18/10/2015

Bible Parser : Request Builder (bis)

Non sans un certain acharnement, Request Builder progresse. Il est désormais beaucoup plus facile à prendre en main, et un peu plus rapide. Les résultats sont colorisés, et il est possible d’enregistrer une requête pour s’en servir ultérieurement – ou encore consulter l’historique récent (une trentaine de requêtes). Ce qui va surtout faire la différence désormais, ce sont les outils avancés que sont Dérivés grecs, Synonymes grecs, Champs sémantiques grecs, Champs sémantiques hébreux.

  1. Présentation générale

Pour bien prendre en mains cet outil, il faut comprendre qu’il consulte une base de données Access, via une requête SQL. Concernant la connexion à la base, certains systèmes peuvent être récalcitrants au premier abord : si vous êtes dans ce cas, consultez la page dédiée Base de données qui vous dépannera. De fait, vous pouvez élaborer la requête SQL par l’intermédiaire de l’outil, ou vous-même, à condition de connaître la structure des tables. Il y a en fait deux bases. La première concerne les Versions, et les tables portent des noms assez explicites : LSG, VUL, BHS… La seconde est dédiée aux versions Morphologiques, et chaque module y est affublé d’un « M ». Ainsi : JOS devient JOM, APF devient APM, PHI devient PHM. NA27 fait exception : NTM. La table LSG contient le texte français de la Louis Segond, tandis que LGS contient cette même version avec les numéros Strong. Contrairement à ce que l’affichage pourrait parfois laisser supposer, les recherches pour le grec ou l’hébreu ne s’effectuent pas dans des versions avec numéros Strong, mais bel et bien dans des versions lemmatisées, beaucoup plus précises. Au terme de vos recherches, Request Builder colorise les résultats. Compte tenu cependant des bases que j’utilise, ce n’est pas une science parfaitement exacte pour le français. En tous cas, les mots recherchés sont mis en exergue. Dans le cas d’une version qui possèderait plus de formes d’un mot que le corpus NT/LXX qui sert de référence, le mot ne sera pas colorisé, mais apparaîtra bien sûr dans les résultats. Ce point sera réglé ultérieurement. Dans certains cas j’ai choisi de n’afficher que le texte original. Dans d’autres, le texte original accompagné d’une version française. Vous verrez à l’usage que ce choix est pratique en fonction des usages.

L’intérêt principal de ce type d’outil est d’effectuer une recherche en principe impossible autrement, ou plus fastidieuse. La requête en elle-même retourne les résultats très rapidement. Le problème, c’est qu’elle retourne une table fort disgracieuse. Il y a de fait trois phases lorsque vous lancez une recherche : 1) La requête et ses résultats, 2) Le traitement des résultats, et 3) La colorisation. La phase 2 est d’autant plus longue qu’il y a de résultats. Il n’est donc pas conseillé de lancer des requêtes interminables faites de « OR », car dans ce cas le nombre de résultats explose. De surcroît – mais ce n’est qu’un avis – une requête perd de son sens s’il faut ensuite examiner des centaines de résultats. Dans la mesure du possible, privilégiez donc les « AND », et faites un bon usage des parenthèses.

Prenons un exemple inspiré de la vidéo ci-dessus.

Vous avez d’abord cherché (dans le module NA27) le mot évangile ou bonne nouvelle en grec en filtrant sur les évangiles synoptiques, soit la syntaxe :

SELECT * FROM NTM WHERE Passage LIKE ‘%eu)agge/lion@n%’ AND Livre IN (‘Matthieu’,’Marc’,’Luc’)

Puis vous souhaitez étendre au corpus paulinien, et saisissez la syntaxe suivante :

SELECT * FROM NTM WHERE Passage LIKE ‘%eu)agge/lion@n%’ AND Livre IN (‘Matthieu’,’Marc’,’Luc’) OR Corpus = ‘Corpus paulinien’

Mais tout se fige et vous pensez que c’en est fini. Non, pas tout à fait et pour deux raisons : 1) Votre syntaxe est erronée, 2) Bible Parser va quand même trouver des choses, mais pas ce que vous cherchez. Seulement, il va mettre un certain temps…

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Il vous retourne 2043 résultats, en 51 secondes. C’est à la fois trop long, et trop de résultats. L’erreur vient du fait que vous avez demandé : Afficher toutes les instances de ευἀγγέλιον dans les évangiles synoptiques OU tout verset présent dans le corpus paulinien.

La bonne syntaxe est la suivante :

SELECT * FROM NTM WHERE Passage LIKE ‘%eu)agge/lion@n%’ AND (Livre IN (‘Matthieu’,’Marc’,’Luc’) OR Corpus = ‘Corpus paulinien’)

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L’usage des parenthèses fait toute la différence : vous vous retrouvez avec 69 résultats seulement, et ce de manière quasi instantanée. Vous avez en effet demandé : Afficher tous les instances de ευἀγγέλιον DANS UN CORPUS QUI SOIT (Matthieu/Marc/Luc OU le corpus paulinien).

Ainsi je vous recommande les premiers temps de bien réfléchir à vos requêtes pour vous familiariser avec ce type de logique, et éviter de perdre du temps. Par ailleurs, Request Builder vous propose souvent de Tout sélectionner. Mais, dans le cas des champs sémantiques par exemple, les nomenclatures du Louw et Nida, aussi intéressantes soient-elles, ne sont pas parole d’évangile. Il n’est pas forcément utile de chercher tous les lemmes. Certains peuvent être discutables, d’autres manquants. Si vous cherchez systématiquement tous les lemmes, non seulement les résultats seront extrêmement nombreux, et donc difficiles à dépouiller, mais le risque est de vous éloigner de votre recherche, de digresser… Je conseille donc de sélectionner au cas par cas les mots de votre recherche. Vous ne serez que plus satisfait des résultats.

2. Une nouvelle manière de chercher

Comme l’illustre la vidéo, la finalité de Request Builder est de vous faire découvrir un nouveau mode de concordance. Rechercher uniquement les formes d’un mot peut induire en erreur. Le mot évangile absent de l’évangile de Luc ? Et alors, quelle conclusion ? En fait rien, c’est un non sujet… Il faut pousser un peu plus loin les recherches, et s’intéresser aux dérivés du mot évangile (par exemple évangéliser, évangélisateur), à ses synonymes (proclamer, publier, annoncer, témoigner)  et enfin à son champs sémantique (qui propose bien d’autres lemmes plus ou moins apparentés). Ce n’est qu’à cette condition que vous aurez une vision d’ensemble d’un concept dans le Nouveau Testament. Car au-delà des mots, une recherche biblique digne de ce nom s’intéresse surtout aux notions (sur ce point cf. Romerowski 2011 : 295-390, ie. les chapitres 12 et 13 spécialement).

Ce sont ces considérations qui m’ont préoccupé durant le développement de ce nouvel outil. A titre d’exemple, prenons un mot qui m’est cher tant je l’ai étudié, μορφή.

a. Dérivés

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L’outil ne retournant pas trop de lemmes, on peut lancer une recherche globale. Celle-ci vous retourne 13 résultats où les formes dérivés vous en apprennent davantage sur votre mot de départ, et, agréable surprise, le texte français de la Louis Segond accompagne les résultats pour les moins hellénophones d’entre vous… Je profite de l’occasion pour signaler qu’il peut arriver qu’un trop grand nombre de lemmes dans la requête retourne le désespérant message « Requête trop complexe ». Je pensais au départ que c’était lié au nombre de caractères de la recherche, mais ce n’est pas évident dans tous les cas. Si d’aventure cela vous arrive, je n’ai pas de parade : ce sera l’occasion pour vous de faire une recherche plus précise ; ou alors, en plusieurs morceaux !

b. Synonymes

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Avec les synonymes on bascule sur un terrain moins scientifique, et donc plus discutable. Vous garderez donc présent à l’esprit que la base proposée ici tente de capturer un éventail représentatif de termes apparentés par le sens. Mais synonymie ne signifie pas interchangeabilité totale. Là-encore, le nombre de lemmes étant limités, on peut s’aventurer à lancer une recherche globale. Vous remarquerez ainsi qu’un verset comme Philippiens 2.7 concentre trois termes de sens proche, qui indiquent au moins deux points : 1) on peut déduire le sens de μορφή de son contexte et des associations, particulièrement quand il y a parallélismes synonymiques de membres, et 2) la variété lexicale dans un passage de type parénétique, voire hymnique, ne permet pas de déductions exégétiques fermes.

c. Champs sémantique

C’est encore plus discutable que les synonymes, mais non moins intéressant. Le premier mérite de cet outil, entièrement calé sur les domaines sémantiques du fameux lexique de Louw et Nida, c’est de progresser dans sa réflexion sur la notion, et l’étendre si nécessaire au contact de mots inattendus mais envisageables. Notez que lorsque vous saisissez un mot, Request Builder retourne le premier domaine sémantique d’un mot, avec les lemmes associés. Mais ce mot peut figurer dans plusieurs domaines. Les autres domaines sont donc listés, mais sans leurs lemmes. Si vous souhaitez poursuivre, il vous faudra effectuer votre recherche domaine par domaine (cf. infra).

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Dans notre cas précis, on ne peut que remarquer les rapprochements tendancieux avec ὑπόστασις, φύσις ou φυσικός / φυσικῶς. Mais quoi qu’on en pense, une étude sérieuse ne fera pas l’économie de l’exégèse traditionnelle qui consiste à dire que la forme de Dieu, c’est pratiquement sa nature. Exégèse qui a vieilli et que des considérations linguistiques et syntaxiques permettent de questionner sérieusement (cf. Fontaine 2010, Fabbricatore 2010). En l’occurrence, l’analyse componentielle est indispensable.

Si nous lançons néanmoins la recherche sur l’ensemble des lemmes, nous nous retrouvons avec 156 résultats, en bonne partie parasités par le lemme σάρξ…

3. Les principales nouveautés de la v. 715

Ces trois fonctionnalités ne paient pas de mine, mais elles sont puissantes. Elles ne vous dispenseront cependant pas de réflexion, et sont à utiliser avec mesure. Ce qui est surtout à noter dans la version 715, ce sont les champs sémantiques pour l’hébreu. Pour le grec, et vous pouvez le voir facilement sur le site de Timothée Minard, les principaux logiciels du marché le permettent depuis belle lurette, et de manière particulièrement efficace. En revanche je n’ai pas connaissance d’un logiciel permettant des recherches par domaine sémantique hébreu. BibleCrawler (qui a bien des qualités au demeurant) permet un embryon de recherche sémantique fondée sur le seul outil existant actuel (incomplet) le Semantic Dictionary of Biblical Hebrew (SDBH) : pour autant que j’ai pu en juger cependant, la recherche « sémantique » ne retourne que des résultats de type concordance simple, avec un lemme uniquement. De son côté, Logos 6 propose un puissant outil nommé Lexique biblique de sens, où d’ailleurs les domaines sémantiques équivalent du Louw et Nida sont signalés, mais il ne pousse pas le concept plus loin en taguant les mots hébreux sur ce modèle.

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A décharge, il n’est pas souhaitable d’exporter le Louw et Nida dans le monde hébraïque… Il n’a pas été conçu pour. De son côté, Paratext 7 intègre le SDBH directement depuis le menu contextuel. Mais il ne sert vraiment qu’à l’analyse d’un mot, et se révèle peut pratique en terme de recherche combinée.

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A défaut de mieux, j’ai donc créé un outil qui permet de caler artificiellement les mots hébreux sur la nomenclature du Louw et Nida. C’est loin d’être parfait, puisque bien évidemment certaines catégories sont vides (les realia d’une époque ne sont pas forcément ceux d’une autre), du moins cela donne l’illusion d’un classification cohérente.

Ainsi le mot et la notion d’amour.

Comme toujours dans Request Builder, chaque recherche doit être suivie d’un espace. Cela lance la recherche du lemme ou du domaine. Si vous souhaitez rechercher en hébreu, saisissez simplement le mot, dans le sens du français, par exemple aimer, ahab, saisissez les lettres a (aleph), puis h (hé) puis b (beth) :

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Vous obtenez 30 résultats (c’est le sens du chiffre en indice sur le Tout sélectionner), et trois domaines sémantiques : 25, 34 et 88. Il vous est possible si vous le souhaitez de parcourir ces domaines :

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Pour cela, saisissez soit un astérisque suivi d’un espace – dans ce cas vous aurez tous les domaines – soit un astérisque suivi immédiatement de votre mot (partie du domaine), suivi d’un espace, et dans ce cas vous n’aurez que les domaines contenant tout ou partie du mot saisi.

Certains résultats peuvent surprendre : si cela peut vous rassurer, sachez que l’indexation des mots sur les domaines s’est faite rigoureusement ; cela dit, la définition de base qui vous est donnée au survol du mot n’est qu’une glose parmi d’autres. Pour en savoir plus, il faudra étudier chaque mot dans ses contextes. Quoi qu’il en soit l’objet de l’outil est surtout d’attirer votre attention sur des mots apparentés auxquels vous n’auriez peut-être pas pensé.

Vous l’aurez peut-être remarqué, Bible Parser 2015 propose désormais sa playlist sur Youtube, si bien que toutes les vidéos y sont centralisées (les miennes ainsi que celles issues du comparatif de Timothée Minard). Celle de Bible Parser 2013 est tout aussi fournie et présente même une plus grande variété de fonctionnalités : ce qui était vrai pour l’ancienne version l’est souvent pour la nouvelle – en mieux (ainsi du Dictionnaire des Expressions Bibliques, des Visuels, des Poids et Mesures, etc.).

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