01/04/2015

Big Eyes (Tim Burton, 2014)

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L’histoire de Margaret Keane n’est pas banale. Dès sa tendre enfance, son talent pour le dessin se révèle. Mais elle est tourmentée. Des questions existentielles la taraudent. Pourquoi le monde est-il empli de peines et de douleurs ? Alors elle peint, et ses toiles transcrivent son malaise. Le leitmotiv de ses toiles : une petite fille aux grands yeux. Keane décline ce motif à l’infini. On est touché par la pureté de son trait, les couleurs vives et harmonieuses, et l’apparente sérénité des scènes. Mais les yeux hypnotisent. On plonge dans le regard de cette fille. On se demande ses peines et ses douleurs. On est triste et fasciné à la fois. On a envie de dire à cette fillette : ouvrir si grand les yeux sur ce monde de peines et de douleurs, c’est triste. Va, amuse-toi, et ignore la scène de ce monde qui passe…
Partant des éléments centraux de la vie de cette artiste, Tim Burton vient de livrer un film tout à fait réjouissant. Il montre comment cette femme tombe sous l’emprise d’un homme, qui non seulement la séquestre sans qu’elle s’en rende compte, mais pire, va s’accaparer sa plume. Doté d’un indéniable talent de merchandiseur, cet homme surfait, vaniteux et beau-parleur la convainc de participer à une escroquerie, aux termes desquels il se prétend l’auteur des toiles pour mieux les promouvoir. Et l’énergumène parvient à ses fins, peut-être trop d’ailleurs : il inonde le marché des toiles, puis des copies des toiles… puis de tous les dérivés possibles et imaginables. Nous sommes dans les années 50-60 et la méthode, quoique d’avant-garde, fonctionne parfaitement. Au prix, bien sûr, des foudres critiques de l’establishment : car si une toile n’est pas rare, elle ne saurait être chère.
De cette escroquerie, Tim Burton trace un tableau personnel, où l’on rit aux frasques du mari indélicat, et où l’on s’émerveille du talent de l’artiste. Sensible et forte à la fois, Margaret sait réagir quand sa fille est en danger. Elle connaît plusieurs nouveaux départs. Elle parvient chaque fois à recoller les morceaux, et plutôt bien. Mais le confort matériel cache un vide. On la voit boire, beaucoup. Et fumer, beaucoup. Un beau jour, les Témoins de Jéhovah frappent à sa porte. Et c’est le tournant. Sa vie de mensonge devient intenable. Il faut dévoiler la vérité. Elle commence à étudier la Bible. Un procès a lieu. L’imposteur et l’artiste se confrontent… C’est la scène la plus intense, et la plus drôle : allez voir ce film, il est réjouissant.
Bien sûr, Tim Burton n’a fait que s’inspirer de faits réels. Mais dans l’ensemble, on reconnaît le parcours de Margaret. Cette dernière fait d’ailleurs une apparition dans le film, au début. On la voit assise sur un banc en train de lire, derrière les deux acteurs Amy Adams et Christoph Waltz. Enfin, la bande originale est tout à fait intéressante, spécialement « Big Eyes » et « I Can Fly » de Lana Del Rey…
 
 Pour les puristes, vous pouvez vous reporter au Réveillez-vous ! du 8/11/75 pp.12-16 « Ma vie d’artiste célèbre » pour une biographie plus précise (en anglais ici)… Vous pouvez aussi consulter la galerie officiel de Margaret : Keane Eyes.
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