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GENÈSE 3.6c : ADAM ÉTAIT-IL PRÉSENT LORS DE LA TENTATION ?

וַתִּתֵּן גַּם־לְאִישָׁהּ עִמָּהּ וַיֹּאכַל׃

et elle donna aussi à son mari, avec-elle, et il mangea

LXX : καὶ ἔδωκεν καὶ τῷ ἀνδρὶ αὐτῆς μετ᾽ αὐτῆς καὶ ἔφαγον

Vulgate : deditque viro suo qui comedit

La très grande majorité des versions bibliques explicitent la pensée : "qui était auprès d'elle" (c'est aussi la leçon des Targums, ex. Onqelos :וִיהַבַת אַף לְבַעְלַהּ עִמַּהּ, וַאֲכַל). Seule la Traduction du Monde Nouveau porte cette mention "quand il fut avec elle".

Parmi les leçons curieuses, citons celle de Lazare Wogue, pourtant faite sur le texte hébreu : "pour qu'il fit comme elle" ainsi que Darby : "[pour qu'il en mangeât] avec elle". Les traductions de la Vulgate (Boisson, de Genoude, Glaire, Port Royal) sont peu explicites tout comme le texte latin, et ont tendance à insister davantage sur le fait que Adam mangea aussi du fruit : "et elle en donna à son mari qui en mangea aussi" (Fillion ; cf. Saci). C'est aussi la leçon de Perret-Gentil, bien qu'il traduise sur l'hébreu : "et en donna aussi à son mari qui en mangea".

Adam était-il donc présent au moment de la tentation d'Ève par le serpent ?

La TMN justifie son choix par l'explication suivante :

 

En hébreu, le verbe traduit par “donna” est à l’imparfait et il est associé à une forme particulière de la conjonction “et” [waw, en hébreu], ce qui indique une succession logique ou chronologique. C’est pourquoi, en Genèse 3:6, où le mot waw apparaît à plusieurs reprises pour relier des événements successifs, la Traduction du monde nouveau le traduit non seulement par “et”, mais également par d’autres termes de transition comme “alors”, “donc” et “ensuite”. La Traduction du monde nouveau a par conséquent de solides raisons de le rendre ainsi.

Peut-on imaginer qu’Adam ait suivi passivement la conversation entre sa femme et le serpent, qu’il ait écouté sans rien dire les mensonges et les calomnies du rebelle invisible qui se dissimulait derrière ce reptile? Notons que le bibliste allemand J. Lange rejette cette idée et fait ce commentaire: “La présence de l’homme durant la tentation et, qui plus est, son silence sont difficilement concevables.” À propos des mots “avec elle”, le commentateur juif B. Jacob explique qu’ils “ne [signifient] pas qu’il se tenait avec elle (pendant l’épisode précédent ou lorsqu’elle mangea)”. La Tour de Garde,1990 15/6 p. 31

Les arguments sont loin d'être convaincants (avec Lange, on peut ajouter : J. Wesley). Certes, le waw hébreu est agrégatif et peut suggérer une succession chronologique. Ici, il est dit conversif ou consécutif* (Cf. SKM pp.93-96, Pegon pp.92-95, Touzard §405, 391, Chabot §64, Driver pp.73 sq., Verheij pp.62-64, Weingreen §49, Gesenius §154, Joüon §117 sq., 176 sq.). Mais il est absurde de tergiverser sur l'attitude d'Adam - qui est notoirement passive. Qu'il fut présent ou non au moment de la tentation importe peu : avant ou après l'acte, il a suivi le geste de sa femme.

Considérations linguistiques

• Il est important de tenir compte des accents : וַתִּתֵּ֧ן גַּם־לְאִישָׁ֛הּ עִמָּ֖הּ וַיֹּאכַֽל, et elle donna aussi à son mari (accent disjonctif : tevir), avec elle (accent disjonctif : tipha), et il mangea. Il n'est donc pas possible de rapprocher עִמָּ֖הּ de וַיֹּאכַֽל, pour un sens du type : et il en mangea avec elle, dans le sens : tout comme elle ou à sa suite.

• L'expression עִמָּה figure 26 fois dans l'Ancien Testament (Genèse 3.6, 30.16, 39.10, Exode 18.6, 22.15, Lévitique 17.10, 23.30, Nombres 5.27, 15.30, Deutéronome 22.23, 22.25, 22.28, 22.29, Juges 13.9, 14.17, Ruth 1.7, 1.22, 1 Samuel 1.24, 2 Samuel 11.4, 12.24, 1 Rois 3.17, 17.20, Esther 2.13, Proverbes 10.22, Lamentations 1.7, Daniel 2.22) et s'emploie toujours pour une présence immédiate.

• La préposition עִם est quasiment substituable à la préposition אֵת (avec, à distinguer de la nota accusativi homographe), et cette dernière en est probablement issue : עָמַם > עִם  ;  עֵמֶת > עֵת > אֵת (cf. Gesenius’ Hebrew-Chaldee Lexicon to the Old Testament, p. 637).

Une analyse lexicale attentive de עִם (basée sur DHAB, HALOT, DBL, BDB et Gesenius notamment) permet de distinguer deux traits sémantiques principaux : 1. le fait d’accompagner (« avec ») et 2. le fait d’être aux côtés de (« près de »).

Sème 1
Genèse 13.1 : וְלֹוט עִמֹּו, et Lot avec lui
Genèse 18.16 : וְאַבְרָהָם הֹלֵך עִםָּםְ , Abraham partit avec eux
Genèse 18.23b : הַאַף תִּסְפֶּה צַדִּיק עִם־רָשָׁע , vraiment, supprimeras-tu le juste avec le méchant ? Ici ce n'est que par extension qu’on pourrait dire : « au même titre que le méchant » ou « comme le méchant »
Genèse 30.16 : וַיִּשְׁכַּב עִמָּה בַּלַּיְלָה הוּא׃, et il coucha avec elle cette nuit-là

Sème 2
Genèse 25.11 : וַיֵּשֶׁב יִצְחָק עִם־בְּאֵר לַחַי רֹאִי , et Isaac s’installa près du puits de Lachaï-roï
Genèse 35.4 :    וַיִּטְמֹן אֹתָם יַעֲקֹב תַּחַת הָאֵלָה אֲשֶׁר עִם־שְׁכֶם׃ , et Jacob les enfouit sous le térébinthe qui est près de Sichem.

Ce n’est que par extension que עִם, dans certains contextes, se charge de traits exocentriques.

— Quand il est utilisé dans une métaphore : « comme » (il fait avec-lui, il fait comme lui : il est de mèche avec lui), « en même temps » (ex. : voici béhémot que j’ai créé avec toi : i.e. en même temps que toi, ou : tout comme toi cf. Job 40.15).

— Quand il est utilisé dans une expression idiomatique : « contre » (se battre avec des ennemis, i.e. se battre contre des ennemis), « parmi » (avec les habitants du monde : i.e. parmi les habitants du monde ; cf. Isaïe 38.11), « malgré » (avec cela, i.e. malgré cela ; cf. Néhémie 5.18).

Le langage de Genèse 3.6 n’est pas poétique, ni métaphorique, ni idiomatique, et le terme עִם ne s’y colore, à l’évidence, d’aucune de ces nuances. Ces nuances procèdent tous des sèmes 1 ou 2 et se connotent différemment en fonction des aléas du contexte de la langue source, et du génie de la langue cible.

¬ Pour un exposé complet des emplois de עִם, cf. R.W. William, rév. J.C. Beckman, William's Hebrew Syntax, University Press of Toronto, 2007, 3e éd., pp.125-127.

Le Pentateuque samaritain (éd. A. von Gall, 1918, p. 4) porte ויאכלו (et ils mangèrent).

Les Septante portent καὶ ἔδωκεν καὶ τῷ ἀνδρὶ αὐτῆς μετ᾽ αὐτῆς καὶ ἔφαγον, "et elle en donna aussi à son mari avec elle, et ils mangèrent" (C. Dogniez et M. Harl dir., Le Pentateuque - La Bible d'Alexandrie, Cerf, 2001, p. 44). Brenton : "and she gave to her husband also with her, and they ate" ; Giguet : "de plus, elle en donna à son mari, et ils mangèrent". Giguet, curieusement, ne traduit pas μετ᾽ αὐτῆς.

Le témoignage de Josèphe n'est pas suffisament explicite pour être instructif (cf. Antiquités judaïques I, 43)

Les langues proches de l’hébreu, comme l’arabe (مَعًا et مَعَ) ou le syriaque (ܥܰܡ), possèdent des racines apparentées qui rejoignent les deux sèmes évoqués plus haut : « au côté de », et « avec ».

• Quand Ève répond à Satan, elle utilise la première personne du pluriel, comme si elle englobait Adam dans sa réponse : מִפְּרִי עֵץ־הַגָּן נֹאכֵל׃, du fruit des arbres du jardin nous mangeons (Genèse 3.2b). Bullinger avait souligné ce point, dans sa note de la Companion Bible en Genèse 3.6 : "with her. Therefore Adam present. Compare "Ye", verses: Gen 3:4, Gen 3:5".

 
[Anecdote] Au verset suivant, elle rapporte les propos de Dieu en les exagérant : אָמַר אֱלֹהִים לֹא תֹאכְלוּ מִמֶּנּוּ וְלֹא תִגְּעוּ בֹּו פֶּן־תְּמֻתוּן׃, Dieu a dit : "Vous n'en mangerez pas, et vous n'y toucherez pas, sous peine d'en mourir". En fait, Dieu a dit - à l'homme - de ne pas en manger. Il n'a rien dit sur le fait de ne pas y toucher (Genèse 2.16-17). Voici donc la première exagération de l'Histoire...

• Au verset 7, la concomitance est remarquable :

וַתִּפָּקַחְנָה עֵינֵי שְׁנֵיהֶם וַיֵּדְעוּ כִּי עֵירֻםִּם הֵם וַיִּתְפְּרוּ עֲלֵה תְאֵנָה וַיַּעֲשׂוּ לָהֶם חֲגֹרֹת׃

et leurs yeux à tous les deux s'ouvrirent et ils surent qu'ils (étaient) nus, eux, et ils attachèrent des feuilles de figuier ensemble et firent pour eux des ceintures.

— Il n'est pas question ici d'une prise de conscience par Ève d'abord, puis, après qu'elle ait rejoint son mari, par Adam. Le récit biblique, au contraire, décrit une réaction simultanée.

Au verset 8 on recontre d'ailleurs une tournure grammaticale intéressante : וַיִּתְחַבֵּא הָאָדָם וְאִשְׁתֹּו , lit. et il se cacha, l'homme et sa femme. Le sujet collectif (deux substantifs, deux référents) est régi par un verbe initial (hitpael wayyiqtol 3MS) au masculin singulier, tant homme et femme font la paire (cf. Davidson, p. 158, cf. aussi Waltke, B. K., & O'Connor, p. 70).

Considérations contextuelles et théologiques

Il nous semble que les considérations linguistiques suffisent. Cependant, pour éviter certaines objections, nous traitons ici de quelques considérations contextuelles et théologiques susceptibles d'être invoquées pour invalider ou nuancer ce qui précède.

• C'est bien à l'homme que Jéhovah demande des comptes (Genèse 3.9) :

וַיִּקְרָא יְהוָה אֱלֹהִים אֶל־הָאָדָם וַיֹּאמֶר לֹו אַיֶּכָּה׃

Et Jéhovah appela l'homme et lui dit : "Où es-tu ?"

Répondant à Jéhovah, Adam évoque "la femme que tu as mise devant moi", en employant un terme (עִמָּדִי) qui rappelle par l'assonnace עִמָּה (sur la proximité sémantique de ces deux termes, cf. Joüon §103 i). La Bible Annotée (qui traduit : qui était avec elle) fait ce commentaire :

 
Qui était avec elle. Est-ce à dire qu'il ait été présent à la scène précédente? Mais eût-il pu dans ce cas ne prendre aucune part à l'entretien? Et au verset 17 Dieu ne lui reprocherait-il pas d'avoir laissé Eve commettre la faute? Il faut donc prendre ces mots dans le même sens qu'au verset 12 : la femme que tu as mise auprès de moi, littéralement avec moi.

Beaucoup ont conjecturé qu'Adam a cédé par complaisance. On lit par exemple dans la Bible de Vence :

 

La femme donc, séduite par ces paroles qui flattoient sa vanité, considéra que le fruit de cet arbre étoit bon à manger, puisqu'il étoit agréable à la vue, et désirable pour l'intelligence qu'il donnoit; "et en ayant pris elle en mangea, et en donna à son mari, qui étoit avec elle", et qui, par une lâche complaisance pour elle, en mangea aussi".

Le texte traduit étant la Vulgate, une note précise:

L'hébreu ajoute עמה, cum ea, qui donne lieu de présumer qu'on lisait originellement אשר עמה, qui erat cum ea.

• Mais, plutôt que de parler de complaisance, n'est-ce pas plutôt de la lâcheté ? La note de la HCSB (édition d'étude) fait remarquer : "Since the woman did not die when she touched the fruit - in contradiction to what she had thought God said (v. 3.) - she ate it. Though Adam was with her at the time, he did nothing to stop her. Perhaps he wanted to eat of it as much as the woman did, but fearing the consequences, used his wife as a 'guinea pig' to make sure it would not cause instant death."

• On peut penser que Jéhovah demande à l'homme de s'expliquer car c'est à lui que le commandement a été donné directement. Ève l'a reçu par la suite, sans doute indirectement. Mais on peut aussi penser que Jéhovah réprimande l'homme en premier lieu, précisément en raison de son attitude passive lors de la tentation. Cette attitude passive est d'autant plus fautive si l'on accrédite la thèse qu'il s'est servi de son épouse comme d'une bouc émissaire...

• Dans le Nouveau Testament, le récit n'est pas du doute considéré comme fictif ni mythologique. Paul évoque la faute d'un seul homme (Romains 5.12 : διὰ τοῦτο ὥσπερ δι᾽ ἑνὸς ἀνθρώπου ἡ ἁμαρτία εἰς τὸν κόσμον εἰσῆλθεν, c'est pourquoi, de même que par un seul homme le péché est entré dans le monde). Il y refait allusion au verset 18 (δι᾽ ἑνὸς παραπτώματος, par une seule offense). Il le rappelle en 1 Corinthiens 15.21 : ἐπειδὴ γὰρ δι᾽ ἀνθρώπου θάνατος, puisque la mort (vient) de (par) un homme.

En 1 Timothée 2.14 il affirme au contraire : καὶ Ἀδὰμ οὐκ ἠπατήθη, ἡ δὲ γυνὴ ἐξαπατηθεῖσα ἐν παραβάσει γέγονεν : Et ce ne fut pas Adam qui fut séduit ; mais ce fut la femme qui, séduite, tomba dans la transgression (Bible Annotée). En 2 Corinthiens 11.3a de même : ὡς ὁ ὄφις ἐξηπάτησεν Εὕαν ἐν τῇ πανουργίᾳ αὐτοῦ, de même que le serpent a trompé Ève par sa ruse.

Alors, qui fut séduit : Adam ou Ève ? Romains 5.12 & 1 Corinthiens 15.21 et 1 Timothée 2.14 & 2 Corinthiens 11.3 sont-ils en contradiction ?

L'Encyclopédie des difficultés bibliques fournit les éléments de réponse suivants: "Cependant, la faute était autant du côté d'Adam. Genèse 3.6 nous dit qu'il était auprès d'elle (ou : avec elle). A-t-il assisté à l'entretien sans réagir, alors qu'il avait été donné à la femme comme son protecteur ? Il est difficile de l'imaginer. Mais, de toute façon, en suivant sans protester l'exemple de la suggestion de sa femme, il a abdiqué son rôle de responsable, il a accepté "d'être dirigé au lieu de diriger" (D. Kidner Genesis London IVP 1971 p. 68) et il a consciemment transgressé l'ordre que Dieu lui avait donné, à lui (Gn 2.16-17), avant de créer la femme (v.18-24). (...) Le serpent a trompé la femme de sorte qu' "elle a désobé au commandement". Pourquoi Paul renverse-t-il ici les rôles qu'il a définis dans Rm 5 ? Il n'est pas impossible que la controverse avec les idées gnostiques attribuant à Eve un rôle d'initiatrice et de médiatrice ait amené l'apôtre à souligner l'initiative malheureuse d'Eve dans le récit de la chute. La tradition judaaïque a fait porter à la femme la responsabilité principale de la chute. "C'est par la femme, dit l'Ecclésiastique (Jésus, fils de Sirach), que le péché a commencé et c'est à cause d'elle que nous mourons" (Sir 25.24). "La mauvaise tradition... qui fait porter à la femme tout le poids de la faute, ou presque, contredit l'intention du récit quand il fait se produire la rupture au moment où l'homme mange du fruit défendu et mentionne la peine capitale dans la sentence qui le concerne, lui" (H. Blocher).

La tradition judaïque a malheureusement été suivie par beaucoup de Pères de l'Eglise. Tertullien écrivait : "Femme tu es la porte du Diable. Tu as détruit si aisément l'image de Dieu : l'homme. C'est à cause de toi que le Fils de Dieu a dû mourir ; tu devrais toujours t'en aller vêtue de deuil et de haillons afin d'expier pleinement ce qui en toi dérive d'Eve - je veux dire l'ignominie du premier péché et le caractère odieux attaché à elle d'avoir été cause de la perdition de l'humanité." (Sur la toilette des femmes, 1.1). Mais, en fait, la faute d'Adam est plus grave que celle d'Eve : "Eve a péché parce qu'elle a été trompée, Adam a péché les yeux ouverts" (D. Guthrie). E.H. Bancroft emploie la même expression : "Adam désobéit les yeux ouverts, délibérément, au lieu d'essayer d'aider sa femme, de demander à Dieu de lui pardonner et de le protéger, lui. C'est à lui que l'avertissement avait été donné. Il était le chef de la race et il l'a entraînée dans le péché". Comme le fait remarquer Bilézikian, Adam a entendu l'interdiction de manger de l'arbre directement de Dieu. Eve ne l'a entendue que par son intermédiaire." (Kuen, vol. II - Les lettres de Paul, 2003, pp.603-604, nous soulignons).

Outre l'Ecclésiastique, un écrit particulièrement a tenté de charger la femme le plus lourdement possible : ce fut la Vie grecque d'Adam et Eve (c.-II/I). Nous ne citerons qu'un passage caractéristique : le récit de la chute par Adam - il est alors très malade et sur le point de mourir - à ses enfants.

 
Adam répondit : "Lorsque Dieu nous créa, moi et votre mère - c'est à cause d'elle que je meurs -, il nous donna toutes les plantes du paradis, mais pour ce qui est d'une seule, il nous défendit d'en manger - c'est aussi à cause d'elle que nous mourons. L'heure approcha pour les anges qui veillaient sur votre mère de monter adorer le Seigneur. L'Ennemi lui donna de l'arbre et elle en mangea ; il savait que ni moi ni les saints anges n'étions auprès d'elle. Ensuite elle m'en fit manger à moi aussi." - Vie grecque d'Adam et Eve VII, 1-3 (La Bible - Les Ecrits Intertestamentaires, éd. Pléiade, pp. 1774-1775), nous soulignons.

• Conclusion

On retiendra les points suivants :

- rien ne permet de supposer que Adam était absent, puisque le texte hébreu le dit "avec elle", et souligne la concomitance des effets désastreux de la désobéissance de l'homme et de la femme,

- que Adam n'ait rien dit suggère davantage son consentement ou sa complicité, voire même de sa lâcheté (voyons ce qu'il arrive à Ève avant de s'y risquer ; lâcheté qui est confirmée quand il s'en sert plus loin de bouc émissaire) plutôt que son absence,

- Ève a été séduite. Elle a sûrement cru au mensonge de Satan : "vous ne mourrez en aucun cas". Cependant, le récit biblique prend la peine de nous livrer des bribes de son raisonnement : le fruit semblait 1. bon à manger 2. plaisant à contempler 3. précieux pour acquérir l'intelligence (נֶחְמָד....לְהַשְׂכִּיל - 3.6). Ève souhaitait une intelligence nouvelle : on ne peut donc voir dans son geste une action totalement insensée, comme certains le prétendent.

- n'ayant pas pris part à la conversation, on ne peut pas dire qu'Adam ait été trompé par le serpent. On peut concilier les textes pauliniens en considérant que le geste d'Adam fut motivé et délibéré. Il n'était pas, comme Ève, pris dans la conversation. Il a observé la scène. Ne réfléchit-on pas mieux en silence que dans le feu d'une conversation ? Car si d'un côté Ève se laisse entraîner par le serpent (bien qu'elle s'en détache suffisamment pour en comprendre la finalité, l'obtention de la connaissance), Adam a tout le temps de méditer ; et s'il n'intervient pas, c'est peut-être, comme nous l'avons suggéré, parce qu'il laisse son épouse succomber à la tentation, pour voir les conséquences, avant de se compromettre.

- la tradition odieuse qui rend la femme seule ou principale responsable n'a pas de fondement biblique.

Ces remarques étant faites, on soulignera que :

1. le texte hébreu est plutôt clair. Sur son analyse linguistique, cf. B. Bandstra, Genesis 1-11 - An Handbook on the Hebrew Text, Baylor University Press, 2008, p. 181 ; sur עִמָּה il écrit entre autres : "The phrase is essentially the shortened relative clause (who was) with her."

2. la plupart des commentateurs modernes s'accordent sur la présence d'Adam. Par exemple :

— “She also gave to her husband with her (ʿimmah),” suggesting that he was a full participant in the sin, thereby refuting in advance his later excuse. Sarna, N. M. Genesis - English and Hebrew; commentary in English - The JPS Torah commentary (25), Philadelphia : Jewish Publication Society, 1989

— She “gave it to her husband with her”: this last phrase emphasizes he man’s association with the woman in the eating (cf. 6:18; 7:7; 13:1) - Wenham, G. J. Vol. 1: Word Biblical Commentary : Genesis 1-15. Word Biblical Commentary (75), Dallas: Word, Incorporate, 2002

With her. An indication that Adam was present throughout the whole preceding scene (Delitzsch, Wordsworth), which is not likely, else why did he not restrain Eve? or that he arrived just as the temptation closed (Calvin), which is only a conjecture; better regarded as a reference to their conjugal oneness (Macdonald). And he did eat. And so involved himself in the criminality of his already guilty partner; not simply as being “captivated with her allurements” (“fondly overcome with female charms”—Milton, ‘Par. Lost,’ Book x.), which 1 Tim. 2:14 is supposed to justify; but likewise as being “persuaded by Satan’s impostures,” which doubtless Eve had related to him. This much is distinctly implied in those Scriptures which speak of Adam as the chief transgressor (vide Rom. 5:12; 1 Cor. 15:21, 22). - H. D. M. Spence-Jones, Ed., The Pulpit Commentary: Genesis, Bellingham, WA : Logos Research Systems, Inc., 2004

- her husband with her Since there is no mention of the woman leaving the serpent to find Adam, Adam was most likely present for the entire conversation. He bears greater responsibility since God gave the original command to Adam ("the man") alone (2:16–17). - Barry, J. D., Grigoni, M. R., Heiser, M. S., Custis, M., Mangum, D., & Whitehead, M. M. (2012). Faithlife Study Bible (Ge 3:6). Bellingham, WA: Logos Bible Software.

She also gave some to her husband, who was with her, and he ate it.
The traditional exegesis of this story wrongly assumes that Adam was not present at the time of the temptation. This verse tells us that he was present, but was strangely silent. Most contemporary interpreters of this narrative have been heavily influenced by this traditional exegesis. Not wanting to blame the man for his complicity in the Fall, there are a series of creative interpretive moves used to vindicate him. The Genesis Rabbah (note 21) suggests that the man and the woman had engaged in sex and he had fallen asleep. Note 21 : Gen Rabbah 19:3: “And the woman said unto the serpent …” (Gen 3:2). Now where was Adam during this conversation? Abba Halfon b. Qoriah said: “He had engaged in sex and then fell asleep.” In this case the traditional picture fails us. It shifts blame totally onto the woman and does not listen to the biblical text. The underlying male chauvinism should embarrass us as Christians. The man was present during the temptation scene. He is addressed along with the woman and shows no hesitation in following her in disobeying the Lord God. His silence during the temptation scene speaks volumes. - Kissling, P. J., Genesis. The College Press NIV commentary (194), Joplin, Mo.: College Press Pub. Co, 2004

 

MAJ 08/08/12

11/10/13 : Genèse 3.6 : עִמָּהּ, « qui était avec elle » ou « quand il fut avec elle » ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
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