car malgré l’introduction qui me paraît assez minimaliste, la suite de l’ouvrage montre, page après page, combien les excavations ont livré, parfois de manière directe, parfois en donnant la voix à des témoins tiers, une vibrante confirmation des récits et allégations de la Bible.

Pour en savoir plus : Cline 2015 | Richelle 2011Graves 2014 et 2015 | Hoerth & McRay 2009 | Millard 1998 |  Kuen 2012 | Sur la monarchie israélite : Gertoux 2015  | Toujours utile, la S21 avec notes d’étude archéologiques et historiques.

7 Comments
  1. Rozet Baudouin permalink

    Merci pour cet article. Il est une évidence pour les croyants : pas besoin de témoignage archéologique. Néanmoins, notre foi se révèle encore plus forte lorsque l’archéologie peut attester de la vérité du récit biblique. Notre foi ne repose pas sur des preuves matérielles mais elle s’en trouve plus forte encore.

  2. Ouden permalink

    Le problème des sources archéologiques est délicat. Soit on affirme qu’il n’y en a aucunement besoin, la foi suffisant, mais dans ce cas il faut expliquer pourquoi on s’y intéresse quand même. Soit on reconnaît qu’elles sont utiles, mais il est extrêmement difficile de statuer sur leur apport, comme le reconnaissent eux-mêmes les chercheurs laïcs.
    Dire que la foi suffit est commode mais trop facile et peu solide théologiquement : en effet, certains textes de la Bible, notamment de l’AT, ont incontestablement eux-mêmes une valeur essentiellement « archéologique » en tant que chronique antique, sans grande valeur doctrinale / spirituelle / théologique (par exemple le livre d’Esther, certains passages des Lévitiques/Nombres/Deut, ou des livres des Rois ; mêmes certains écrits prophétiques mentionnant des royaumes disparus bien avant notre ère ont une signification et un intérêt peu évident pour le lecteur ou même le croyant du XXIe siècle).

    Une troisième solution ingénieuse et sans toute la plus sage serait de définir le Christianisme (un peu comme l’ont fait les pharisiens puis les juifs talmudiques post-chrétiens) comme une tradition essentiellement écrite, le texte se suffisant par lui-même. Mais dans ce cas, le groupe religieux défendant une telle position devrait accorder au Texte sacré, très logiquement, l’autorité suprême. Or, ce n’est le cas d’aucun mouvement ou confession chrétien/ne connue actuellement. En effet, si tel était le cas, un tel mouvement aurait pour mission première et fondamentale de fonder un institut de recherche biblique à vocation spirituelle et religieuse. Les dignitaires suprêmes d’une telle organisation seraient donc les savants les plus compétents et les plus fiables dans le domaine de la connaissance, de la traduction et de l’exégèse du Texte sacré. Ils y consacreraient d’ailleurs l’essentiel de leur existence, comme c’est logique pour un ordre religieux.

    Or une telle organisation n’a jamais existé, et les tentatives pour en constituer n’ont été que très relatives (dominicains, jésuites, facultés de théologie, y compris protestantes, comité de traduction de la NWT, dans le monde orthodoxe, certains monastères, etc.).

    On peut donc dire qu’aucune confession religieuse connue n’accorde au Texte Biblique l’autorité nécessaire pour soit rejeter comme important l’archéologie, soit, à l’inverse, pour interpréter les découvertes archéologiques (on ne peut interpréter qu’à partir d’une science de départ, science traditionnelle et donc sacrée).

    Lorsque l’on affirme « Notre foi ne repose pas sur des preuves matérielles mais elle s’en trouve plus forte encore. », la foi repose donc pas même sur la matérialité de la transmission des manuscrits bibliques depuis l’Antiquité ? Allons bon ! Vous pourriez réinventer intégralement le Christianisme sans aucun apport « matériel » ? Réfléchissez-y à deux fois. C’est là où la notion de TRADITION est fondamental. La tradition explique et justifie pourquoi une doctrine religieuse est transmise à la fois dans sa matérialité et dans sa spiritualité, par une filiation historique factuelle. Libre à chacun, ensuite, d’hériter de ce dépôt le mieux qu’il le pourra et d’en faire son salut.

    • areopage permalink

      C’est le texte sacré lui-même qui invite à adopter cette position paradoxale : croyez sans voir (Hb 11.1), mais pas trop quand même (1Th 5.21, Ac 17.11, 1Co 12.1, 14.29, 1Jn 4.1 etc). Si les morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons car demain nous mourrons (1Co 15.32). Dans les séminaires, les apprentis théologiens apprennent qu’un mensonge peut être une vérité. On appelle cela un théologoumène, un pieux mensonge. Il faut gober la fadaise, parce qu’elle est porteuse d’un enseignement théologique. L’irrespect avec lequel les archéologues, dont Villeneuve, approchent la Bible est insupportable. Quand elle déclare: « le pharaon de l’Exode est une figure symbolique de l’Egypte et non un être de chair et de sang qu’une momification aurait rendu éternel » (p.93), ma pensée est résolument binaire : soit Mme Villeneuve a raison et la Bible nous enfume. Soit la Bible a raison et c’est Mme Villeneuve qui nous enfume (sur ce point, cf. l’étude magistrale de Gertoux 2017).

      Un texte sacré qui interdit le mensonge doit donner l’exemple. De fait, je n’ai pas besoin de preuves archéologiques car j’en ai déjà beaucoup. Une de plus, une de moins… Certains témoignages sont délicats et les débats vont bon train (prise de Jéricho, monarchie unifiée, etc.). Et il y a toujours un problème herméneutique : le terrain ne parle pas, il faut le faire parler. Donc quand c’est délicat, c’est l’affaire des spécialistes. Je ne l’ajoute pas à mon petit cahier « preuves archéologiques à l’usage du fondamentaliste ». Quand ils auront fini de se taper dessus, je consulterai les résultats. Ces résultats ne doivent pas être en contradiction avec le propos biblique, pour autant que ma faible cervelle puisse en juger.

      Je ne suis donc pas de ceux qui disent « la foi suffit ». Je dis: « si le texte sacré est bien sacré (autrement dit, il ne contient pas de mensonges), alors la foi seule suffit. » Une preuve archéologique ? C’est bien. Un débat ? Wait and see. Pas de preuve ? Pas grave. La preuve d’un mensonge ? Problème !!! C’est fondamentaliste, matérialiste et rationnel : tout ce que les traditionalistes adorent.

  3. Ouden permalink

    Oulà, je ne te suis pas…
    « Je ne suis donc pas de ceux qui disent « la foi suffit ».
    Je dis: « (…) la foi seule suffit. » »

    « C’est [ce que tu professes manifestement] (…) matérialiste et rationnel  »
    autrement dit anti-religieux, laïcard, positiviste (donc aucun intérêt ni aucun fondement philosophique pour adopter une quelconque « croyance »).

    En outre, tu fais preuve d’une certaine schizophrénie lorsque tu laisses entendre que le texte biblique est nécessairement et rigoureusement, et même AVANT TOUT historique, tout en attendant des preuves qui démontrent que le texte sacré est bien sacré.

    Tu passes sous silence ma thèse qui est la nécessité, AVANT TOUTE CHOSE, d’une institution religieuse vouée AVANT TOUT à la transmission/traduction/exégèse du Texte sacré. Sans quoi on est tout là en train de faire une explication de texte à notre sauce, d’un livre lambda. Qu’est-ce qui fait que le Christianisme et la Bible ont une autorité spirituelle ? Qu’est-ce qui donne de l’autorité ? C’est l’épée de Damoclès de l’archéologue cherchant une preuve d’un mensonge de la Bible, afin de démolir la foi des pauvres croyants ignorants et démunis, tremblant devant les prévarications prométhéenne de l’archéologie athée (tout ce qu’il y a de plus matérialiste et rationaliste, et par conséquence logique, de plus « irrespectueux » envers la Bible) ?

    Tu passes sous silence la problème de la Tradition. Ce qui fait qu’un texte sacré est sacré n’est pas qu’il « ne ment pas » d’un point de vue historique (car comment le prouver ? ce sont des recherches sans fin et sans grand fruit dans les méandres de l’archéologie athée ; pas tellement spirituel et édifiant comme activité), mais qu’il est traditionnel.

    Sans cela, la Bible est un document historique, ou un roman (un mythe). Document historique : aucunement un texte inspirant la foi (les chroniques de rois païens ne sont pas des textes sacrés, même s’ils étaient d’une rigueur absolu sur le plan archéologique et historique).
    Roman/mythe : aucunement un texte sacré, mais un document tout juste bon pour rêver un peu ou faire de l’histoire des religions.

  4. Florent permalink

    Je crois que voila « Disciple » sous un autre pseudo…
    Son style est familier.

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