Dans un article à paraître dans la revue Vetus Testamentum et Hellas 4 (2017), « The god Iao and his connection with the Biblical God with special emphasis on the manuscript 4QpapLXXLevb », Pavlos D. Vasileiadis réexamine la thèse selon laquelle le manuscrit 4Q120, ou 4QpapLXXLevb, résulterait d’une tendance à ré-hébraïser le texte de la Septante.
The object of this article concerns the question whether the use of the Greek term Iao (Gr. Ιαω/̓Ιαώ) in place of the sacred Tetragrammaton within this manuscript is part of the primary, original translational activity (part of a more general Hellenizing process) or rather part of a secondary correctionnal Hebraizing tendency. p.2
J’ai déjà abordé ce sujet à diverses reprises sur ce blog (ex. Le nom divin dans les premières copies de la Septante, Ιαώ, θέος, κύριος ? Le Nom dans la LXX « originale », La Septante, κύριος et יהוה : L.Hurtado ou la ré-hébraisation du monde gréco-romain, Nomina sacra et Septante : qui et quand ?) et fournit des arguments de bon sens remettant en cause la thèse de Pietersma ou Rösel sur le sujet. Vasileiadis en fournit d’autres, en s’attachant particulièrement à décrire le contexte culturel et idéologique dans lequel les faits se sont déroulés.
(…) there was no clear understanding of the personality of the Biblical God neither any comprehensible connection with the Hebrew Tetragrammaton. p.6
Ce faisant, force est de constater que l’emploi du vocable Iao s’est fait largement, dans un contexte plutôt mystique (pratiques magiques et gnosticisme), si bien que durant la période premier siècle avant J.-C. et premier siècle après J.-C., si l’usage du théonyme est fréquent, il se rapporte surtout à des « anges ou divinités subalternes » (p.5). On est loin du Dieu de la Bible ! Cependant cet usage n’est pas seulement mystique, et Vasileiadis recense les divers témoignages chez les premiers chrétiens (pp.22-33), en intégrant à sa recherche les résultats obtenus par Shaw.
Avec le 4Q120 on touche à un sujet des plus intrigant : pour les savants, c’est un « excellent representative of the LXX » et un « typical exemplar of the LXX » (p.8). On est donc légitimement intrigué d’y voir le nom divin paraître sous une forme lisible, prononçable, grecque… Comment l’expliquer ? Le vocable était-il perçu comme un substitut ? un théonyme ? Était-ce une pratique courante ? marginale ? La question n’est pas anodine, puisque la période est précisément celle durant laquelle les auteurs du Nouveau Testament avaient le texte de la Septante entre les mains : que lisaient-ils ? Un texte avec κύριος, Seigneur ? Un texte avec le tétragramme en hébreu carré ? en paléo-hébreu ? Et que faisaient-ils lors de leurs citations ? Reprenaient-ils à leur compte la tradition de ne pas prononcer ce qui était écrit, au profit d’un substitut ?
The view of the « Hebraizing » restoration (or « re-Hebraization ») of the Hebrew Tetragrammaton within the Greek Bible text is based on the presupposition that the original text of the OG archetypes the surrogates κύριος and θέος (or δεσπότης) were used. But this is far from being proved. p.8
Texte biblique encore fluctuant, mentalités diverses : il serait aberrant de n’apporter qu’une explication monolithique aux pratiques encourant le nom divin : aussi Vasileiadis examine-t-il avec précaution les différentes perspectives. Passionnant !
Pour en savoir plus : Tov, « P. Vindob. G 39777 (Symmachus) and the Use of the Divine Names in Greek Scripture Texts » (qui cite cet article) | Le nom divin dans les premières copies de la Septante | Ιαώ, θέος, κύριος ? Le Nom dans la LXX « originale » | La Septante, κύριος et יהוה : L.Hurtado ou la ré-hébraisation du monde gréco-romain | Nomina sacra et Septante : qui et quand ?