14/01/2014

De l’antiquité de l’euphémisme אֲדֹנָי pour יְהֹוָה

When the Tetragrammaton began to be read as Adonai is the subject of significant debate. While κύριος in the Old Greek may be important evidence for this euphemism, many continue to doubt whether κύριος is original to the Old Greek. In this article, the unique value of the double title אדני יהוה is established in tracing the euphemism in question, and the replacement of  אדני יהוה  of 2 Samuel with יהוה אלהים in Chronicles is presented as early evidence of the euphemism. Thus the reading Adonai for the Tetragrammaton appears to have begun considerably earlier than is commonly thought.

Tel est le point que soulève K. P. Hong dans un récent article du JSOT (37.4, 2013 : 473-484), The Euphemism for the Ineffable Name of God and Its Early Evidence in Chronicles. J’en résume ci-après les faits saillants.

Le fait que κύριος soit le substitut original pour le nom divin dans la Septante, ou non, comme semblent l’indiquer les manuscrits conservés à ce jour ainsi que les témoignages anciens (Origène, Jérôme), fait débat – et j’ai déjà eu l’occasion de donner mon sentiment sur ce point. Ce qui est moins contesté en revanche, c’est la relative ancienneté de l’habitude de prononcer Adonay au lieu de Yehowah.

Dans le Talmud (b. Kid. 71a ; b. Pes. 50a ; VIe s.) on a une mention explicite invitant à ne pas prononcer les quatre lettres du tétragramme (yod, hé, waw, hé) comme elles sont écrites, mais alef, daleth (comme dans אדני). On sait également par la Mishnah (Tamid 7.2, Sotah 7.6, Yoma 6.2 ; IIe s.) qu’au temps de Simon le Juste, les prêtres ne bénissaient plus le peuple en faisant mention du Nom, et que le grand-prêtre ne l’employait plus qu’une fois par an, le Jour des Propitiations.

Dans les commentaires bibliques trouvés à Qumran, le Nom paraît souvent en paléo-hébreu, mais c’est un substitut qui lui est préféré dans le corps du commentaire (ex.pour le Pesher Habaqouq 1QpHab, Ier s. : אל ). Parfois, une coquille permet de soupçonner ce qui se passait : dans le fameux 1QIsa (Ier s.), on trouve deux instances (6.1, 7.20) où le scribes a commencé par un yod, comme pour écrire le nom divin יהוה, avant de se reprendre et d’écrire אדני – ce qui s’explique bien, évidemment, si le Nom était lu « Seigneur ».

Mais l’essentiel des témoignages soutiennent quand même un nom divin écrit tel quel, et non substitué, dans les manuscrits de la LXX – ce qui n’empêche pas Hong de faire cette remarque significative, à l’appui de Pietersma ou Rösel :

At the same time, the lack of evidence from earlier witnesses does not categorically disprove the possibility of an original κύριος, because all the extant witnesses are anyhow much later than the supposed date of the Old Greek. (p.478)

Assez amusant quand on y pense : on pourrait dire la même chose du nom divin dans le Nouveau Testament… Ce même auteur suggère aussi, pourquoi pas, l’existence de plusieurs pratiques à l’égard du Nom dans la Septante.

Mais ce qui fait le cœur de son étude, c’est le cas du segment אדני יהוה qui aurait dû donner à l’oral le gênant « Seigneur Seigneur » s’il avait été lu tel quel, en respectant la pratique de substituer le Nom par « Seigneur ». On sait par le texte massorétique (phénomène du qere perpetuum) que c’était lu אֲדֹנָי יְהוִה, Seigneur Dieu (soit אדני אלהים) – mais peut-on extrapoler ce témoignage tardif à une pratique plus ancienne ?

Dans le livre d’Ézéchiel notamment, on trouve κύριος, κύριος κύριος, et κύριος ὁ θεός – et il est facile de constater que κύριος κύριος est mis pour אדני יהוה, tandis que κύριος ὁ θεός  pourrait renvoyer au même segment, mais lu via le qere perpetuum, אדני אלהים.

Avec les passages parallèles entre Samuel-Rois et Chroniques, il est possible d’aller plus loin. Je ne citerai que deux exemples représentatifs :

2  Samuel 7.18 אדני יהוה. Parallèle, 1 Chroniques 17.16 : יהוה אלהים.

2  Samuel 7.19  אדני יהוה (x2). Parallèle, 1 Chroniques 17.16 : אלהים et יהוה אלהים.

On constate que אדני יהוה n’est pas retenu dans les Chroniques, ce qui pourrait indiquer une influence du qere « Seigneur Dieu » – et par là-même établir son antiquité.