2. Seigneur, Yahweh ou Jéhovah ?
Résumé
Il est de bon ton d'expliquer la forme Jéhovah comme un barbarisme, une forme batarde du Nom issue de la superposition des voyelles d'AdOnAy (אדוני) avec le tétragramme YHWY (יהוה), ce qui aurait donné yEhOwAh, d'où Jéhovah.
Cette explication n'est pas valable pour plusieurs raisons :
- les voyelles d'Adonay sont A-O-A, non E-O-A. Il faut le dire !
- le recours à la grammaire pour expliquer le passage de A (chataph patach) à E (shewa) sous la consonne non gutturale י est ridicule dans le cadre du système qeré / ketib. Pire, il existe trois exemples de chataph patach (voyelle composée) sous yod... (cf. le texte hébreu de Genèse 15:2, 15:8 et Psaumes 144:15)
- l'hébreu biblique n'a pas de voyelles écrites ; ce sont les Massorètes qui les ont ajoutées au texte consonantal à partir du IXe - Xe s. de n.è.
En fait, le nom divin peut se prononcer en dehors des voyelles qu'on lui prête.
Pour se rapprocher de la prononciation originelle du Nom, il faut procéder à l'étude:
- des mères de lecture (matres lectionis),
- de l'étymologie et des noms théophores,
- des témoignages anciens.
Ces trois méthodes, que nous résumons en partant des travaux de Gérard Gertoux, concourrent toutes en faveur d'une prononciation phonétique de type Iehoua.
Quant à la forme Yahweh, dont on connaît l'origine samaritaine (cf. Théodoret, Epiphane), c'est une forme tardive qui n'est pas crédible pour, entre autres raisons :
- sa structure bisyllabique : elle ne cadre pas avec les deux substituts du nom divin que sont Elohim (אלהים) et Adonay (אדוני), et qui ont trois syllabes comme Iehoua (ou sa version massorétique YeHoWaH),
- cette forme ne fait pas assonance avec le texte biblique, particulièrement dans les passages poétiques et liturgiques composés pour être chantés.
- c'est une forme qui tombe dans un piège linguistique : celui de coller sur un nom propre l'étymologie biblique révélée en Exode 3.14 (אהיה אשר אהיה).
Enfin, la forme Seigneur procède de la superstition juive (mais aussi d'un changement de paradigme dans le christianisme naissant), dont les causes sont exposées.
Principaux ouvrages cités
• Gertoux, Un historique du nom divin
• Pierro, Geova e il Nuovo Testamento
• Carr, The Divine Name Controversy
Pour aller plus loin...
Documents, essais
• Wikipédia (anglais) : Jehovah, The Tetragrammaton. En français : YHWH
• Gérard Gertoux, The Name of God YeHoWaH : voir Linguistical survey - Historical survey - Paradox of the anonymous name - Page de l'auteur
• Nehemiah Gordon* : The Ban on the Divine Name - The Pronunciation of the Name
• Greg Stafford, "Jehovah" and Jehovah's Witnesses, in: Jehovah's Witnesses Defended (Elihu Books, 1998-2012)
Pour les juifs karaïtes la prononciation correcte du nom de Dieu est Yehowah (meilleure que Yehovah) : voir cette vidéo, The Name of Elohim (God) : Yehowah or Yehovah ?
• Le nom divin et les hiéroglyphes de Soleb
Articles publiés
• Siegel, J.P., The employment of Paleo-Hebrew Characters for the Divine Names at Qumran in the Light of Tannaitic Sources, Hebrew Union College Annual 42 1971, 159-172
• Barry J. Beitzel, Exodus 3:14 and the divine name : a case of bibliocal paronomasia, Trinity Journal 1 NS (1980) 5-20
• An Eighth-Century “First”: God’s Name Found On A Hebrew Seal, BAR 5:04, Aug 1989
• Gabriel Barkay, News from the Field: The Divine Name Found in Jerusalem, BAR 9:02, Mar/Apr 1983
• Claude Lichtert, Récit et noms de Dieu dans le livre de Jonas, Biblica 84 (2003) 247-251
Copyright © 2007, Didier Fontaine- Le nom divin dans le Nouveau Testament