19/10/2013

Philon et la Septante

Philon d’Alexandrie (-20 – 45)

Pour Philon d’Alexandrie, la traduction grecque de l’Ancien Testament, la Septante, est clairement une oeuvre inspirée de Dieu. Je relis en ce moment son De Vita Mosis (R. Arnaldez, Cl. Mondésert, Jean Pouilloux et P. Savinel, Les Œuvres de Philon d’Alexandrie, vol. 22, Cerf, 1967) : dans la rubrique « Traduction grecque de la Loi » (Mos. II, 25-40 ; pp.203-209), il se fait l’écho de la Lettre d’Aristée et ne cache pas son admiration pour cette version. Pour évoquer le travail des traducteurs, il indique :

καθάπερ ἐνθουσιῶντες προεφήτευον οὐκ ἄλλα ἄλλοι, τὰ δʹ αὐτὰ πάντες ὀνόματα καὶ ρήματα, ὥσπερ ὑποβολέως ἑκάστοις ἀοράτως ἐνηχοῦντος

« ils prophétisèrent, comme si Dieu avait pris possession de leur esprit, non pas chacun avec des mots différents, mais tous avec les mêmes mots et les mêmes tournures, chacun comme sous la dictée d’un invisible souffleur. » – Mos. II, 37

Il appuie son éloge par des considérations sur la difficulté de passer d’une langue à l’autre et conclut ainsi :

σαφεστάτη δὲ τοῦδε πίστις· ἐάν τε Χαλδαῖοι τὴν Ἑλληνικὴν γλῶτταν ἐάν τε Ἕλληνες τὴν Χαλδαίων ἀναδιδαχθῶσι καὶ ἀμφοτέραις ταῖς γραφαῖς ἐντύχωσι, τῇ τε Χαλδαῐκῇ καὶ τῇ ἑρμηνευθείσῃ, καθάπερ ἀδελφὰς μᾶλλον δʹ ὡς μίαν καὶ τὴν αὐτὴν ἔν τε τοῖς πράγμασι καὶ τοῖς ὀνόμασι τεθήπασι καὶ προσκυνοῦσιν, οὐχ ἑρμηνέας ἐκείνους ἀλλʹ ἱεροφάντας καὶ προφήτας προσαγορεύοντες οἷς ἐξεγένετο συνδραμεῖν λογισμοῖς εἱλικρινέσι τῷ Μωυσέως καθαρωτάτῳ πνεύματι.

Et en voici la preuve la plus éclatante : toutes les fois que des Chaldéens sachant le grec ou des Grecs sachant le chaldéen se trouvent devant les deux versions simultanément, la chaldéenne et sa traduction, ils les regardent avec admiration et respect comme deux sœurs, ou mieux, comme une seule et même oeuvre, tant pour le fond que pour la forme, et ils appellent leurs auteurs non pas des traducteurs mais des hiérophantes et des prophètes, eux à qui il a été accordé, grâce à la pureté de leur intelligence, d’aller du même pas que l’esprit le plus pur de tous, celui de Moïse. – Mos. II, 40

Les citations du texte biblique par Philon sont un sujet fort intéressant, mais délicat. Il cite généralement la Septante, mais pas toujours : parfois son texte diffère, sans qu’on puisse déterminer avec certitude si c’est parce qu’il cite de mémoire, de par sa méthode de citation (paraphrase, glose ?), adaptation (suppression des hébraïsmes), fusion de plusieurs passage à sa manière, etc. (cf. Swete-Ottley 1968 : 375).

Pour l’instant, les deux indexes les plus commodes de ses citations sont Ryle 1895 et Biblia Patristica, Supplément (disponible également dans le merveilleux outil Biblindex).

Il manque à l’étude de l’état du texte biblique avant 90-100 AD (époque de Jamnia) une comparaison exhaustive et systématique du texte massorétique (du moins les variantes qui paraissent être des corrections ou des témoins d’un texte différent) avec la Septante, le texte de Flavius Josèphe, celui de Philon, et les citations de l’AT dans le NT – textes qui précèdent tous le « synode » : c’est cette entreprise palpitante, mais ardue, dans laquelle je me suis lancé il y a quelques temps, sous forme d’élaboration d’un apparat critique. Si vous avez des suggestions, n’hésitez pas.