3. Le témoignage de la Septante
Résumé
De très nombreux éléments (documents manuscrits, pratiques liturgiques, littérature biblique, rabbinique et profane) prouvent que le Nom était employé à l'époque du second Temple. La version biblique dont on se servait était soit le texte hébreu (pré-massorétique) à Jérusalem et dans ses environs, soit la Septante, dans les communautés juives de la Diaspora (particulièrement à Alexandrie). Dans ces deux versions bibliques, hébraïque et grecque, figurait le Nom.
Aujourd'hui, la Septante donne l'impression que ses traducteurs ont rendu le tétragramme (יהוה) par Seigneur (κύριος). Se fondant sur cette apparence, de nombreuses personnes nient que Jésus et ses disciples (dont on pense à tort qu'ils employaient systématiquement la Septante dans leurs citations des Ecritures), n'employaient pas le Nom. En effet, 70% des citations du Nouveau Testament semblent se conformer au texte de la Septante. Le NT donne donc l'impression que les Premiers Chrétiens citaient les Ecritures à partir de la Septante.
Mais cela est sujet à caution : la prédication de Jésus ne s'est pas faite en langue grecque, mais en araméen (cf. Mc 5:41, 7:34, 15:34, Mt 27:46), et de nombreux indices prouvent que la LXX (Septante) ne venait pas forcément à l'esprit (Mt.23:35). Il faut plutôt penser que les rédacteurs du NT, ou leurs copistes, partis de traditions orales ou écrites (cf. Carmignac, Tresmontant, Perrier) ont harmonisé les citations bibliques à partir de la Septante : « Le traducteur d’une œuvre qui contient des citations bibliques présente naturellement ces citations dans la forme où elles apparaissent dans la traduction courante de la langue qu’il traduit. » - R.T. France, Matthew, Evangelist and Teacher, Grand Rapids, 1989, pp.172-173.
Cela dit, après la première génération, les Chrétiens employèrent effectivement la Septante. Et dans cette perspective, il est intéressant de remarquer que toutes les copies de la Septante antérieures au troisième siècle de notre ère présentent le nom divin plutôt que le terme kuriov. Bien sûr, elles émanent de communautés juives ou judéo-chrétiennes, et non pas des Chrétiens issus de la Gentilité. Néanmoins, elles intéressent la foi chrétienne en ce sens qu'elles révèlent la Bible dont se sont servi les disciples immédiats de Jésus, avant que le christianisme ne prenne un essor dénaturé par l'hellénisme.
Présence du nom divin dans la Septante
Nota : en raison du coût prohibitif de la reproduction de certains manuscrits dans mon ouvrage, vous trouverez ici l'ensemble des documents cités.
Désignation |
Date |
Formes du nom divin |
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I (fin) |
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LXXIEJ 12 |
I (fin) |
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V - VI |
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V-VI |
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III - IV |
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-I |
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Ambrosienne O 39 sup |
IX (fin) |
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-I(fin) - I |
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III |
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LXX P. Oxy. 3522 |
I |
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Sepher ben Sira (Siracide ou Ecclésiastique) |
-III |
La période intermédiaire (175 - 200 AD)
Cf. Robert Kraft : Ambiguous Representations of the Tetragrammaton in Greek.
Désignation |
Date |
Formes du nom divin |
P. Oxy. 656 Bodleian Library MS. Gr. Bib. D.5 (P) |
II |
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P. Oxy. 1075 |
III |
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P. Berlin 17213 |
III |
>> La LXX fait la distinction entre YHWH et "[le] Seigneur" : cf. Compléments/Précisions
Principaux ouvrages cités
• Dogniez, Harl (dir.), La Bible d'Alexandrie
• Harl, Dorival, Munnich, La Bible grecque des Septante
• Dunand, Papyrus Grecs Bibliques (Papyrus Fouad Inv. 266- - Volumina de la Genèse et du Deutéronome
• Kahle, The Cairo Geniza
• Burkitt, Fragments of the Books of Kings According to the translation of Aquila
• Taylor, Hebrew-Greek Cairo Genizah Palimpsests
• Tov, The Greek Minor Prophets Scroll From Nahal Hever (8HevXXIIgr)
• Aly et Koenen, Three Rolls of the Early Septuagint, Genesis and Deuteronomy, A Photographic Edition
• Schechter et Taylor, The Wisdom of Ben Sira
• Roberts, Manuscripts, Society and Belief in Early Christian Egypt
• Kingdom Interlinear Translation - Appendix 1A : The Carry-Over of the Divine Name Into the Greek Scriptures : pp.1133-1138
• Traduction du Monde Nouveau : Appendices 1C : Le nom divin dans des versions grecques anciennes, 1D : Le nom divin dans les Ecritures grecques-chrétiennes: pp.1679-1685
Pour aller plus loin...
• Emmanuel Tov, Scribal practices and approaches reflected in the texts found in the judean desert. Voir spécialement l'appendice 5 : Scribal features of early witnesses of Greek Scripture. En ligne : partie 1 et 2.
• Robert Kraft de l'Université de Pennsylvanie : The 'Textual Mechanics' of Early Jewish LXX/OG Papyri and Fragments ; cf. sa synthèse.
• Kristin de Troyer, The Names of God. Their Pronunciation and Their Translation. A Digital Tour of Some of the Main Witnesses
• (contra) Albert Pietersma, Kyrios or Tetragram : A renewed quest for the original LXX, in : De Septuaginta. Studies in Honour of John William Wevers on his sixty-fifth birthday (ed. Albert Pietersma and Claude Cox.) Benben Publications: Mississauga, 1984. pp. 85-101.
• Patrick W. Skehan, The Divine Name at Qumran, in the Massada Scroll and in the Septuagint, BIOSCS 13, 1980, 14-44
• Greg Stafford, The divine name in the Septuagint (LXX) and in the Greek OT manuscript tradition, in: Jehovah's Witnesses Defended (Elihubooks, 2009, 3e édition)
Contra
• Martin Rösel, The Reading and Translation of the Divine Name in the Masoretic Tradition and the Greek Pentateuch, Journal for the Study of the Old Testament, Vol. 31, No. 4, 411-428 (2007)
Copyright © 2007, Didier Fontaine- Le nom divin dans le Nouveau Testament