FONTAINE Didier

                                                                                                           Mardi 23 mars 1999

Lettres Classiques 1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DISSERTATION FRANCAISE

 

 

 

 

 

 

 

 

Sujet: Représentation(s) et fonction(s) de l'espace dans La Princesse de Clèves.


 

Nouvelle historique, roman d'analyse psychologique, ainsi a-t-on flanqué des appellations accommodantes à l’œuvre littéraire de Madame de la Fayette, La Princesse de Clèves, si tant est qu'elle en soit bien l'auteur. Pour quelques-uns, toute oeuvre littéraire est essentiellement apocalyptique, parce que toute oeuvre est transfiguration et représentation. « Un ciel nouveau, une nouvelle terre », mais faits par l'homme et pour lui.

 

L'écrit est donc une création de l'homme, et on s'attache très souvent à lui donner une finalité par exemple l'on peut se demander si le ciel nouveau et la terre nouvelle que crée, ou re-présente, l'écrivain, a un but spécifique, une fonction précise.

 

Dans La Princesse de Clèves, l'espace est fortement chargé de motifs. Il n'existe pas indépendamment des personnages qui le peuple, et, pour se permettre l'expression, n'occupe pas une place centrale. Dès lors, il serait intéressant d'envisager l'optique suivante les représentations de l'espace donnent-elles lieu à une fonction de l'espace ? L'espace, réceptacle de l'humain, n'en prend-il pas quelques traits ?

 

Cette perspective sera traitée par l'examen des représentations et composantes de l'espace, d'une part via une réflexion préalable sur ce qu'est la représentation de l'espace elle-même, et d'autre part par son illustration systématique dans La Princesse de Clèves. Tout cela pour comprendre si l'appellation représentation et fonction de l'espace sous-entend un lien, ou bien un paradoxe.

 

 

 

Le terme de représentation est riche de sens. Devant que de le mettre en relation avec l'espace, il est nécessaire d'en préciser les acceptions. Le Grand Robert de la langue française le définit ainsi : « 1. (1370). Le fait de rendre sensible (un objet absent ou un concept) au moyen d'une image, d'une figure, d'un signe... 2. Processus par lequel l'art renvoie à une réalité extérieure absente. », du latin repraesentatio . « action de mettre sous les yeux », de repraesentare : « rendre présent ». On comprend ainsi qu'une représentation vise à recréer un univers familier, celui dont on ne peut se passer si l'on veut exposer des personnages et une action. Cette représentation est par voie de fait sujette à un certain nombre de contraintes : si l'on veut présenter de nouveau, il faut se plier à ce qui existe, à la réalité. Notons que cette représentation est difficilement objective : pour transmettre une perception, et rendre sensible un lieu, un espace, il semble incontournable d'avoir un point de vue. Et d'autant plus quand un lieu est imaginé, ou transfiguré. C'est ce que tente de nous faire comprendre Bergson : « (...) quand nous disons qu'il y a un

espace, c'est-à-dire un milieu homogène et vide, infini et infiniment divisible, se prêtant indifféremment à n'importe quel mode de décomposition. Un milieu de ce genre n' "est jamais perçu; il n'est que conçu. Ce qui est perçu, c'est l'étendue colorée, résistante, divisée selon les lignes que dessinent les contours des corps réels ou de leurs parties réelles élémentaires. Mais quand nous nous représentons notre pouvoir sur cette matière, c'est-à-dire notre faculté de la décomposer et de la recomposer comme il nous plaira, nous projetons, en bloc, toutes ces décompositions et recompositions possibles derrière l'étendue réelle, sous forme d'un espace homogène, vide et indifférent, qui la sous-tendrait. Cet espace est donc, avant tout, le schéma de notre action possible sur les choses, encore que les choses aient une tendance naturelle ( ... ) à entrer dans un schéma de ce genre : c'est une vue de l'esprit. C'est une représentation qui symbolise la tendance fabricatrice de l'intelligence humaine. » (l'Evolution créatrice, p. 157.). La représentation de l'espace dans une oeuvre subirait-elle la propension humaine à entrer dans un schéma?

 

C'est que l'espace qui entoure l'homme est depuis bien longtemps devenu très anthropomorphe, et d'autant plus dans une oeuvre de littérature où il est plus ou moins bien restitué. Il suffit pour s'en rendre compte de considérer les premières pages de la Princesse de Clèves: la cour brillante et prestigieuse du roi Henri Il n'est représentée qu'à travers les intrigues qui s'y trament, qu'à travers les personnages qui s'y trouvent. On ne parle guère du château, mais de la cour du Roi, ou de la maison royale (cf. p. 12: " Jamais cour n'a eu tant de belles personnes", p. 17: "Il parut alors une beauté à la cour", p. 120: "tout la maison royale alla coucher à l'évêché, comme c'était la coutume", éd.  Librio). Ainsi, les noms de lieux, et l'espace lui-même, prennent des attributs humains, et ne sont guère représentés, très souvent, que par nécessité de réalisme. Un flou à leur endroit indique souvent une totale négligence de la toponymie au profit, dans un roman comme la Princesse, de l'analyse plus ou moins psychologique d'une situation. Souvent aussi l'espace et les choix de l'auteur le concernant sont tout à fait conventionnels, et ne présentent donc pas d'intérêt ( supra, cf. p. 120). Par exemple les affaires politiques se déroulent à la cour, les scènes privées dans une chambre à part, les tournois ou manifestation près d'un château. Dès lors, s'agit-il  d'un espace représenté, avec une fonction? Il semble donc approprié, dans l'analyse systématique que nous allons faire de la Princesse de Clèves, de distinguer une représentation nécessitée et sine senso, d'une représentation voulue, signifiante, ou fortuite, mais signifiante aussi. Nous garderons aussi présent à l'esprit la réflexion suivante: "Le roman prête plus facilement à toutes ces analyses structurales, celles du récit, par exemple, mais on met la plupart du temps dans les présupposés structuraux d'espace et de temps ce qu'on croit y retrouver." (J. GILLIBERT, la Création littéraire, in la Nef, n 31, 1967, p. 95.)

 

 

 

Une dernière précaution préalable, tout aussi importante, concerne ce que nous entendrons par espace, et fonction de l'espace. Nous posons-nous la même question lorsqu'il s'agit de la réalité? Est-ce que nous nous posons des questions concernant le fait de dormir dans un lit, vivre dans une maison, etc.? Sans doute pas, de fait l'espace que nous croyons représenté dans un roman est présupposé intelligent, par contraste, à certains égards, à la réalité. On trouve les définitions suivantes de l'espace: "- 1. (XVIIe). «Milieu idéal, caractérisé par l'extériorité de ses parties, dans lequel sont localisées nos perceptions, et qui contient par conséquent toutes les étendues finies" (Lalande). - 2. Cour. Lieu, plus ou moins bien délimité (où peut se situer qqch.)" (ibidem). A priori la seconde définition semblerait le mieux nous convenir, quoiqu'elle soit indéniablement floue, et donc laissant le champ ouvert à l'extrapolation. Nous envisagerons donc cette notion sous son aspect le plus évident: espace ouvert (champ, pré, jardin), par opposition à espace fermé (chambre, palais), espace civilisé (cour) par opposition à espace retiré (campagne). Sans oublier l'espace qui est évoqué. Ce faisant, n'oublions pas non plus l'intuition suivante: "Depuis que la représentation ne nous aveugle plus (...) nous commençons à deviner que la représentation est un moyen de style, non le style un moyen de la représentation." (MALRAUX, les Voix du silence, p. 331.)

 

S'il est un espace, dans La Princesse de Clèves, qui mérite une certaine attention, c'est bien l'espace qui est évoqué. Il n'est certes pas représenté, il est vrai, mais, sans logomachie, il nous représente pourtant quelque chose. Bizarrement, l'espace le moins décrit, le moins présent, et pourtant où tout se déroule, c'est le lieu où se trouve la cour, en France. Certes, la première précision du roman, à l'incipit, est une précision spatiale ("La magnificence et la galanterie n'ont jamais paru en France avec tant d'éclat que dans les dernières, années du règne de Henri second' (p. 11). Mais en réalité, est-ce autre chose qu'une évocation? On ne retrouve le terme de "France" qu'à de rares occasions (ex: "les manières de France qui plaisent à tout le monde", p. 67 ), et à chaque fois la spatialité n'est pas vraiment représentée, seulement évoquée dans un contexte particulier qui se trouve être plus important. Ainsi, si nous considérons la cour de France, nous remarquons que les seules indications nous permettant de la situer ne sont pas données pour définir un cadre de l'espace, ni même pour le représenter, mais seulement pour signifier qu'elle a changé de place, suite à un événement politique (comme la mort de Henri 11): "Il y a près de deux ans, comme la cour était à Fontainebleau, je me trouvai... ",p. 8 1, "et l'on devait passer le reste de l'été dans le château de Chambord, qui était nouvellement bâti, p. 13 1, et "D'abord qu'elle fut à Blois, où la cour était alors, M. de Nemours ne put s'empêcher...", p. 139. C'est avec intérêt que l'on remarque qu'à deux reprises la mention de l'espace est mise en apposition, mais non pour le mettre en évidence: seulement pour apporter une indication supplémentaire, et enrichir le texte. Cela, bien sûr, crée un ancrage dans le réel, que l'on reconnaît d'ailleurs à Mme de la Fayette. Mais surtout ce sont des éléments qui sont vérifiables, d'où leur place dans la phrase, en apparence innocente.

 

De la même manière, des évocations tout aussi bénignes constituent une représentation singulière de l'espace: pour ce faire, prenons quelques exemples: "Madame la Dauphine conta ensuite tout ce qui s'était passé sur l'Angleterre", p.57, -Il dit que toute L'Europe condamnerait son imprudence", p. 58 "la reine Marie s'est trop mal trouvée du joug de l'Espagne" p. 58, 'je ne me reconnais pas depuis que je suis revenu de Flandre", p.61, "on l'éloigna de la cour sous le prétexte de l'envoyer en Flandre signer la ratification de paix", p. 126, "Elle Engagea le feu roi à favoriser à Rome le divorce de Henri", p.68. On pourrait de la sorte allonger démesurément la liste (Boulogne, Calais, Londres, Boulen, Poitou, Padoue, Reims), et tous les éléments nous conduiraient sans doute à cette constatation: toutes les indications précises concernant l'espace sont insignifiantes, ou ne dépendent exclusivement que du contexte. Leur fonction consistant alors à apporter du réalisme, et une certaine diversité, sans oublier, à chaque fois, des éléments virtuellement vérifiables (en particulier les affaires de l'Angleterre, et le problème de la Flandre, qui date du Moyen Age) Enfin, et c'est tout aussi notable, une représentation intéressante de l'espace par évocation nous est fournie par les particules nominatives, que l'on trouve à profusion: Mme de Valentinois, le duc de Nemours, le duc de Guise, M. d'Anville, la princesse de Clèves, Mme de Martigues, Mme de n,)urnon, etc. Si l'on peut constater que tout ne se trouve pas en France (comme Clèves, duché situé en Allemagne), on note en particulier que tous les personnages du roman de Mme de la Fayette sont des personnes nobles, des propriétaires terriens qui n'ont pas besoin de travailler pour gagner leur vie (d'où les intrigues). Si la représentation de l'espace n'est ici pas explicitement figurée, toujours est-il qu'elle suggère un certain cadre dans lequel s'inscrit l'histoire du roman ("la magnificence et la grandeur").

 

Enfin, les représentations de l'espace les plus évidentes sont celles qui touchent les lieux qu'habitent  les personnages, régulièrement ou ponctuellement. Parmi ceux-ci, évidemment, les espaces fermés: la cour du Roi, où paraissent tous les personnages, et pour laquelle il y a cet avertissement: "Si vous jugez sur les apparences en ce lieu-ci vous serez souvent trompée: ce qui paraît n'est presque jamais la réalité." Une importance est donc accordée à ce cadre spatial présenté et représenté de manière négative. L'histoire nous apprend qu'effectivement Mme de la Fayette nous peint une image plutôt fidèle de la cour du roi Henri Il. Nous le remarquons, cet espace est fortement humanisé. on ne le détache pas des personnages qui le hantent, et c'est la raison pour laquelle la représentation qui nous en est donnée est forcément subjective, et donc un peu altérée. Par la même, on se rend compte combien une oeuvre conditionne l'espace, et ne peut que le représenter, rarement, si l'on puit dire, le re-présenter. Une autre représentation concerne les lieux retirés. Dans La Princesse de Clèves, il s'agit évidemment de la campagne, à Coulommiers. Cet endroit est régulièrement mentionné, ponctuant les situations du roman, et revenant irrésistiblement comme lieu de repos, de solitude ("elle la trouva dans une vie bien solitaire", p. 13 1), loin des turpitudes de la cour. La Princesse s'y réfugie par exemple après la mort de Mme de Chartres, ou bien pour s'éloigner de sa passion du duc de Nemours ("Elle s'en alla à Coulommiers"', p. 130) Nous avons ainsi affaire à une vision très rangée concernant cet espace rural: "La nature est sacralisée et l'urbanité mal aimée" (Baily, géographe).

 

 

 

Ces différentes représentations de l'espace - évoqué, sacralisé ou mai aimé - ont-elles dès lors un sens, une fonction? Croirons-nous Malraux, qui prétend que la représentation est le moyen du style, soit qu'elle revêt du sens, un choix, d'où une fonction? Pour y répondre, nous nous cantonnerons à l'analyse, pour quelques éléments de l'espace dans La Princesse de Clèves, s'il y a choix ou non, et dessein ou non. Notre première approche concernera la cour. Tout un chacun sait en effet que la cour avait, à cette époque-là, une fonction précise. Et la présence à celle-ci d'autant plus. On s'en rend compte de manière vivante dans La Princesse de Clèves: tour à tour chacun s'impose d'être auprès du Roi, soit à son lever, soit aux différents repas, et, par force de flatteries, essaie de gagner des faveurs. C’est une telle attitude, à la même époque, fait écrire à La Fontaine, dans ses Fables (VII,7, La cour du Roi ):

 

                        Ceci vous sert d'enseignement.

 

            Ne soyez à la cour, si vous voulez y plaire,

 

            Ni fade adulateur, ni parleur trop sincère

 

Et tâchez quelques fois de répondre en Normand

 

On peut justifier cette affirmation en puisant dans les innombrables intérêts de chacun, plus ou moins obscurs, qui jalonnent les premières pages de la Princesse de C'lèves: "La cour était partagée entre MM. de Guise et le connétable", p. 14, "Il était [ le maréchal de Saint-André] un des favoris, et sa faveur ne tenait qu'à sa personne", p.15, "Ce comte la [la reine Élisabeth] trouva instruite des intérêts de la cour de France et du mérite de ceux qui la composaient" ou "Personne n'osait plus penser à Mlle de Chartres [suite à une sombre suite de circonstances malheureuses], par la crainte de déplaire au roi", p.25. Par ces différents exemples, on comprend que la présence à la cour est un acte. Cela tient aussi pour toute autre présence ailleurs qu'à la cour: oisifs, les personnages du roman, de haute naissance, s'occupent de différentes manières, et parfois leurs intérêts entrent en conflit: "Sitôt que le prince de Condé avait commencé à conter les sentiments de M. de Nemours sur le bal, Mme de Clèves avait senti une grande envie de ne point aller à celui du maréchal de Saint-André.", p.40. Cet exemple parmi d'autres fait ensuite penser aux innombrables reprises où Mme de Clèves refuse sa présence dans un endroit où se trouve le duc de Nemours, a contrario où le duc de Nemours s'efforce de se présenter chez les femmes en vue pour voir la princesse, etc. La fonction de l'espace, nous le percevons bien, est ici sociale avant tout, pétrie des conventions d'alors. On s'attend les uns les autres à des présences, parfois on invente des prétextes ("se trouver mal"!), prétextes qui sont aussitôt décortiqués et pesés à la balance du vraisemblable. Ainsi des affaires strictement politiques s'entremêlent à des histoires galantes, forment des intrigues, intrigues où la représentation de l'espace revêt une fonction, celle du réalisme, car alors la présence ou non dans un lieu est le reflet d'une réalité historique. Mais, nous le remarquerons avec du recul, la cour, située à Paris pendant longtemps (cf. p. 17), est un espace mal perçu et mal aimé, puisque trop humanisé.

 

De l'autre côté, il y a une représentation de l'espace tout à fait sacralisée. Lieu de perdition de l'être humain, la ville fait fuir à la campagne. Si stéréotypée que puisse être cette vision, elle est tout est fait justifiée pour le roman de Mme de la Fayette. la campagne, non seulement "meilleure" que la ville, est transfigurée (dans le sens suivant: "- 4. Transformée en améliorant.", ibid. ) Elle en devient presque merveilleuse, en particulier une de ses composantes, le pavillon de la forêt: p. 13 1: "La liberté de se trouver seules, la nuit, dans le plus beau lieu du monde, ne laissait pas finir la conversation", p. 133: "Voir au milieu de la nuit, dans le plus beau lieu du monde, une personne qu'il adorait", p. 133, "une extrême curiosité d'aller voir le pavillon de la forêt. Il en parla comme du lieu le plus agréable du monde", p. 137.Une telle insistance montre combien la nature et la solitude, loin des passions nuisibles, et où l'être humain retrouve ses origines, est mise en avant, avec toujours cette constance d'une beauté nécessitée. Un tel cadre permet d'ailleurs à Mme de Clèves de réfléchir pesamment sur sa situation.

 

Une autre composante de la campagne est le jardin, lui aussi idéalisé (cf. p 145: agitée, la princesse se retire dans le jardin, loin des faubourgs où elle pense être seule). Mais, tout autant que la campagne, il n'est pas aussi ancré dans la réalité que la cour. Lieu où l'obscurité est toujours présente, ce qui renforce sa valeur mythique, c'est un lieu où l'on erre, où l'on se perd (duc de Nemours), sphère du contact imaginaire ("la voir sans qu'elle sût qu'il la voyait, et la voir toute occupée de choses qui avaient du rapport à lui et à la passion qu'elle lui cachait, c'est ce qui n'a jamais été goûte ni imaginé par nul autre amant", p. 133). Ce jardin, notons, communique avec la forêt, et en même temps fait partie de la maison, du pavillon campagnard: nous avons donc affaire à un lieu ouvert (par contraste au lieu fermé de la Cour), complexe aussi. Il est en fait le lieu du désir secret: c'est là seul (avec la chambre où se trouvent les tableaux) que Mme de Clèves s'abandonne, ne contrôle plus son austérité. Associé à la figure féminine, certains psychanalystes l'ont même fait symbole du Paradis, lieu de sensualité, Car c'est dans ce jardin que, pour une unique fois, le mariage est perçu positivement par Mme de Clèves: "Plus de devoirs, plus de vertus qui s'opposassent à ce sentiment". Remarquons aussi que ce jardin est dédoublé par le jardin de Paris, sur lequel le duc de Nemours a une vue.

 

 

La Princesse de Clèves est un roman riche, de par son style, son vocabulaire, ses intrigues. En l'entreprenant, Mme de la Fayette s'engageait à dépeindre la cour de Henri 11, à recréer un univers prestigieux alors éteint. Elle le fit avec exactitude, en rendant tout aussi bien, par la même occasion, la cour de Louis XIV. Oeuvre de fiction, donc, la Princesse de Clèves passa toutefois pour une nouvelle historique, grâce à son réalisme. En conséquence, les représentations de l'espace sont parfois réalistes, et ont pour fonction le vraisemblable historique. Mais parfois aussi, le réceptacle de l'humain, l'espace, perd son caractère inerte et immuable: il se prête à une vision positive, ou négative - de toute façon peu originale - et il est altéré; non plus "rendu présent de nouveau", il est "perçu de nouveau". L'espace dans un roman n'est donc qu'une photographie irrémédiablement intelligente et subjective. Quand la perception est neutre, point de fonction. Quand la perception est autre, d'une manière ou d'une autre l'auteur se laisse aller à ses convictions, ou à des clichés. volontaires ou non. Peut-on en définitive lier représentation à fonction? Le lien, qui possède une réalité, est toutefois abusif un auteur qui recrée un univers ne recrée pas des composants dissociés les uns des autres, mais un ensemble, fait de personnages, de lieux, d'intrigues. L'unique n'a pas de fonction singulière, mais l'ensemble, oui.

 

Pour en finir, nous dirons que l'homme est étrange: c'est un chercheur de finalité Il n'en a pas encore trouvé dans la création d'un Dieu qu'il croit avoir inventé, et déjà il en cherche dans sa propre création. Rien que du douteux, finalement.