18/09/2015

Genèse 1.26 : Faisons l’homme…

וַיֹּאמֶר אֱלֹהִים נַעֲשֶׂה אָדָם בְּצַלְמֵנוּ כִּדְמוּתֵנוּ וְיִרְדּוּ בִדְגַת הַיָּם וּבְעֹוף הַשָּׁמַיִם וּבַבְּהֵמָה וּבְכָל־הָאָרֶץ וּבְכָל־הָרֶמֶשׂ הָרֹמֵשׂ עַל־הָאָרֶץ׃

Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance, et qu’ils dominent sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre. (BJ)

Assurément, Genèse 1.26 est de ces versets qui ont suscité interprétations divergentes et polémiques virulentes, spécialement après l’émergence du christianisme. Soulignons d’emblée qu’il s’agit d’un passage si abondamment cité et commenté qu’il n’est réellement pas question d’en faire le tour.

1. Pourquoi un pluriel ?

Vous avez sans doute remarqué que j’ai volontairement fait usage d’un « nous singulier » dans la phrase qui précède : Soulignons d’emblée… Pourtant je suis seul à m’exprimer. Cette convention littéraire est d’usage dans certains milieux académiques, et peut être motivée chez le tout-venant aux fins d’éviter un style pompeux, voire autocentré (encore que ce soit subjectif). C’est ce qu’on appelle en français la syllepse (cf. Grevisse/Goose 1993, §429 a.1, p.659) :

Quand les pronoms personnels nous et vous sont employés pour un seul être (§631), l’adjectif, attribut ou épithète, le participe passé qui s’accordent normalement avec ces pronoms, se mettent au singulier (et au genre correspondant au sexe de la personne)

En hébreu biblique, on le sait, un fait remarquable est que le terme Dieu est au pluriel, אֱלֹהִים mais conjugué au singulier (ex. Genèse 1.1, verbe au singulier : בָּרָא ; Psaume 7:10 : אֱלֹהִים צַדִּֽיק, adjectif au singulier, etc ; cf. IBHS 7.4). Certes on connaît une forme au singulier, אֱלֹהַ, Eloah (ex. Deutéronome 32.17), mais les spécialistes l’estiment de formation secondaire (IBHS 7.4, p.119). C’est ce qu’on appelle le pluriel d’excellence ou de majesté (cf. Joüon §136d, Gesenius §124g), comparable d’ailleurs au pluriel d’intensité (ainsi בְהֵמוֹת, Behémoth, est aussi un terme pluriel accordé au singulier ; cf. Job 40.15-17 ; cf. Joüon §136f, IBHS 7.4.3 a).

Mais si Dieu est un individu unique, pourquoi dit-il « Faisons l’homme à notre image… » ? La question est d’autant plus délicate que le judaïsme biblique est un monothéisme exigeant (certains diraient une monolâtrie, cf. Faivre 1996 sur lequel je reviendrai prochainement) :

Dt 6.4 : Écoute, ô Israël ! Jéhovah notre Dieu est un seul Jéhovah. (TMN)

Dt 32.39a : Voyez maintenant que moi, moi, je suis lui et il n’y a pas de dieux avec moi (TMN)

Is 45.22 :  Tournez-vous vers moi et vous serez sauvés, tous les confins de la terre, car je suis Dieu, il n’y en a pas d’autre. (BJ)

Il y a globalement deux interprétations qui ont été proposées, ainsi que l’explique une note de la NBS :

Faisons: sur le pluriel, cf. v. 1n; 3.22n; il faut probablement l’entendre ici comme une simple tournure de délibération, cf. 2S 24.14; Es 6.8; quelques-uns y voient cependant une réminiscence de la représentation de Dieu entouré d’un «conseil» ou d’une «cour», à l’image des souverains (1R 22.19; Jb 1.6s; 2.1s).

Les textes méritent d’être consultés. En 2 Samuel 24.14, l’emploi d’un cohortatif (comme נַעֲשֶׂה) par David ne dénote pas nécessairement une pluralité d’individus : נִפְּלָה נָּא בְיַד יְהוָה, Ah ! Tombons entre les mains de Jéhovah ! C’est du moins le point de vue de certains spécialistes, qu’on peut accepter en signalant toutefois qu’il est discutable (cf. NET ad. loc.). Un autre passage allégué est Isaïe 6.8, et il est semble-t-il plus explicite. Jéhovah demande : אֶת מִי אֶשְׁלַח וּמִי יֵֽלֶךְ לָנוּ, Qui enverrai-je, et qui ira pour nous ? Ce « pour nous » n’indique pas que plus d’un individu seraient visés : en fait, on peut y voire une tournure délibérative. On trouve ce même genre de tournures en Genèse 11.4, הָבָה, Allons !, Genèse 11.7, הָבָה נֵֽרְדָה Allons, descendons (en parlant de Dieu seul, cf. 11.8) ! C’est assez courant. Pour plus de détails, cf. Joüon §114, spécialement §114 e.

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L’autre manière d’appréhender le verset est d’imaginer une cour céleste, à laquelle Dieu s’adresserait. Ainsi 1 Rois 22.19 : רָאִיתִי אֶת יְהוָה יֹשֵׁב עַל כִּסְאוֹ וְכָל צְבָא הַשָּׁמַיִם עֹמֵד עָלָיו מִימִינוֹ וּמִשְּׂמֹאלֽוֹ, j’ai vu Jéhovah assis sur son trône et toute l’armée des cieux se tenant à sa droite et à sa gauche, ou encore Job 1.6 : וַיָּבֹאוּ בְּנֵי הָאֱלֹהִים לְהִתְיַצֵּב עַל יְהוָה, les fils de Dieu vinrent se présenter devant Jéhovah. Cette hypothèse ne dépareille pas le contexte (Genèse 3.22, 11.7), mais se heurte à une objection assez sérieuse : cela impliquerait une participation des anges à l’acte créateur, or cette doctrine est parfaitement étrangère au judaïsme (Skinner 1910 : 31, Godet 1981 : 81).

2. Interprétations juives

Pour l’essentiel, les commentateurs juifs ont estimé que Dieu s’adressait à une cour céleste, aux anges (cf. Wenham 2002 : 27, WBC ; ainsi Rashi). Ce serait le pendant monothéiste et dépaganisé des panthéons païens (JPS Torah Commentary, Sarna 1989 : 12). Ainsi Philon explique-t-il dans son De confusione linguarum § 168-171 :

Il vaut la peine d’examiner sans négligence le sens de ces mots qui sont prononcés de la part de Dieu : « Allons, descendons, et là, confondons leur langage (Gen. 11, 7). En effet, il apparaît clairement que Dieu s’adresse à des interlocuteurs, comme s’ils étaient ses collaborateurs. D’ailleurs, on retrouve le même dialogue un peu plus haut, à propose de la constitution de l’homme : [169] « Le Seigneur Dieu dit : faisons un homme à notre image, et selon notre ressemblance » (Gen. 1, 26). « Faisons » indique nettement un pluriel. Un autre fois, nous lisons : « Dieu dit : Voilà qu’Adam est devenu comme l’un de nous pour connaître le bien et le mal » (Gen. 3, 22). Ici encore, « comme l’un de nous » ne concerne pas une seule, mais plusieurs personnes. [170] Cela dit, il convient d’affirmer tout d’abord qu’aucun être ne se trouve placé au même rang que Dieu (…).  [171] Maintenant que nous sommes bien d’accord sur ce premier point, il conviendrait de rattacher à cette trame tout ce qui s’y rapporte. Voyons donc de quoi il s’agit : Dieu, qui est unique, a autour de Lui d’innombrables Puissances, qui toutes assistent et protègent ce qui est créé (…). – Traduction Kahn 1963 : 137-139.

Philon admet que la tournure suggère plusieurs créateurs, mais tempère derechef l’idée en expliquant que Dieu possède, à ses côtés, des Puissances qui l’assistent. L’identité de ces « Puissances » dépasse largement notre propos (cf. Kahn 1963 : 184-186, Segal 1977 : 159-181). Quoi qu’il en soit, il est clair que pour Philon, « Faisons l’homme » s’entend essentiellement de Dieu s’adressant à son entourage (même idée dans De fuga et inventione §68).

On a vu comment Philon admet le pluriel, mais le contourne. Pour autant, cela ne l’empêchait pas d’évoquer l’existence d’un δεύτερος θεός, d’un second dieu (Quaestiones et solutiones in Genesim 2.62), ou même d’un Logos divin (De somniis 1.229, Legum Allegoricae 3.207). Mais grâce à une exégèse aussi subtile qu’absconse, il se sortait d’affaire en déclarant le premier Dieu, vrai Dieu, et le second, seulement divin (et affublé des épithètes les plus variées, cf. Arduini et Pizzorni 2013 : 137).

Hormis Philon, Josèphe évoque Genèse 1.26 dans AJ 1.32 mais sous la forme d’une paraphrase qui n’est pas suffisamment précise pour tirer au clair sont interprétation de Genèse 1.26. Dans les traditions rabbiniques, on découvre un certain embarras à l’endroit de ce pluriel, comme le souligne Marguerite Harl (BA 1 : 95) :

des traditions rabbiniques disent que, lors de la traduction, les Septante avaient initialement substitué un singulier au pluriel pour éviter que le roi Ptolémée ne voie là un signe de polythéisme chez les Juifs (D. Barthélémy, Études d’histoire…, p. 189-191 ; E. Tov, JSJ, 1984, p.65-89).

Sur ces traditions, reportez-vous à l’excellent article d’Emmanuel Tov : The Rabbinic Tradition Concerning the « Alterations » Inserted Into the Greek translation of the Torah and their Relation to the Original Text of the Septuagint (voir aussi Bonsirven 1955 : 266, §1055).

Je soulignerai simplement ici que ces traditions concernent précisément les passages (entre autres) où Dieu s’exprime à la première personne du pluriel. Ainsi spécialement dans le Tamud lit-on (y. Meg 1.9 / b. Meg. 1.10), à propos des traducteurs de la Septante qui chacun de leur côté tombent d’accord sur une liste de rectifications à opérer :

אעשה אדם בצלם ובדמות

Je vais faire l’homme à l’image et à la ressemblance.

Le verbe faire est mis à la première personne du singulier et les suffixes sont supprimés. Le segment בצלם ובדמות devient par là-même quasiment inintelligible. Une autre altération mentionnée un peu plus loin était la suivante :

הבה ארדה ואבלה שם שפתם

Allons, je vais descendre et je vais confondre leur langage.

De nouveau, les deux verbes descendre et confondre sont mis à la première personne du singulier.

Clairement, et bien que ces altérations ne soient pas passées dans le texte, contrairement aux tiqune sopherim par exemple, l’idée que Dieu puisse évoquer plus d’un individu dans son entourage posait problème. On craignait que ce fût pris du polythéisme, tout comme en d’autres endroits on craignait que certaines tournures fussent considérées comme des anthropomorphismes.

Il serait extrêmement fastidieux ici, et sans doute au-delà de mes compétences, de brosser un tableau fidèle des interprétations et spéculations juives sur de l’identité de Dieu et de ses agents, qui serait de nature à élucider les interlocuteurs supposés de ce « Faisons l’homme ».

Ce qu’il importe de bien comprendre au fond, c’est que l’interprétation chrétienne fausse souvent la donne. On imagine plus ou moins la Memra (Parole), la Hokmah (Sagesse), la Shekinah (Présence ou Demeure), ou la Yeqara (Gloire), comme des hypostases de Dieu, voire des manifestations ou émanations sensibles. D’autres figures peuvent être mentionnées, comme l’Ange de la Face (Isaïe 63.9), Yahoel, ou Métatron (cf. Exode 23.20-21, 24.1, 33.14). Pour les chrétiens, rien de plus facile que d’y trouver le Christ (cf. Howell 2015). Mais bien évidemment les choses sont loin d’être aussi simples, car la gnose chrétienne s’est emparé du sujet (voir par exemple dans la Bibliothèque de Nag Hammadi, NHC II 5, 112:33–35, NHC II 5, 114:29–36).

Qu’il nous suffise de mentionner un exemple suffisamment explicite pour dégager une tendance. En fait, tout conception voyant un autre individu opérant en coulisses en Genèse 1.26 était fondamentalement hérétique aux yeux des autorités religieuses juives.

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On le constate dans le cas du dialogue entre rabbi Simlai et les Minim (y. Ber 12d, 13a ; voir aussi b. Sanh. 4:5, V.9.B). Pour rappel, l’identité des minim est débattue. Certains y voient des Gentils, d’autres des gnostiques, d’autres des Juifs hérétiques, d’autres encore des chrétiens (d’origine juive ou gentile). Dans son ouvrage qui a fait date, Christianity in Talmud and Midrash (Williams & Norgate, 1903), T. Herford examine de manière assez exhaustive l’ensemble des témoignages permettant de tirer l’identité des minim au clair (en donnant utilement, en appendice, les textes originaux de tous les textes traduits). Si la tentation paraît grande de consulter directement des ouvrages plus récents (ceux de Mimouni ou Jaffé par exemple), je recommande toutefois cette monographie comme le point de départ fondamental sur le sujet. Or il ressort de manière on ne peut plus claire que les minim visés ici sont des chrétiens. On s’affronte sur différents textes, dont Genèse 1.26, où il s’agit de savoir pourquoi il y a un pluriel. Dans chacun des cas, le rabbi attire l’attention sur le contexte immédiat, qui interdit toute spéculation ultérieure.

Comme l’explique Herford un peu plus loin (pp.261 sq.), ce passage est d’ailleurs étroitement corrélé à la fameuse doctrine des « Deux Puissances » qu’on trouve dénoncée dans les écrits rabbiniques comme hérétique. D’aspect gnostique (pp.262-263), cette doctrine est en fait chrétienne (pp.264-265 ; Dieu et un agent participant à la création).

Dans ce passage comme dans d’autres, il était donc question de combattre la doctrine chrétienne selon laquelle un intermédiaire se serait joint à Dieu dans l’acte créateur. D’où l’on peut déduire que bien que les spéculations aient été nombreuses, surtout durant la période intertestamentaire, pour l’essentiel le judaïsme n’a pas perçu les passages ambigus à l’instar de Genèse 1.26 comme une atteinte à l’unicité de Dieu. Il n’était guère question d’un associé.

3. Interprétations chrétiennes

Après la venue du Christ, ses disciples se mettent à interpréter les passages de l’Ancien Testament à la lumière de leur foi. Il est moins question d’une cour céleste que d’un interlocuteur privilégié, le Fils de Dieu. A côté des allusions simples (Éphésiens 4.24, Colossiens 3.10, Jacques 3.9, 1 Corinthiens 11.7), certains passages indiquent clairement que Jésus a participé à l’acte créateur :

  • Jean 1.3 : Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut.
  • Jean 1.10 : Il était dans le monde, et le monde fut par lui, et le monde ne l’a pas reconnu.
  • Colossiens 1.16 : Car en lui ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, trônes, dignités, dominations, autorités. Tout a été créé par lui et pour lui.
  • Hébreux 1.2, 10 : dans ces derniers temps, nous a parlé par le Fils, qu ’il a établi héritier de toutes choses, par lequel il a aussi créé le monde, (…) Et encore: Toi, Seigneur, tu as au commencement fondé la terre, Et les cieux sont l’ouvrage de tes mains;

Chez les Pères apostoliques, le texte est peu cité. On le trouvé chez Clément de Rome (1 Clément 33.5), sans mention du Christ. En revanche, l’Epître de Barnabé est on ne peut plus explicite (Barn 5.5) :

 Autre chose, frères :Le Seigneur a enduré de souffrir pour nos âmes, lui le Seigneur du monde entier à qui Dieu avait dit dès l’origine du monde:’ Faisons l’homme à notre image et ressemblance ’ (Gn 1, 26) Eh bien, comment a-t-il enduré de souffrir de la main des hommes ? Apprenez-le :

Même indication en Barn 6.12 :

Car c’est de nous que parle l’Écriture lorsque Dieu parle ainsi au Fils (ὡς λέγει τῳ υἱῳ) :’ Faisons l’homme à notre image et ressemblance, et qu’il domine sur les oiseaux du ciel et le poissons de la mer ’ (Gn 1, 26) Et le Seigneur, voyant l’œuvre merveilleuse que nous étions, dit encore :’ Croissez, multipliez, remplissez la terre ! (Gn 1, 28)  Ces paroles sont donc à l’adresse du Fils (Ταῦτα πρὸς τὸν υἱόν)

Dès lors, une brèche est ouverte, et de nombreux auteurs subséquents y verront une preuve de la pré-existence du Christ, et donc de sa Divinité, ce qui alimentera les nombreux débats trinitaires. Citons quelques exemples, mais la tâche est ardue tant le choix est grand :

  • Eusèbe, Histoire ecclésiastique 1.2.5 : Christ y est présenté comme le Verbe divin, premier-né, créateur des êtres inférieurs. Il est celui avec lequel Dieu converse en Genèse 1.26.
  • Hilaire, De Trinitate 5.6 : Il y a bien un interlocuteur, et on ne saurait dire que l’un serait le vrai Dieu, et l’autre un faux Dieu. D’où il s’ensuivrait que l’interlocuteur en question (Jésus bien sûr), est lui-même Dieu.
  • Novatien, De Trinitate 17 : Se fondant entre autres sur Jean 1.3, il allègue que c’est bien le Fils de Dieu qui est en vue dans notre texte.
  • Ambroise, De Spiritu Sancto 2, Prol. 2 : En s’adressant au Fils ainsi, le Père confesserai une stricte égalité entre Lui-même et son Fils, une même Majesté.
  • Basile, Hexaemeron 9.6 : Dieu n’est pas seul, mais parle à son « Co-opérateur ».
  • Justin, Dialogue avec Tryphon 62 :  non Dieu ne se parlait pas à lui-même, ou aux éléments.  Le Fils était avec lui.
  • Théophile d’Antioche, A Autolycus 2.18 : Dieu n’a parlé à personne d’autre qu’à son Verbe et à sa Sagesse.
  • Irénée, Adversus Haereses 4.20.1 : Dieu n’avait pas besoin des anges. Il a toujours eu avec lui le Verbe, la Sagesse, le Fils et l’Esprit.

Ces quelques exemples illustrent la manière dont le texte a été, très souvent, allégué (Bible Parser référence 124 citations exactes de Genèse 1.26, et 69 de Genèse 1.27 chez les Pères ; Biblindex indique le chiffre faramineux de 1952 occurrences pour Genèse 1.26-27). Parmi les commentaires que j’ai consultés, un leitmotiv émerge, pratiquement sous la forme d’un syllogisme : Dieu évidemment s’adressait à quelqu’un. Or comme la Création est la plus excellente de ses œuvres, il est difficilement concevable qu’il ait pu s’adresser à une personne non moins excellente que Lui-Même. Ce ne peut donc être que Christ, son Habile architecte, qui seul peut lui être comparé.

Pour ma part les deux interprétations mentionnées me satisfont pleinement, cour céleste ou délibération à par-soi. A la lumière de Genèse 11.7, je suis assez tenté de considérer que Dieu se parlait à lui-même. Faisons, mais v.27 Dieu créa. Descendons, mais v.8 Jéhovah les dispersa. Car faisons suggère deux opérateurs… Or l’interprétation chrétienne, prise littéralement (Jean 1.3, 10, Colossiens 1.16, Hébreux 1.2,10) indique que c’est par Christ seul que tout a été créé. Difficilement conciliable. En Genèse 1.26, c’est donc Dieu qui crée, après avoir délibéré pour lui-même, ce qui n’exclut pas d’ailleurs que des armées célestes aient pu assister à la scène. Le christianisme viendra ajouter à la scène : oui Dieu a créé le monde. Par le moyen de son Logos.

Éléments bibliographiques

Monographies importantes : Segal 1977 : Two Powers in Heaven: Early Rabbinic Reports About Christianity and Gnosticism, Barker 1992 : The Great Angel: A Study of Israel’s Second God ; Howell 2015 : Finding Christ in the Old Testament through the aramaic Memra, Shekinah, and Yeqara (Ph.D thesis)

Articles : Moore 1992 : « Intermediaries in Jewish Theology: Memra, Shekinah, Metatron » (HTR 15 : 41-85)Altmann 1968, « Homo Imago Dei » in Jewish and Christian TheologyAbrams 1994, « The Boundaries of Divine Ontology: The Inclusion and Exclusion of Meṭaṭron in the Godhead »Middleton 1938, « Logos and Shekinah in the Fourth Gospel »Boyarin 2001, « The Gospel of the Memra: Jewish Binitarianism and the Prologue to John » ; Box 1932, « The Idea of Intermediation in Jewish Theology. A Note on Memra and Shekinah »Stroumsa 1983, « Form(s) of God: Some Notes on Metatron and Christ: For Shlomo Pines »