DISCOURS
DE LA MÉTHODE
Pour bien conduire sa raison, et chercher la vérité dans les
sciences
Date
de lecture: premier trimestre 1998.
Fiche
de lecture: Fontaine Didier.
I / Support
Auteur: Descartes,
René
Date de publication: 1637
Côte: 194 DES
Table: Introduction d'Alain
Introduction de Paul Valéry
Notice
Discours de la Méthode
Éclaircissements: Vie de Descartes
Documents (lettres)
Notes
Lexique
II/ Présentation
Thème : Cet ouvrage se présente sous forme de discours
dans lequel Descartes entend, non pas imposer une méthode ni même en faire une
démonstration, mais rédiger de manière assez biographique quel fut le
cheminement de sa pensée dans la recherche d'une vérité métaphysique. Abordant
différents domaines, aussi bien philosophiques, métaphysiques que purement
scientifiques, le thème du Discours de la Méthode est indéniablement une
recherche raisonnée de la Vérité dans les sciences.
Fil directeur : il n'y a pas à proprement parler de fil directeur
dans le Discours. Cependant la cohérence interne est celle qui consiste à
n'accepter que les faits absolument certains pour progresser dans la réflexion,
à tenter de diversifier les domaines pour mieux les comprendre et à aller du
plus simple au plus compliqué sans rien oublier.
Thèses centrales : le Discours est surtout connu pour la conclusion à
laquelle Descartes parvient : "Je pense donc je suis", vérité
fondatrice de la métaphysique cartésienne. On y trouve aussi les thèses non
moins importantes de l'existence de Dieu et de l'âme humaine.
III / Plan de l'ouvrage
Première partie :
considérations sur les sciences, remise en question d'une totale crédibilité.
Seconde partie :
principales règles de la méthode recherchée par Descartes.
Troisième partie :
règles de la morale issues de la méthode.
Quatrième partie :
preuve ontologique de l'existence de Dieu et de l'âme humaine.
Cinquième partie :
petit traité d'anatomie (cœur) débouchant sur la thèse concernant la
distinction entre l'homme et la bête.
Dernière partie :
Considérations diverses sur le motif de l'écriture de l'ouvrage.
IV / Analyse
PREMIÈRE PARTIE
Descartes expose le
cheminement de sa raison via des considérations sur quelques sciences -
éloquence et poésie : pour lui, plutôt du ressort du don
- mathématiques : il s'y
est intéressé pour ses certitudes et ses évidences
- lectures de livres
anciens : elles sont une discussion agréable avec d'honnêtes gens
-
Ecrits païens sur les mœurs
: ils montrent les défauts mais n'aident pas à les corriger
- théologie : elle concerne aussi bien les ignorants que
les doctes
- philosophie - elle fonde
les sciences mais rien n'y est assuré.
Ces considérations le
conduisent à abandonner les sciences comme moyen d'accéder à une vérité
absolue, car leur fondement n'est pas certain.
Il s'intéresse dès lors au
"livre du monde" pour en acquérir une expérience, mais réalise
finalement que tout connaître des siècles passés et des différents peuples
éloigne du siècle présent, c'est pourquoi il se replie sur une connaissance qui
ne pourrait être plus proche de lui que lui-même en décidant une sorte
d'introspection.
» "Ainsi mon dessein
n'est pas d'enseigner ici la méthode que chacun doit suivre pour bien mener sa
raison : mais seulement de faire voir en quelle sorte j'ai tâché de conduire la
mienne" » "Je ne dirai rien de la philosophie, sinon que, voyant
qu'elle a été cultivée par les plus excellents esprits qui aient vécu depuis
plusieurs siècles, et que néanmoins il ne s 'y trouve encore aucune chose dont
on ne dispute, et par conséquent qui ne soit douteuse"
SECONDE PARTIE
C'est l'isolement qui lui
permet de comprendre combien travailler sur les idées d'autrui n'apporte rien
sinon une multitude d'opinions diverses. Or, puisque la raison est universelle,
et que l'esprit le plus simple peut arriver aux mêmes conclusions que tout le genre
humain, Descartes décide d'être la matière de son raisonnement, se distinguant
de ceux qui se précipitent dans leur raisonnement, et de ceux qui se contentent
de se référer à des autorités intellectuelles.
Descartes lui ne peut
choisir parmi autant de monde et préfère se conduire lui-même. Cette conduite
le mène sur la voie de la circonspection, d'où il s'impose quatre principes
I/ Ne pas prendre pour
vraie une chose pour vraie tant qu'il n'est pas sûr du fait
2/ Diviser les difficultés
au maximum
3/ Aller du plus simple au
plus compliqué
4/ Ne rien omettre en
démultipliant les domaines d'investigations.
Avant toutefois de
poursuivre, il attend d'avoir atteint un âge mûr.
>> " mais que,
pour toutes les opinions que j'avais reçues jusques alors en ma créance, je ne
pouvais mieux faire que d'entreprendre une bonnefois de les en ôter, afin d'y
en remettre par après ou d'autres meilleures ou les mêmes, lorsque je les
aurais ajustées au niveau de la raison" » "Mais, comme un homme qui
marche seul et dans les ténèbres, je me résolus d'aller si lentement et d'user
de tant de circonspection en toutes choses que, si je n'avançais que fort peu,
je me garderais bien, au moins, de tomber."
TROISIÈME PARTIE
Pendant le temps qu'il lui
faudra, Descartes se donne des bases pour travailler: I/ obéir aux lois du
pays, respecter sa religion choix de la modération
2/ Être le plus ferme et le
plus résolu dans ses actions (ne pas suivre les opinions douteuses) tout en n'étant
surtout pas sceptique (il faut donc s'attacher à l'opinion la plus probable à
défaut de celle qui est vraie pour éviter le statu quo)
Y Puisque rien n'est en
notre pouvoir si ce ne sont nos pensées, ne rien vouloir de plus que ce qui est
possible, afin de ne pas en éprouver le manque (tendance stoïcienne)
Il passe en revue les
différentes occupations des hommes afin de faire le choix de la meilleure, qui
est celle de cultiver sa raison comme il était justement en train de le faire.
Il entreprend de se défaire de toutes ses croyances en voyageant. La
destruction de ces croyances le conduit à l'élaboration de diverses
observations, originaires de sa Méthode.
» "Non que J'imitasse
pour cela les sceptiques, qui ne doutent que pour douter, et affectent d'être
toujours irrésolus"
» "c'est une vérité
très certaine, que lorsqu'il n'est pas en notre pouvoir de discerner les plus
vraies opinions, nous devons suivre les plus probables"
» "il est certain que
si nous considérons tous les biens qui sont hors de nous comme également
éloignés de notre pouvoir, nous n'aurons pas plus de regret de manquer de
ceux-ci qui semblent dus à notre naissance, lorsque nous en serons privés sans
notre faute, que nous avons de ne posséder pas les royaumes de Chine ou de
Mexique"
» "pour tâcher à faire
choix de la meilleure [occupation], et sans que je veuille rien dire de celles
des autres, je pensai que je ne pouvais mieux que de continuer en celle-là où
je me trouvais, c' est-à-dire que d'employer toute ma vie à cultiver ma raison"
QUATRIÈME PARTIE
Sa recherche exclusive de
la vérité le conduit à rejeter pour faux tout ce qui présente le moindre doute
~
- puisque les sens trompent
quelques fois (rêve) - ils trompent toujours
- puisqu'en raisonnant, les hommes se trompent quelques
fois -. tous les raisonnements sont faux - puisqu'il peut subir des illusions
extérieures : tout ce qui lui est extérieur est faux.
C'est alors qu'il se rend
compte que pendant qu'il pense que tout est faux (doute radical), lui qui y
pense est forcément quelque chose, et que la proposition suivante "Je
pense donc je suis" est suffisamment inébranlable pour qu'il puisse en
faire le premier principe de sa philosophie.
La première déduction qu'il
fait de ce principe est qu'il est une substance dont toute l'essence est de
penser, ce qui l'amène à la certitude que l'âme est distincte du corps, qu'elle
est plus facile à connaître que ce dernier, Enfin, examinant sa certitude, il
généralise : la pensée étant la certitude de l'être, ce que l'on pense "clairement
et distinctement" est vrai.
S'interrogeant sur le fait
qu'il ait eu des doutes, il en conclut
son imperfection, et se demande en quelque sorte où il y a plus parfait
que lui : Dieu. Puisque ce que l'on pense distinctement de Dieu, c'est qu'il
est, en autres, parfait, il serait une imperfection de la part de Dieu qu'il
n'existe pas, donc il existe, et n'est pas composé d'un corps ("d'un être
parfait, je trouvais que l'existence y était comprise").
» "Mais aussitôt après
je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il
fallait nécessairement que moi qui le pensais fusse quelque chose : et
remarquant que cette vérité, Je pense donc Je suis, était si ferme et si
assurée que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient
pas capables de l'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule
pour le premier principe de la philosophie que je cherchais."
CINQUIÈME PARTIE
Cherchant à ne pas se
brouiller avec certains doctes, Descartes ne continue pas pleinement dans son
avancée quant aux vérités qui découlent de sa méthode et se contente d'en
donner les lignes générales. Il expose quelques éléments de physique sur la
lumière, le fait que les lois soient universelles, les différentes compositions
de la matière, ainsi que plusieurs phénomènes : la pesanteur, les marrées et la
complexité des agencements de la matière. Sans trop être affirmatif, Descartes
montre par-là que les lois de la nature établies par Dieu auraient de toute
façon aboutit à une création sans Création. Des corps inanimés, il passe aux
corps animés par l'examen du mouvement du cœur et de la pratique de la
dissection. Sa démarche le conduit à une distinction entre l'homme (qui peut
dire ce qu'il pense par la parole) et la bête (qui ne pense pas quoiqu'il
puisse arriver, pour certaines espèces, de "parler".
» "de façon qu'encore
qu'il ne lui aurait point donné au commencement d'autre forme que celle du
chaos, pourvu qu'ayant établi les lois de la nature il lui prêtât son concours
pour agir ainsi qu'elle a de coutume, on peut croire, sans faire tort au
miracle de la création, que par cela seul toutes les choses qui sont purement
matérielles auraient pu avec le temps s 'y rendre telles que nous le voyons à présent"
>> "au lieu que
s'il y en [des automates] eu qui eussent la ressemblance de nos corps, et
imitassent autant nos actions que moralement il serait possible, nous aurions
toujours deux moyens très certains pour reconnaître qu'elles ne seraient point
pour cela de vrais hommes. Dont le premier est que jamais elles ne pourraient
user de paroles ( ... ). Et le second est que ( ... ), elles manqueraient
Infailliblement en quelques autres, par lesquelles on découvrirait qu'elles
n'agiraient pas par connaissance, niais seulement par la disposition de leurs
organes"
SIXIÈME PARTIE
Réflexion sur l'ensemble de
la méthode, les circonstances et les raisons de sa publication, la sixième
partie est un méli-mélo de remarques sur: - l'ordre qu'a suivi Descartes:
1 / trouver en général les
principes ou les premières causes de tout ce qui peut être dans le monde 2/
considérer les premiers et les plus ordinaires effets qu'on peut déduire de ces
causes
3/ comprendre que les
sciences sont trop sophistiquées et variées pour l'entendement humain (ne pas y
perdre Lin temps excessif)
4/ tout s'explique par les
principes qu'il a trouvé.
le pourquoi d'une
communication au public (en langue vulgaire, qui plus est)
sa prudence vis-à-vis des
controverses fatigantes et déloyales auxquelles il devrait ou doit se soumettre
qu'il publie sa physique.
Deux raisons l'ont pourtant
poussé à outrepasser ses craintes:
1/ certains pourraient
croire, connaissant "certains éléments" qu'il a intérêt à le faire.
2/ il remarque qu'il a pris
du retard dans son instruction, et il ne veut pas qu'on lui reproche de ne pas
avoir partagé au public le peu qu'il a trouvé, Descartes clôture son ouvrage
sur un vague projet d'avenir, et non sur une promesse, paradoxale à la Méthode.
» "C'est proprement ne
valoir rien que de n'être utile à personne"
» "L'esprit dépend si
fort du tempérament, et de la disposition des organes du corps, que, s'il est
possible de trouver quelque moyen qui rende communément les hommes plus sages
et plus habiles qu'ils n'ont été jusques ici, je crois que c'est dans la
médecine qu'on doit le chercher"
V/ Approches
A - Le Discours de la
Méthode et le débat philosophique
Descartes s'oppose
vigoureusement à deux formes de philosophies:
- la scolastique: dénuée
d'esprit critique, elle ne permet pas de cultiver la raison c'est la
philosophie dont Descartes a été nourri durant ses études, et dont il se
détache autant que possible)
- le scepticisme cette
façon de penser bloque le cheminement de la raison en prônant un doute
hyperbolique qui n'est fondement d'aucune Vérité.
En revanche, on sent des
attaches:
- au stoïcisme la rigueur
de Descartes dans sa démarche intellectuelle, et sa façon de considérer
certains fait à coup sûr penser à la philosophie du Portique.
- la physique mécaniste et
la théorie des animaux-machines: posent les bases de la science moderne.
- à l'universalité de la
raison et des lois physiques.
B- La tradition philosophique et le Discours de la
Méthode
Par la rigueur formelle de
son Discours et l'intelligence de ses propos, Descartes à introduit:
- le moi originaire, l'égotisme: entendre par là, comme le
remarque Paul Valéry dans Variétés IV "Ce ne sont pas les principes
eux-mêmes qui nous peuvent longtemps retenir. Ce qui attire [notre] regard (
... ), c'est la présence de lui-même dans ce prélude à la philosophie" ou,
comme dit Alain dans ses Idées "Personne n'a pensé plus près de soi".
( Ce moi originaire se
retrouve dans des ouvrages comme Critique de la raison pure, de Kant ou Les Méditations
cartésiennes, de Husserl )
- le cartésianisme-.
par sa méthode, sa rigueur, et la métaphysique qu'il impose dans ce Discours
et qu'il précisera quatre années plus tard avec les
Méditations Métaphysiques, Descartes a créé l'esprit cartésien, qui désigne
aujourd'hui une démarche méthodique et rationnelle.
N.B: Cette fiche de lecture
a été faite dans le cadre d'une classe préparatoire en
Lettres Supérieures en Janvier 1999. Non notée, mais mentionnée
"TB"& bonne présentation.